Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à action simplifiée (SAS) France Luxe, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, à concurrence d'un montant de 45 927 euros, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2016 et, en conséquence, la réduction, à concurrence du même montant, du redressement résultant du " Profit sur le Trésor " opéré en matière d'impôt sur les sociétés, et de la décharger de la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux rappels infondés de taxe sur la valeur ajoutée.
Par un jugement n° 1915153/1-3 du 23 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 mai et 2 août 2022, la SAS France Luxe, représentée par Mes Jacques Guillot et Emmanuel Bourasset, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer les réductions et la décharge sollicitées devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 ne pouvait inclure des montants de taxe déduits sur des périodes antérieures ;
- elle justifie n'avoir déduit par anticipation que 39 028,20 euros de taxe sur la période en litige et le rappel est donc excessif ;
- le rehaussement du résultat de l'exercice clos en 2016 au titre du profit sur le Trésor doit être réduit à ce montant ;
- la pénalité pour manquement délibéré est insuffisamment motivée ;
- elle n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS France Luxe ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mathieu, substituant Me Guillot, représentant la SAS France Luxe.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS France Luxe a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 12 décembre 2017, l'administration l'a informée de ce qu'elle envisageait, notamment, de prononcer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 84 235 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, de rehausser le résultat de la société au titre du profit sur le Trésor correspondant pour l'exercice clos en 2016 et d'appliquer la pénalité de l'article 1729 a. du code général des impôts. La société n'a présenté des observations, par lettre du 12 février 2018, que concernant la pénalité pour manquement délibéré. Par un avis du 31 juillet 2018, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de 84 235 euros et une pénalité de 33 730 euros pour manquement délibéré ont été mis en recouvrement. Par un jugement du 23 mars 2022, dont la SAS France Luxe relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à la réduction de ces impositions en droits et pénalités et à la réduction, à concurrence du même montant, du rehaussement du résultat fondé sur le profit sur le Trésor opéré en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2016.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification donne le détail et les modalités de détermination de la discordance constatée par l'administration entre les dettes de la société à l'égard de ses fournisseurs, comptabilisées toutes taxes comprises, et le solde débiteur du compte " TVA déductible sur biens et services " au 31 décembre 2016, dont il a déduit l'existence d'une déduction de taxe par anticipation, en méconnaissance des dispositions des articles 269 c, 271 I 2° et 271 I 3° du code général des impôts. Cette proposition indiquait suffisamment, en conséquence, les éléments de fait et de droit fondant le rehaussement envisagé. La SAS France Luxe n'est ainsi pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues au seul motif que le vérificateur n'identifiait pas les déclarations sur lesquelles aurait été portée la taxe déduite à tort.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance ". Aux termes de l'article 269 du même code : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ".
5. En premier lieu, la société requérante soutient que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée est exagéré concernant les factures non acquittées établies par les sociétés Nexity et Brainstorming pour lesquelles l'administration a retenu que la taxe sur la valeur ajoutée avait été indûment déduite pour des montants respectifs de 81 946,65 euros et de 3 461,80 euros à la suite du rapprochement de la dette à l'égard de ces fournisseurs au 31 décembre 2016 et de la taxe déduite sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Toutefois, en se bornant à produire les éléments relatifs à la taxe qu'elle a déduite au cours du seul exercice 2016, la société France Luxe ne justifie pas de ce que l'écart constaté par l'administration, dont il résulte nécessairement un montant de taxe déduite à raison de factures non encore payées, ne correspond pas à des déductions par anticipation opérées précédemment, et prises en compte dans le crédit de taxe déductible reporté au 1er janvier 2016.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5., la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur la période en litige ne pouvait pas dépasser celui qu'elle a effectivement déduit au cours de cette même période.
7. Il résulte de ce qui précède que la SAS France Luxe n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour un montant de 84 235 euros sont exagérés.
En ce qui concerne le rehaussement du résultat de la société :
8. L'administration a procédé au rehaussement du résultat de la société au titre de l'exercice clos en 2016 au titre du profit sur le Trésor résultant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de 84 235 euros. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4. à 8. que la société requérante n'est pas fondée à en demander la réduction par voie de conséquence de la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. En premier lieu, il ressort de la proposition de rectification que l'administration a envisagé l'application de la pénalité du a de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en raison de l'importance du montant de la taxe indûment déduite et de la circonstance que la société ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit de la déduire dès lors qu'elle a indiqué elle-même avoir cessé de verser les loyers dus à son bailleurs en raison d'un litige. L'application de cette pénalité était ainsi suffisamment motivée.
11. En second lieu, au regard de l'importance du montant de taxe déduite par anticipation, qui ne pouvait résulter d'une simple erreur comptable, c'est à bon droit que l'administration a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS France Luxe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS France Luxe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS France Luxe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.
La rapporteure,
Signé
E. A...Le président,
Signé
I. BROTONS
Le greffier,
Signé
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02010 2