Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 76 343,24 euros correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, assortis de pénalités, ainsi qu'aux majorations et frais liés à leur recouvrement.
Par un jugement n° 1915671/1 du 20 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin 2021 et 12 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Laisné, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915671/1 du 20 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 76 343,24 euros correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, assortis de pénalités, ainsi qu'aux majorations et frais liés à leur recouvrement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il conteste le montant des impositions dont le recouvrement est poursuivi ;
- sa requête n'est pas tardive dès lors qu'il n'a eu connaissance des actes de poursuite émis à son encontre que dans un courrier du 24 janvier 2019 qu'il a reçu le 1er février 2019 ;
- l'action en recouvrement est prescrite en application des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales dès lors que les actes que l'administration considère comme interruptifs ne lui ont pas été régulièrement notifiés entre 2003 et 2017 ;
- le service a méconnu l'instruction administrative référencée BOI-REC-EVTS-30-20 du 1er juillet 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, les courriers de M. A... adressés au service les 20 novembre 2018 et 1er avril 2019 ne constituent pas une opposition à poursuites et que, dès lors, les premiers juges n'ont été régulièrement saisis d'aucune demande relevant du contentieux du recouvrement ;
- à titre subsidiaire, le juge d'appel ne peut se fonder, en application de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, sur des pièces produites pour la première fois devant la Cour ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2022 à 12 heures.
Par un courrier du 10 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué est irrecevable en tant qu'il a été soulevé après l'expiration du délai d'appel.
Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2023, M. A..., représenté par Me Poirrier-Jouan, a répondu au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poirrier-Jouan pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que M. A... a été assujetti à une cotisation primitive d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2000, pour un montant en droits de 2 143,74 euros, qui a été mise en recouvrement le 31 juillet 2001, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2000, pour un montant total, en droits et pénalités, de 39 445 euros, qui ont été mises en recouvrement respectivement les 31 décembre 2003 et 15 septembre 2004, ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2001, pour un montant total, en droits et pénalités, de 25 797 euros, qui ont été mises en recouvrement respectivement les 31 décembre 2003 et 15 septembre 2004. Pour obtenir le recouvrement de ces impositions, le comptable public a notifié à l'intéressé divers actes de poursuite entre 2003 et 2020. Par un courrier du 1er avril 2019, reçu par l'administration fiscale le 3 avril 2019, M. A... a formé opposition aux actes de poursuite portés à sa connaissance le 1er février 2019 dans un courrier récapitulatif du 24 janvier 2019, cette opposition ayant été implicitement rejetée le 3 juin 2019. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 76 343,24 euros correspondant à ces impositions, assorties de pénalités, ainsi qu'aux majorations et frais liés à leur recouvrement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans sa requête introductive d'instance présentée devant la Cour, M. A... s'est borné à contester le bien-fondé du jugement attaqué. Ce n'est que par son mémoire en réplique, présenté après l'expiration du délai d'appel, que l'intéressé a soulevé le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de ce que le Tribunal administratif de Paris a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration fiscale a établi à tort les impositions litigieuses en se fondant sur le montant global de cessions mobilières et non sur les plus-values en résultant. M. A... a ainsi émis une prétention fondée sur une cause juridique distincte constituant une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :
3. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédure fiscales : " Les [comptables publics des administrations fiscales] qui n'ont fait aucune poursuite contre un [redevable] pendant quatre années consécutives à [compter] du jour de la mise en recouvrement du rôle [ou de l'avis de mise en recouvrement] (...) sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable / (...) ".
4. Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant que l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et n'a pas été retourné avant l'expiration du délai de mise en instance. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
5. Par ailleurs, en cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration fiscale de sa nouvelle adresse.
6. Il résulte de l'instruction que le comptable en charge du recouvrement des impositions en litige a émis à l'égard de M. A... deux avis à tiers détenteur notifiés à BP 43 Pamandzi Mayotte 985 les 24 avril 2003 et 28 avril 2004, un avis à tiers détenteur notifié au 9 avenue Paul-Adam à Paris (17ème arrondissement) le 18 janvier 2005, deux avis à tiers détenteur notifiés au 6 rue Renan à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) les 25 juillet 2007 et 3 mars 2008, un commandement de payer notifié à BP 43 Pamandzi Mayotte 985 le 6 juillet 2010, deux mises en demeure de payer notifiées à ACHM Quemeresse 97680 Dzaoudzi les 16 janvier 2012 et 25 juillet 2014, et une mise en demeure de payer notifiée au 36 rue des 100 villas 97600 Mamoudzou le 28 avril 2017.
7. Le requérant soutient que ces actes de poursuite ont été irrégulièrement notifiés dès lors que, d'une part, ils ont été envoyés à des adresses erronées alors qu'il a quitté la France en 2000, qu'il vit depuis de nombreuses années à Madagascar et en a informé les autorités françaises, et que, d'autre part, il n'a pas signé les avis de réception des plis contenant l'avis à tiers détenteur du 24 avril 2003 et les deux mises en demeure de payer des 16 janvier 2012 et 25 juillet 2014.
8. En se bornant à faire valoir que les autorités françaises ont été informées du fait qu'il réside à Madagascar dès lors qu'il y a fait établir son passeport à l'ambassade de France en 2008 puis en 2013, M. A... n'établit toutefois pas qu'il a accompli les diligences nécessaires pour informer l'administration fiscale de sa nouvelle adresse à Madagascar, dès lors que les démarches accomplies auprès de services relevant du ministère des affaires étrangères ne sont pas opposables à l'administration fiscale. S'il est constant que l'administration fiscale a eu connaissance de l'attestation notariée établie le 1er février 2014 à la suite du décès du père de M. A... et publiée le 4 mars 2014 au service de la publicité foncière, laquelle attestation fait état d'un domicile du requérant, il résulte de l'instruction que cette adresse est imprécise dès lors que l'attestation se borne à indiquer que l'intéressé demeure à Tananarive (Madagascar). Ainsi, l'administration fiscale ne peut être regardée comme ayant été mise en mesure d'atteindre le requérant à une adresse personnelle. Par ailleurs, à l'exception du pli contenant l'avis à tiers détenteur du 18 janvier 2005 qui ne mentionne pas le motif pour lequel il n'a pas été distribué, le ministre établit que les plis contenant les actes de poursuite mentionnés au point 6, qui n'ont pas été distribués, sont tous revenus au service avec la mention " non réclamé ". Enfin, si le requérant soutient qu'il n'a pas signé lui-même les avis de réception des plis contenant l'avis à tiers détenteur du 24 avril 2003 et les deux mises en demeure de payer des 16 janvier 2012 et 25 juillet 2014, il résulte toutefois de l'instruction que le service postal a régulièrement distribué, les 20 mai 2003, 28 janvier 2012 et 7 août 2014, les plis contenant ces actes de poursuite à des adresses connues de l'administration fiscale, puis a retourné au comptable les avis de réception signés à ces dates. L'administration fiscale était en droit de regarder comme régulièrement parvenus à son destinataire de tels plis, quel que soit le signataire des avis de réception, et sans qu'il lui appartienne de rechercher si le signataire desdits avis de réception avait qualité pour y apposer sa signature. Ainsi, M. A..., qui n'établit pas que le tiers signataire n'avait pas qualité pour recevoir les plis, ni n'avait avec lui des liens suffisants, d'ordre personnel ou professionnel, de telle sorte que l'on puisse attendre qu'il fasse diligence pour transmettre ces plis, ne peut utilement faire valoir que les avis de réception n'auraient pas été signés par une personne habilitée à le représenter.
9. Enfin, en application de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires / (...) ". Ces dispositions s'opposent à ce qu'un requérant puisse produire devant le juge, même à l'appui d'un moyen déjà soulevé devant le comptable public, une pièce justificative dont il ne justifie pas qu'il n'aurait pas été en mesure de la présenter à ce comptable dans sa demande initiale.
10. Si, en s'appuyant sur une attestation notariée établie le 2 août 2002, qui a été produite pour la première fois en appel, M. A... soutient que les avis à tiers détenteur adressés les 25 juillet 2007 et 3 mars 2008 au 6 rue Renan à Saint-Brieuc ont été envoyés au domicile de ses parents, alors que ceux-ci ont vendu leur maison située à cette adresse le 2 août 2002, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le requérant aurait joint cette attestation notariée à sa réclamation du 1er avril 2019. L'intéressé n'expose pas davantage les raisons pour lesquelles il n'aurait pas été en mesure de produire ce document à l'appui de sa réclamation, bien qu'il ait été établi antérieurement à la date de cette réclamation. Par ailleurs, le ministre établit que les plis contenant ces actes de poursuite sont revenus au service avec la mention " non réclamé ". Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, cette pièce justificative ne peut être prise en compte pour apprécier le bien-fondé de la demande de décharge de M. A....
11. Dans ces conditions, et alors même que l'avis à tiers détenteur du 18 janvier 2005 a été irrégulièrement notifié, chacun des autres actes de poursuite mentionnés au point 6 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. A... et comme ayant valablement interrompu le délai de prescription de l'action en recouvrement des impositions en litige prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, ses créances fiscales n'étaient pas prescrites à la date de sa réclamation préalable du 1er avril 2019.
12. Enfin M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de l'instruction administrative référencée BOI-REC-EVTS-30-20 du 1er juillet 2015, relative aux événements susceptibles de modifier le délai de prescription de l'action en recouvrement, dès lors que cette instruction ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
En ce qui concerne le montant des impositions supplémentaires établies au titre des années 2000 et 2001 :
13. Les moyens relatifs à la régularité ou au bien-fondé des impositions dont le recouvrement est poursuivi par l'administration fiscale ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'un acte de poursuite, formée dans les conditions prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de ce que les impositions supplémentaires mises à la charge de M. A... au titre des années 2000 et 2001 ont été établies à tort sur le montant global de cessions mobilières et non sur les plus-values en résultant est inopérant dans le cadre du présent contentieux du recouvrement et doit, dès lors, être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
Le rapporteur,
M. C...
La présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03418