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06/04/2023 | FRANCE | N°21PA01318

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 06 avril 2023, 21PA01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Indiana Richelieu Drouot a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 146980 émis le 20 juin 2018 à son encontre par la maire de Paris et de la décharger du paiement de la somme de 12 247,70 euros au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage de ses terrasses, mise à sa charge pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1816895/4-2 du 14 janvier 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, la société Indiana Rich...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Indiana Richelieu Drouot a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 146980 émis le 20 juin 2018 à son encontre par la maire de Paris et de la décharger du paiement de la somme de 12 247,70 euros au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage de ses terrasses, mise à sa charge pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1816895/4-2 du 14 janvier 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, la société Indiana Richelieu Drouot, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

2°) de déclarer illégales les dispositions de l'arrêté de la maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018, en ce qu'il prévoit la taxation des dispositifs de chauffage et des installations hors tiers, ensemble la délibération n° DU54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;

3°) d'annuler le titre exécutoire n° 146980 émis le 20 juin 2018 à son encontre par la maire de Paris et de la décharger de la somme de 12 247,70 euros mise à sa charge au titre des droits de voirie additionnels pour l'année 2018 en ce qui concerne les dispositifs de chauffage, ainsi que de la somme de 7 536 euros au titre des installations hors tiers pour la même année ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la Ville de Paris ne justifie pas de la signature du titre de recettes conformément aux dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 28 décembre 2017 fixant les tarifs de perception des droits de voirie, sur lequel le titre exécutoire s'est fondé, est entaché d'illégalité en ce qu'il méconnaît l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; la Ville de Paris, à laquelle la preuve incombe, ne justifie pas des avantages pris en compte pour le calcul de la redevance et de la proportionnalité de son montant par rapport à ces avantages, et pour les différents droits supplémentaires, ne justifie pas pourquoi ils sont déterminés par rapport à la surface de la terrasse, ni de leur niveau par rapport à celui des droits ordinaires ; les tarifs des droits de voirie supplémentaires de la Ville de Paris ne se fondent pas sur le chiffre d'affaires dégagé par l'installation de dispositifs, qui est incalculable, et la ville n'apporte pas d'éléments précis sur les éléments sur lesquels elle se fonde qui paraissent découler d'une logique dissuasive poursuivant un objectif environnemental ; la distinction de tarifs concernant les installations dans le tiers du trottoir et au-delà du tiers du trottoir n'est pas justifiée par les avantages que procurent ces situations ;

- l'appréciation des droits supplémentaires, de façon forfaitaire, annuelle et par rapport à la surface de la terrasse et non au nombre des équipements, est entachée d'une erreur de droit et induit des tarifs qui sont manifestement excessifs ;

- les tarifs additionnels sont disproportionnés par rapport à ceux des droits ordinaires, ce qui souligne leur caractère excessif ; la fixation des tarifs supplémentaires est donc entachée d'erreur manifeste d'appréciation et présente un caractère discriminatoire ;

- le titre exécutoire est entaché d'erreur de fait, la Ville de Paris n'apportant pas la preuve de l'existence des dispositifs de chauffage pour l'année 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut à l'irrecevabilité de la demande nouvelle tendant à la décharge de la somme de 7 536 euros au titre des droits de voirie ordinaires de l'installation hors tiers du trottoir, et, pour le surplus, au rejet au fond de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la société appelante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de décharge de la somme de 7 536 euros au titre des droits de voirie ordinaires de l'installation hors tiers du trottoir, constitue une conclusion nouvelle, par suite, irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par lettre du 3 mars 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des droits de voirie ordinaires supportés par la terrasse, qui sont nouvelles en appel, seuls les droits additionnels ayant été contestés en première instance.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2023, la société Indiana Richelieu Drouot, représentée par Me Meilhac, répond au moyen relevé d'office par la Cour, en faisant valoir que si sa requête de première instance visait les droits additionnels, son mémoire complémentaire enregistré le 15 septembre 2020, visait les droits de voirie ordinaires, de sorte que ses conclusions tendant à la décharge de droits de voirie ordinaires ne sont pas nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- l'arrêté de la maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Meilhac, pour la société Indiana Richelieu Drouot, et de Me Falala pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Indiana Richelieu Drouot est propriétaire d'un fonds de commerce de café-restaurant situé 18 boulevard de Montmartre dans le 9ème arrondissement de Paris. Elle bénéficie d'une autorisation d'occupation du domaine public pour une terrasse ouverte. La maire de Paris a émis le 20 juin 2018 un titre exécutoire mettant à sa charge les droits de voiries de sa terrasse pour l'année 2018 d'un montant total de 15 314,41 euros. La société Indiana Richelieu Drouot a contesté devant le tribunal administratif de Paris ce titre exécutoire, et demandé à être déchargée du paiement de la somme de 12 247,70 euros correspondant aux droits de voirie additionnels mis à sa charge au titre des dispositifs de chauffage de sa terrasse ouverte. Par un jugement du 14 janvier 2021, dont elle fait appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à la décharge d'une somme de 7 536 euros correspondant à des droits ordinaires d'occupation du domaine public :

2. La société Indiana Richelieu Drouot a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à l'annulation du titre exécutoire litigieux en tant seulement qu'il mettait à sa charge, des droits de voirie additionnels d'un montant total de 12 247,70 euros au titre des dispositifs de chauffage installés sur sa terrasse pour l'année 2018, et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Contrairement à ce qu'elle soutient, dans son mémoire complémentaire enregistré le 15 septembre 2020, ses conclusions tendaient également uniquement à la décharge de la somme de 12 247,70 euros correspondant aux droits de voirie additionnels. En appel, la société Indiana Richelieu Drouot demande également la décharge de la somme de 7 536 euros au titre de ses installations situées hors tiers du trottoir. Il résulte de l'instruction que cette somme inclut une somme de 1 404,20 euros pour sa terrasse qui correspond à des droits ordinaires en application du tarif 431 pour l'installation des terrasses. Toutefois, dès lors que la société Indiana Richelieu Drouot n'a demandé en première instance qu'une décharge partielle du titre exécutoire se limitant au montant des droits additionnels, ces conclusions en ce qu'elles portent sur la somme de 1 404,20 euros sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

3. Par ailleurs, la somme totale de 7 536 euros au titre de ses installations situées hors tiers du trottoir, dont la société Indiana Richelieu Drouot demande la décharge, inclut également une somme de 6 131,60 euros au titre des dispositifs de chauffage pour la partie de la terrasse située hors tiers du trottoir, soit une somme dont la décharge est déjà demandée dans la somme de 12 247,70 euros correspondant aux droits additionnels.

Sur les conclusions tendant à la décharge de la somme de 12 247,70 euros mise à sa charge au titre des dispositifs de chauffage :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".

5. Les premiers juges ont considéré, au point 9 de leur jugement, qu'il était constant que la protection d'une terrasse par son chauffage est de nature à en améliorer l'attractivité. Ils ont mentionné que, comme l'indiquait la société requérante, en l'absence de possibilité de déterminer comptablement le gain spécifique procuré par chacune des installations, la Ville de Paris pouvait fixer un tarif au mètre carré, variable en fonction de la nature du dispositif et de son association ou non avec d'autres dispositifs, ainsi que de l'attractivité de la voie publique sur laquelle il est installé et du positionnement de la terrasse, critères qui ne sont pas étrangers aux " avantages de toute nature " procurés à l'occupant privatif du domaine public par chaque installation. Ils ont ainsi suffisamment répondu aux arguments soulevés à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, la question de la charge de la preuve ne constituant notamment pas un moyen autonome devant le juge du fond. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués, ont donc suffisamment motivé leur jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la légalité externe du titre de recette contesté :

6. Aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'ampliation du titre de recettes individuel adressée au redevable doit mentionner les noms, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur.

7. Il résulte de l'instruction, que l'avis des sommes à payer adressé à la société Indiana Richelieu Drouot mentionne que le titre n° 146980 rendu exécutoire le 20 juin 2018 est émis, par délégation, par M. B... A..., adjoint au chef du service de l'expertise comptable. La Ville de Paris a produit un document du 29 novembre 2018 émanant de sa société prestataire Docapost Fast, attestant que le bordereau dématérialisé de ce titre de recettes, comporte la signature électronique de M. A.... En vertu des dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, la Ville de Paris n'avait pas à produire, contrairement à ce que soutient la société appelante, le titre de recette lui-même, le bordereau de ce titre suffisant à justifier de la signature de la personne l'ayant émis. Au surplus, la société Indiana Richelieu Drouot n'avait pas à être destinataire du titre de recette, seule une ampliation de ce dernier étant adressée au redevable en vertu des mêmes dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales doit donc être écarté.

S'agissant de la légalité interne du titre de recette contesté :

Quant à la légalité des tarifs appliqués :

8. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

9. La société Indiana Richelieu Drouot excipe de l'illégalité de l'arrêté du 28 décembre 2017, au regard des dispositions précitées de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques à l'appui de ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire contesté.

10. Par délibération 2011 DU54 des 28, 29 et 30 mars 2011 portant réforme des droits de voirie, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a pris acte de nouveaux modes d'occupation du domaine public et notamment de l'installation sur les terrasses exploitées commercialement de divers équipements, tels que la protection des terrasses ouvertes par des écrans parallèles, les modes de chauffage ou de climatisation, destinés à atténuer les aléas climatiques, qui prolongent et facilitent ainsi l'usage privé du domaine public. Il a décidé de soumettre ces installations à des droits de voirie additionnels, fixés selon la catégorie de la voie et calculés de façon annuelle et forfaitaire proportionnellement à la surface de la terrasse exploitée. L'annexe de l'arrêté du 28 décembre 2017 du maire de Paris fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 prévoit ainsi, s'agissant des " prescriptions applicables aux étalages et terrasses ", au sujet des " droits annuels ", que : " Selon les cas, un droit de voirie additionnel, s'ajoutant à celui prévu pour diverses emprises (étalage, terrasse ouverte, terrasse fermée, prolongement intermittent de terrasse ou d'étalage, contre-étalage ou contre-terrasse, contre-terrasse sur chaussée) est perçu pour : (...) / - l'installation de tout mode de chauffage (...) sur tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles). / Ces droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible. Ils s'appliquent quelles que soient les dates de pose ou dépose de ces dispositifs et leur temps de présence effectif au cours de l'exercice considéré. Il n'est procédé à aucun abattement mensuel ou calcul au " prorata temporis " lors de la première année d'installation ou dans les cas de cessation d'activité ou de démontage (...) / Le cas échéant, les droits de voirie additionnels précités se cumulent en fonction de la présence de différentes installations sur un même emplacement. / Les étalages et terrasses sont taxés au mètre carré et pour l'exercice en cours. Toutefois, les installations situées hors du tiers du trottoir (...), peuvent être taxées au prorata temporis mensuel en cas de démontage régulier, à l'exclusion des installations suivantes :- tout type de protections, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (dotée ou non d'un moyen de chauffage ou de climatisation) ; / - tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles) ". S'agissant de l'installation de tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte, cet arrêté précise que " le droit de voirie additionnel s'apprécie exclusivement sur la totalité de la surface occupée par la terrasse de tout type et non en fonction des surfaces des dispositifs à usage de chauffage ou de climatisation. ".

11. En premier lieu, la société Indiana Richelieu Drouot, tout en admettant que les dispositifs de chauffage d'une terrasse sont, en général, de nature à en améliorer l'attractivité, soutient que la Ville de Paris n'a pas indiqué comment elle avait fixé le montant des droits additionnels réclamés et qu'il n'est pas possible de déterminer comptablement le gain spécifique procuré par chacune des installations. Toutefois, en l'absence précisément d'individualisation comptable permettant de soumettre l'occupation du domaine public à une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires ou au bénéfice généré par chaque installation, la Ville de Paris pouvait légalement fixer un tarif au mètre carré, variable en fonction de la nature du dispositif et de son association ou non avec d'autres dispositifs, ainsi que de l'attractivité de la voie publique sur laquelle il est installé et du positionnement de la terrasse hors tiers ou dans le tiers du trottoir, critères qui ne sont pas étrangers aux " avantages de toute nature " procurés à l'occupant privatif du domaine public par chaque installation. En outre, contrairement à ce que la société appelante soutient, dès lors que les terrasses situées hors du tiers du trottoir, dérogent aux règles générales d'occupation du domaine public, lesquelles cherchent à concilier l'activité économique et la circulation des piétons dans l'espace public, celles-ci procurent un avantage aux commerçants, qui n'auraient en principe aucun droit d'y étendre leur terrasse et bénéficient ainsi d'une exception favorable à leur exploitation commerciale. Il résulte en effet, notamment de l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable à compter du 1er juin 2011, aux termes de son article DG10, que : " L'espace public parisien doit ménager dans les meilleures conditions possibles un espace de circulation réservé au cheminement des piétons, en particulier des personnes en situation de handicap. (...) / La largeur des installations permanentes est, en règle générale, limitée au tiers de la largeur utile du trottoir, ou du premier trottoir en cas de contre-allée. / Lorsque la configuration des lieux et l'importance locale de la circulation piétonne le permettent, cette largeur peut être portée au-delà du tiers du trottoir, sans pouvoir excéder 50 % de la largeur utile de celui-ci. (...) ".

12. En deuxième lieu, s'il est soutenu que la Ville de Paris aurait fixé un tarif élevé pour les chauffages afin de dissuader, pour des motifs écologiques, les exploitants d'en installer, cette motivation ne résulte pas de l'instruction ni des textes fixant les tarifs, et notamment de la délibération 2011 DU54. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

13. En troisième lieu, la circonstance que les droits additionnels taxant les dispositifs de chauffage, soient nettement supérieurs aux droits ordinaires dus pour l'emprise d'une terrasse ouverte, ne démontre pas une erreur de droit dans la fixation de ceux-ci. La société Indiana Richelieu Drouot reconnaît en effet elle-même qu'en général l'installation de ces dispositifs permet une exploitation supplémentaire de la terrasse sur six mois de l'année, étant susceptible d'en doubler le chiffre d'affaires. La Ville de Paris fait valoir, quant à elle, que l'occupation d'une terrasse est encore plus longue en présence de ces dispositifs, les droits supplémentaires sur les chauffages étant couplés à ceux de la climatisation, laquelle permet une occupation plus importante en été et les chauffages pouvant également être utilisés à certaines périodes ou plages horaires du printemps ou de l'été, de sorte que ces dispositifs optimisent la fréquentation de la terrasse tout au long de l'année. Elle s'appuie également sur le constat de la généralisation des dispositifs de chauffages sur les dernières années, et d'une fréquentation accrue de ces terrasses, pour démontrer que celles-ci sont plus attractives pour la clientèle et procurent donc des avantages aux exploitants. Dans ces conditions, la fixation de droits supplémentaires supérieurs à ceux appliqués à la terrasse elle-même, dont la Ville de Paris justifie qu'elle tient compte d'avantages notoires, n'est pas entachée d'erreur de droit. La société appelante n'établit donc pas que le montant des droits additionnels sur les dispositifs de chauffage soit manifestement disproportionné par rapport aux avantages qu'ils peuvent procurer, alors que, la Ville de Paris fait valoir que les terrasses chauffées reçoivent généralement plus de clients que les salles intérieures, et génèrent au-delà de la moitié du chiffre d'affaires total. Ces éléments justifient objectivement et sans discrimination une différenciation des tarifs par rapport aux terrasses ne bénéficiant pas de ces installations.

14. En quatrième lieu, la société appelante conteste le caractère forfaitaire, annuel et " en fonction de la surface de la terrasse et non des dispositifs " des droits additionnels, tel que prévu par l'annexe à l'arrêté du 28 décembre 2017. La Ville de Paris fait valoir que l'installation de dispositifs de chauffage, couplés à ceux de climatisation autorise l'exploitation de la terrasse tout au long de l'année et de la journée, et que leur utilisation, compte tenu, en outre, de leur caractère amovible, est ajustée en fonction des besoins liés aux conditions climatiques, un décompte par dispositif étant inadéquat. Les installations en cause procurent donc un avantage spécifique à la terrasse dans son ensemble, la circonstance que les droits de voirie additionnels soient appréciés par rapport à la surface occupée par la terrasse, de façon forfaitaire et annuelle est légalement justifiée et n'entache pas les tarifs fixés d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède, que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que la maire de Paris aurait méconnu les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en lui faisant application des tarifs adoptés par la délibération 2011 DU54 du 28, 29 et 30 mars 2011 et fixés pour l'année 2018 par l'arrêté du 28 décembre 2017. Par suite, ses conclusions tendant à ce que l'arrêté de la maire de Paris du 28 décembre 2017 et la délibération n° DU54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris, soient déclarés illégaux, ne peuvent qu'être rejetées.

Quant à la matérialité des faits :

16. La société appelante se borne à soutenir que la charge de la preuve de l'existence de dispositifs de chauffage sur les terrasses appartient à la Ville de Paris. Dès lors qu'elle n'apporte elle-même en l'espèce aucun élément de nature à démontrer l'absence de ces dispositifs, et que la Ville de Paris a produit, d'une part, une vue du site google street, datant de mai 2018, et, d'autre part, des photographies prises en novembre 2018 par un inspecteur assermenté, attestant de la présence de ces dispositifs sur la période sur laquelle porte le titre exécutoire, soit l'année 2018 et non l'année 2017, comme le soutient la société appelante, ce moyen ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Indiana Richelieu Drouot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation et de décharge du titre exécutoire contesté.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Indiana Richelieu Drouot demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Indiana Richelieu Drouot une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Indiana Richelieu Drouot est rejetée.

Article 2 : La société Indiana Richelieu Drouot versera à la Ville de Paris, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Indiana Richelieu Drouot et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

2

N° 21PA01318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01318
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-06;21pa01318 ?
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