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05/04/2023 | FRANCE | N°22PA01326

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 22PA01326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Méthodes et Travaux Bâtiment a demandé au Tribunal administratif de Melun de lui accorder le remboursement, assorti d'intérêts moratoires, de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1802324/3 du 20 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, la société Méthodes et Travau

x Bâtiment, représentée par Me J.P. Stéphane Dumont, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Méthodes et Travaux Bâtiment a demandé au Tribunal administratif de Melun de lui accorder le remboursement, assorti d'intérêts moratoires, de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1802324/3 du 20 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, la société Méthodes et Travaux Bâtiment, représentée par Me J.P. Stéphane Dumont, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision d'admission partielle en tant qu'elle rejette sa demande de remboursement des impositions en litige ;

2°) de lui accorder le remboursement, assorti d'intérêts moratoires, de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du conseil constitutionnel est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement ;

- elle est fondée à s'en prévaloir pour déposer une réclamation ;

- cette décision est un évènement au sens de l'article R. 196-1 c) du livre des procédures fiscales ;

- elle n'est pas une décision juridictionnelle au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dumont, représentant la société Méthodes et Travaux Bâtiment.

Considérant ce qui suit :

1. La société Méthodes et Travaux Bâtiment a demandé la restitution de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants distribués, acquittée au cours des années 2012 à 2016, en application des dispositions du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, en se prévalant de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, déclarant ces dispositions contraires à la constitution. Par une décision du 25 janvier 2018, l'administration, après avoir constaté qu'aucun paiement n'était intervenu en 2012, a accordé à la société la restitution de la contribution acquittée au cours des années 2015 et 2016, mais a rejeté la demande présentée pour les années 2013 et 2014 au motif qu'elle était tardive. La société Méthodes et Travaux Bâtiment relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de restitution de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants distribués restant en litige au titre des années 2013 et 2014.

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, notamment dans ses décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, la déclaration d'inconstitutionnalité doit, en principe, bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.

3. Aux termes des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction ou à la restitution d'impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. / (...) / Pour l'application du troisième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190. (...) ".

4. Par une décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Eu égard à l'autorité qui s'attache à cette décision en vertu de l'article 62 de la Constitution, la déclaration d'inconstitutionnalité qu'elle prononce doit être regardée comme s'appliquant également aux dispositions identiques, dans leur substance et dans leur rédaction, qui figuraient dans les versions antérieures successives du premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, depuis sa création par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il résulte de l'article 2 du dispositif de cette décision, par renvoi au paragraphe 11 de ses motifs qui en constituent le soutien nécessaire, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de sa publication et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

5. Il résulte des dispositions citées au point 3. ci-dessus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c de l'article R. 196-1 et du b de l'article R. 196-2 du même livre écarte la qualification d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation.

6. Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Une décision par laquelle le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ne constitue pas en elle-même un tel événement susceptible d'ouvrir un nouveau délai de réclamation.

7. Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l'imposition litigieuse, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.

8. En particulier, lorsque le Conseil constitutionnel précise, dans une décision déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision, cette déclaration peut être invoquée dans toutes les procédures contentieuses en cours, quelle que soit la période d'imposition sur laquelle porte le litige, ainsi qu'à l'appui de toute réclamation encore susceptible d'être formée sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales eu égard aux règles de recevabilité prévues par ce livre.

9. Si le Conseil Constitutionnel a précisé dans sa décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 déclarant contraire à la Constitution le premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts que : " En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ", il ne s'en déduit pas pour autant que cette décision a constitué un événement rouvrant le délai de réclamation préalable au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, contrairement à ce que soutient la société requérante. Il ne peut non plus être déduit de cette formulation que le Conseil constitutionnel aurait entendu ouvrir un nouveau délai de réclamation à l'encontre d'une imposition pour laquelle le délai de réclamation était déjà expiré. Par suite, la réclamation présentée le 18 octobre 2017 en restitution des sommes acquittées au titre des années 2013 et 2014 était, en vertu des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, tardive.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Méthodes et Travaux Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Méthodes et Travaux Bâtiment est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Méthodes et Travaux Bâtiment et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. A...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 22PA01326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01326
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;22pa01326 ?
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