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05/04/2023 | FRANCE | N°21PA00433

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 21PA00433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 pour un montant de 3 066 553 euros, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, et à titre plus subsidiaire, de prononcer la décharge des seules contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 pour un montant

de 1 273 799 euros.

Par un jugement n° 1800411/10 du 1er décembre 2020, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 pour un montant de 3 066 553 euros, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, et à titre plus subsidiaire, de prononcer la décharge des seules contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 pour un montant de 1 273 799 euros.

Par un jugement n° 1800411/10 du 1er décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 janvier 2021 (régularisée le 5 février 2021), 5 juillet 2021 et 30 août 2021, M. A..., représenté par Me Marc Bornhauser, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;

A titre principal :

2°) de transmettre en tant que besoin à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce qu'un Etat membre adopte un nouveau fait générateur d'imposition, constitué par le transfert du domicile dans un autre Etat de l'Union et destiné à imposer une plus-value latente afférente à une plus-value d'échange qui soit applicable à compter d'une date antérieure à celle à partir de laquelle elle a été rendue publique de manière claire et non équivoque ' " ;

3°) de prononcer la décharge de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2011 pour un montant total de 3 066 553 euros ;

A titre subsidiaire :

4°) de transmettre en tant que besoin à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " le principe de la liberté d'établissement doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre adopte un régime fiscal entrainant la taxation à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix, et des plus-values en report d'imposition lors transfert du domicile fiscal hors de France, sans possibilité d'obtenir le dégrèvement ou la restitution des seuls prélèvements sociaux à l'issue d'un délai de huit ans suivant le transfert intervenu entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013, contrairement à l'impôt sur le revenu qui est dégrevé d'office ou restitué ' " ;

5°) de prononcer la décharge des impositions auxquelles il a été assujetti au titre des contributions sociales pour un montant total de 1 273 799 euros ;

En tout état de cause :

6°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la date d'entrée en vigueur du dispositif prévu par l'article 167 bis du code général des impôts dans sa version modifiée par l'article 48 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 est contraire au principe de confiance légitime dès lors qu'elle a un caractère rétroactif ;

- ce caractère rétroactif n'est pas justifié par un motif d'intérêt général ;

- la mesure n'avait pas été rendue publique de manière claire et non équivoque à sa date d'entrée en vigueur ;

- la disposition en cause porte atteinte à la liberté d'établissement et est donc régie par le droit de l'Union ;

- en ce qui concerne les prélèvements sociaux, ils ne sont pas dégrevés au-delà de huit ans dans le cas des transferts de domicile fiscal intervenus depuis le 3 mars 2011 jusqu'au 31 décembre 2013 ;

- le dispositif est contraire à la liberté d'établissement en l'absence de possibilité d'obtenir un dégrèvement au-delà de huit ans ;

- il est contraire au principe de non cumul des prélèvements sociaux prévu par le règlement 883/2004.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 juin 2021, 20 août 2021 et 1er décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bornhauser, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., qui était fiscalement domicilié en France jusqu'au 15 avril 2011, date à laquelle il a transféré son domicile fiscal en Belgique, a été imposé conformément à l'article 167 bis du code général des impôts dans sa version issue de l'article 48 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, qui s'applique aux transferts intervenus à compter du 3 mars 2011 et au e bis de l'article 136-6 du code de la sécurité sociale. Cette imposition et ces prélèvements sociaux ont été placés en sursis de paiement automatique, sans constitution de garanties. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 20 septembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de la direction des impôts des non-résidents a prononcé le dégrèvement de la somme de 1 107 799 euros de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. A... au titre de l'année 2011. Par suite, les conclusions de la requête afférentes auxdites impositions sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. En vertu du 1 et du 2 du I de l'article 167 bis inséré dans le code général des impôts par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables lors de ce transfert au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux et valeurs mobilières répondant à certains critères et déterminées par différence entre la valeur de ces titres lors du transfert du domicile fiscal hors de France et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. En vertu du III du même article, le transfert hors de France du domicile fiscal d'un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus. Selon le IV du même article, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de l'Union européenne, il est sursis au paiement de l'impôt correspondant aux plus-values constatées. L'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value latente n'est plus exigible à l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de France où à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile hors de France si cet événement est antérieur. L'article 48 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, dont sont issues les dispositions précitées dispose : " Le présent article est applicable aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011 ".

4. Les principes généraux du droit de l'Union européenne peuvent être invoqués par tout contribuable auquel une autorité nationale a fait application du droit de l'Union. En l'espèce, les impositions en litige sont régies uniquement par les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, soit par la loi fiscale française et non par le droit de l'Union européenne. Si le requérant fait valoir que la France a nécessairement fait application du droit de l'Union en portant atteinte à la liberté d'établissement protégée par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, un Etat membre est en droit, sans porter atteinte à cette liberté, d'imposer une plus-value latente ou en report sur son territoire même si elle n'a pas encore effectivement été réalisée, dès lors qu'il n'impose pas le recouvrement immédiat lors du transfert dans un autre Etat de l'Union. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 167 bis du code général des impôts serait à cet égard contraire à la liberté d'établissement. Il suit de là que le moyen tiré de l'atteinte aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique en ce que le législateur a décidé que les dispositions de l'article 48 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 s'appliquaient aux transferts intervenus à compter du 3 mars 2011, à une date où le public n'avait pas été averti de manière claire et non équivoque de l'évolution à venir de la législation, ne peut qu'être écarté. La circonstance que les prélèvements sociaux auxquels M. A... a été assujetti ne seraient pas dégrevés d'office à l'expiration du délai de huit ans, retenu en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté d'établissement et à rendre par suite applicables à l'imposition dont M. A... demande la décharge les principes généraux du droit de l'Union européenne. Au surplus, et en tout état de cause, en instituant un mécanisme nouveau de taxation de certaines plus-values constatées par les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France à compter du 3 mars 2011, le législateur ne peut être regardé comme ayant remis en cause un avantage fiscal dont les contribuables pouvaient escompter la pérennisation. La circonstance que de telles plus-values n'étaient auparavant pas imposées ne peut être regardée comme à l'origine d'une atteinte à la sécurité juridique ou à une espérance légitime de ne pas être imposé en France à raison de ces plus-values " latentes " constatées à la date du transfert du domicile fiscal hors de France.

5. En vertu de l'article 11 du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation sociale d'un seul Etat membre. Conformément à ce principe d'unicité de législation, ce règlement prévoit que l'exercice d'une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre implique normalement l'application de la législation sociale de cet Etat. En outre, il découle de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt au du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter C-623/13, qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse ne peut être soumise aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française qui entrent dans le champ du règlement du 29 avril 2004. Toutefois, en vertu du III de l'article 167 bis du code général des impôts, le transfert hors de France du domicile fiscal d'un contribuable, qui constitue le fait générateur de la soumission aux prélèvements sociaux des plus-values et créances mentionnées au I et II de ce même article 167 bis, est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus. A cette date, M. A... ne démontre ni même n'allègue qu'il aurait été affilié au régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen autre que la France. M. A..., qui ne saurait valablement soutenir qu'il convient d'apprécier sa situation d'affiliation à la date à laquelle l'imposition deviendra exigible, n'est par suite pas fondé à faire valoir que la mise à sa charge, dans les conditions décrites ci-dessus, de prélèvements sociaux serait, par elle-même, contraire au principe d'unicité de législation sociale.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du requérant présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des impôts non-résidents (division des affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. B...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 21PA00433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00433
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SELARL CABINET BORNHAUSER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;21pa00433 ?
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