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13/04/2023 | FRANCE | N°22PA01841

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 avril 2023, 22PA01841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération n° 2020.033 du 6 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a approuvé le plan local d'urbanisme de Barbizon et la délibération n° 2020.034 du 6 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a approuvé

le site patrimonial remarquable de Barbizon.

Par un jugement n° 2006009 du 25 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération n° 2020.033 du 6 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a approuvé le plan local d'urbanisme de Barbizon et la délibération n° 2020.034 du 6 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a approuvé le site patrimonial remarquable de Barbizon.

Par un jugement n° 2006009 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, M. B... C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem, représentés par Me Bichelonne, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006009 du 25 février 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les délibérations n° 2020.033 du 6 février 2020 et n° 2020.034 du 6 février 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement touristique et hôtelier est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 151-16 et R. 151-37 du code de l'urbanisme en ce que les secteurs ont été définis à l'échelle de l'unité foncière et non d'un quartier, d'un ilot ou d'une voie, que l'hébergement hôtelier ne constitue pas un commerce de détail ou de proximité et en ce que la diversité commerciale ne peut être assurée par la seule sous-destination " hébergement touristique et hôtelier " ;

- le rapport de présentation est insuffisamment précis s'agissant de la situation du parc hôtelier ;

- le règlement du plan local d'urbanisme, en ce qu'il n'autorise que la destination " hébergement hôtelier et touristique ", est plus strict que le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le classement de plusieurs parcelles est entaché d'erreurs de fait, le 73 Grande Rue n'étant qu'en partie dévolue à un usage d'hôtellerie, le 29 Grande Rue n'étant plus exploitée par un hôtel depuis 2016, et les tènements immobiliers du 4 rue Antoine Barye et du 1 rue du Puits ne comportant que peu d'arbres et ne constituant pas un vestige de la forêt de Fontainebleau ;

- la délibération comporte une rupture du principe d'égalité devant la loi, d'une part entre les différentes structures d'hébergement touristiques existantes et d'autre part entre les hôtels existants et les futures structures hôtelières susceptibles de venir s'établir sur la commune.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2022, la communauté d'agglomération du pays de Fontainebleau, représentée par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C..., de la société civile immobilière Delta et de la société civile immobilière Saint-Herem la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Richard substituant Me Bichelonne, représentant M. C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem,

- et les observations de Me Santangelo substituant Me Rivoire, représentant la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 6 novembre 2014, le conseil municipal de la commune de Barbizon a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Parallèlement, il a décidé le 8 avril 2014 d'engager le processus de transformation de la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager en Aire de Mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine, devenue depuis la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 Sites Patrimoniaux Remarquables. Ces procédures ont été poursuivies par la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau, qui bénéficie depuis sa création le 1er janvier 2017 de la compétence dans ces matières. Par délibération du 4 avril 2019, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a tiré le bilan de la concertation et arrêté le projet de plan local d'urbanisme ainsi que le projet de site patrimonial remarquable. Les projets de plan local d'urbanisme et de site patrimonial remarquable ont fait l'objet d'une enquête publique conjointe du 4 septembre au 7 octobre 2019. Par des délibérations du 6 février 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau a approuvé le plan local d'urbanisme de Barbizon ainsi que le site patrimonial remarquable. M. C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem relèvent appel du jugement du 25 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de ces délibérations.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Les requérants soutiennent en premier lieu que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme méconnaissent celles des articles L. 151-16 et R. 151-37 du code de l'urbanisme.

3. Aux termes de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif ". Aux termes de l'article R. 151-37 du même code : " Afin d'assurer la mise en œuvre des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle, le règlement peut : (...) 4° Identifier et délimiter, dans le ou les documents graphiques, les quartiers, îlots et voies dans lesquels doit être préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les règles spécifiques permettant d'atteindre cet objectif ; ".

4. Aux termes des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux zones UA et UB du plan local d'urbanisme : " Dans le secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique / En application de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme, seule la destination " hébergement hôtelier et touristique " est autorisée. / Toutefois, à condition qu'elles soient liées à l'hébergement hôtelier et touristique, les destinations suivantes sont autorisées : / - la restauration, les activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, le cinéma, le centre de congrès et d'exposition ". Le document graphique du plan local d'urbanisme identifie en tant que " secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique " plusieurs parcelles situées en centre-ville, où n'est autorisée que la sous-destination " hébergement hôtelier et touristique ", éventuellement agrémentée d'activités accessoires.

5. D'une part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si le plan local d'urbanisme ne désigne pas à proprement parler de quartiers, d'îlots ou de voies, il ressort cependant des pièces du dossier que l'ensemble des parcelles concernées par des croix rouges est situé en centre-ville, la majorité des hôtels concernés étant au demeurant regroupés dans une même zone, et qu'une telle localisation constitue un quartier au sens et pour l'application des dispositions précitées. D'autre part, et quand bien même les établissements hôteliers ne constituent ni des commerces de détail ni des commerces de proximité, les dispositions des articles L. 151-16 et R. 151-37 précitées n'ont pas entendu les exclure de l'objectif de diversification de l'offre commerciale à laquelle ils participent, le règlement contesté autorisant au demeurant également les autres hébergements touristiques ainsi que les activités de restauration.

6. Les requérants soutiennent en deuxième lieu que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, en ce qu'elles instituent un secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique, sont plus strictes que l'objectif assigné dans le projet d'aménagement et de développement durable.

7. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

8. Après avoir relevé, dans la partie relative au diagnostic, que l'activité touristique est le moteur de l'économie locale mais qu'il existe un déficit de places d'hébergement dans le parc hôtelier qui a du mal à se renouveler et que le développement de l'activité économique touristique constitue un des principaux enjeux, le projet d'aménagement et de développement durables fixe, parmi les orientations générales, l'interdiction du changement de destination pour les hôtels existants afin de protéger le parc hôtelier actuel et de lui permettre d'évoluer pour répondre aux enjeux du tourisme, le développement du parc hôtelier devant se faire en complémentarité et en synergie avec le parc actuel, et précise que l'interdiction de changement de destination pour les hôtels existants se justifie par la nécessité pour ce parc hôtelier d'évoluer afin de répondre aux enjeux touristiques et de permettre une offre d'accueil diversifiée et non concurrentielle, orientée notamment vers l'accueil de groupes. Il résulte de ce qui précède que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme rappelées au point 4 du présent arrêt ne sont pas incohérentes avec celles du projet d'aménagement et de développement durables.

9. Si les requérants font, en troisième lieu, grief au rapport de présentation de ne pas être suffisamment motivé, le moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 7 du jugement.

10. Les requérants soutiennent en quatrième lieu que le classement de certaines parcelles est entaché d'erreurs de fait.

11. D'une part, en ce qui concerne la parcelle AL n° 186 située au 73, Grande Rue, la seule circonstance que le bail commercial signé le 19 septembre 2018 ne porte que sur la partie A de l'immeuble et non la partie B, qui en fait partie mais ne supporte pas l'hôtel-restaurant, n'affecte pas l'identification de cette dernière dans le secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le tout forme un ensemble cohérent.

12. D'autre part, s'agissant de l'ensemble immobilier situé au 29, Grande Rue, la seule circonstance que l'hôtel qui exploitait l'établissement a été radié du registre des commerces et des sociétés en 2016 n'affecte pas son classement dans le secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un tel classement est cohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.

13. Enfin, les affirmations relatives au classement de la parcelle AI n° 455 dans le site patrimoine remarquable sont dépourvues de toute pièce justificative.

14. Les requérants soutiennent en dernier lieu que l'élaboration du secteur de protection des constructions destinées à l'hébergement hôtelier et touristique constitue une rupture d'égalité devant la loi.

15. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

16. D'une part, les requérants invoquent l'existence d'une rupture du principe d'égalité entre les hôtels, soumis aux dispositions contestées qui interdisent la modification de la destination hôtelière, et les autres hébergements touristiques qui n'y sont pas soumis alors qu'ils appartiennent à la même sous-destination " hébergement hôtelier et touristique " de la destination " commerce et activités de service " définie au 3° de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme alors applicable au plan local d'urbanisme. Toutefois, outre que le règlement d'un plan local d'urbanisme peut fixer, au titre de l'affectation des sols, la nature des activités susceptibles d'être exercées dans certaines zones sans que soit opposable à la définition des activités ainsi autorisées ou interdites le caractère limitatif des destinations énumérées par le code de l'urbanisme, il n'est pas établi que les hôtels seraient dans la même situation que les chambres d'hôtes, les gîtes ou les meublés de tourisme, la seule capture d'écran de l'établissement " La Folie Barbizon " ne permettant pas d'établir que cet établissement aurait dû être inclus dans le secteur de protection défini.

17. En ce qui concerne d'autre part la rupture d'égalité alléguée entre les exploitants des hôtels existants et les futures structures hôtelières, la circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier, que l'interdiction de modifier la destination des hôtels ne s'appliquerait qu'aux hôtels installés à la date de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme et non aux hôtels installés à l'avenir, n'est en tout état de cause pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier dès lors que l'objectif est de protéger le parc hôtelier existant et d'assurer en complémentarité et en synergie avec lui, de nouvelles offres hôtelières.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'annulation ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. C..., de la société civile immobilière Delta et de la société civile immobilière Saint-Herem une somme globale de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C..., de la société civile immobilière Delta et de la société civile immobilière Saint-Herem est rejetée.

Article 2 : M. C..., la société civile immobilière Delta et la société civile immobilière Saint-Herem verseront une somme globale de 1 500 euros à la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société civile immobilière Delta, à la société civile immobilière Saint-Herem et à la communauté d'agglomération du Pays de Fontainebleau.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. A... J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01841
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-13;22pa01841 ?
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