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04/04/2023 | FRANCE | N°23PA00399

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 04 avril 2023, 23PA00399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2212952/ 4-2 du 26 septembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. D..., représenté par Me Meriau, demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2212952/ 4-2 du 26 septembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. D..., représenté par Me Meriau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, Me Meriau, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Le refus de titre de séjour :

- est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin rapporteur ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que les médecins le composant ont été valablement nommés par le directeur général de l'OFII, que le collège a délibéré de manière collégiale, s'il y a lieu dans le respect de l'article 3 de l'ordonnance du

6 novembre 2014 et du décret du 26 décembre 2014 relatifs aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, que l'avis du collège comporte l'ensemble des mentions procédurales obligatoires et qu'il a été effectivement été signé par les trois médecins composant ce collège ;

- méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

L'obligation de quitter le territoire français :

- méconnaît l'article L. 611-3, 9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- le décret n° 2014-1627 du 26 décembre 2014 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain né le 25 décembre 1981 à Tnine Amellou (Maroc), entré en France le 17 octobre 2019 selon ses déclarations, a demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit à l'expiration de ce délai. Il fait appel du jugement du

26 septembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 6 avril 2022, que le rapport médical relatif à l'état de santé de M. D... a été établi par le docteur B..., qui ne faisait pas partie du collège de médecins composé des docteurs Trétout, Jedreski et Mesbahy, régulièrement désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 1er mai 2021 publiée sur le site internet de l'office et au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Cet avis, signé électroniquement par les trois médecins composant ce collège, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Pour contester la régularité de cet avis, l'intéressé verse aux débats un document d'observations de l'OFII, produit dans le cadre d'une autre instance juridictionnelle, dont il ressort que l'avis du collège des médecins, " finalisé " par le médecin coordinateur de zone, est " la résultante des trois avis " émis individuellement par les médecins vacataires composant le collège, après discussion pour trouver un consensus. Contrairement à ce que soutient M. D..., qui ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'ordonnance du

6 novembre 2014 et du décret du 26 décembre 2014 relatifs aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, ces éléments ne sauraient remettre en cause le caractère collégial de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII avant la décision de refus attaquée.

4. Par ailleurs, si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 prévoit que l'avis doit mentionner " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que ni la réalisation d'examens complémentaires, ni la convocation de l'intéressé, ni la justification de son identité devant les membres du collège n'ont été jugées nécessaires. Par suite, la circonstance que les cases correspondant à ces éléments n'aient pas été cochées n'a exercé aucune influence sur le sens de l'avis et n'a privé l'intéressé d'aucune garantie.

5. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

6. En deuxième lieu, pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. D..., le préfet de police a estimé, en suivant l'avis du collège de médecins de l'OFII, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, à destination duquel il peut voyager sans risque. M. D..., qui souffre de la maladie de Behçet avec atteinte au genou et à la cheville gauches, produit en cause d'appel un certificat médical du 31 octobre 2022 émanant d'un rhumatologue de l'hôpital Bichat Claude-Bernard, reprenant les termes d'un certificat du 27 juillet 2022 produit en première instance, mentionnant que son suivi et son traitement médicamenteux ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, et précisant que l'hexatrione, médicament qu'il se fait injecter dans les genoux, ne peut être remplacé par un autre produit, ainsi qu'un autre certificat du 21 octobre 2022 émanant d'un médecin du centre hospitalier de Guelmim, spécialisé en traumatologie et en orthopédie, selon lequel l'hexatrione est indisponible au Maroc et ne peut être remplacé par un autre produit. S'il ressort des certificats médicaux produits en première instance que

M. D... prend un traitement à base de Colchicine et présente une synovite au genou gauche nécessitant une infiltration d'hexatrione, il n'établit pas, par ces deux nouveaux certificats rédigés en termes généraux et non circonstanciés, qui ne peuvent, à eux seuls, remettre en cause le sens de l'avis de l'OFII, et en alléguant le cout excessif du traitement de cette maladie, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un autre médicament antiinflammatoire stéroïdien parmi ceux disponibles au Maroc, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical confidentiel adressé au médecin de l'OFII que son traitement est constitué essentiellement de la prise de Colchicine, médicament qui figure sur la liste des médicaments essentiels au Maroc. Par suite, le moyen tiré d'une violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

7. En troisième lieu, si M. D... se prévaut de sa présence en France depuis près de trois années à la date de la décision litigieuse, et de la circonstance qu'il a suivi des ateliers sociolinguistiques en 2021 et 2022 et a trouvé un employeur susceptible de l'embaucher en cas de régularisation de sa situation administrative, en produisant une proposition de contrat à durée indéterminée établie à la suite d'un entretien le 20 janvier 2023, postérieurement à l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, et qu'il ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans et où résident ses frères. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

9. Il résulte de ce qui a été au point 6 que M. D... n'établit pas qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

11. Si M. D... soutient que le préfet aurait pu lui octroyer un délai de départ supérieur à trente jours en vue d'organiser la fin de sa prise en charge médicale en France et le début de sa prise en charge au Maroc, il n'établit ni même n'allègue avoir saisi le préfet de police d'une telle demande, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation personnelle justifiait une prolongation de ce délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans la fixation du délai de départ volontaire, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

Le rapporteur,

J-C. C...

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00399
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : MERIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-04;23pa00399 ?
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