Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2014815 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2022, et des pièces, enregistrées le 24 février 2023, M C..., représentée par Me Ottou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2014815 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil.
2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, le tout dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
4°) d'enjoindre audit préfet d'effacer son signalement dans le fichier des personnes recherchées ;
5°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité ;
- la décision de refus de séjour est prise en violation des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnaît, en outre, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits des enfants et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions précédentes et n'est pas motivée ;
- la décision portant interdiction de retour durant deux ans est illégale du fait de l'illégalité des décisions précédentes et est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur d'appréciation. au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits des enfants ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de Me Fournier, substituant Me Ottou, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant nigérian, né en mai 1990, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. M. C... demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 14 octobre 2021, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 novembre 2020, ainsi que l'annulation de ladite décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. C... soutient que les premiers juges n'ont pas pris en compte l'ensemble des informations relatives à ses relations avec ses enfants, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de faire état de l'ensemble des circonstances relatives à la situation du requérant pour motiver leur jugement, se sont expressément prononcés aux points 2 et 4 du jugement attaqué sur les éléments mis en cause par son argumentation, tirés de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
Sur le rejet de la demande de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-14, désormais repris à l'article L. 435-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. En premier lieu, M. C... déclare être entré en France en janvier 2011, mais ne justifie du caractère habituel de sa présence en France que depuis le courant de l'année 2015. S'il soutient partager sa vie avec Mme A..., ressortissante nigériane née le 1er janvier 1991, titulaire d'une carte de résident, cette vie commune remonte seulement au courant de l'année 2018, de sorte qu'il justifie d'à peine un peu plus de deux ans de vie commune à la date de la décision attaquée. La circonstance qu'il a conclu avec cette personne un pacte civil de solidarité en 2021 est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, qui s'apprécie à la date de son édiction. En tout état de cause, la durée de la présence en France ou la présence aux côtés d'une personne en situation régulière ne sont pas, à elles seules, de nature à permettre de regarder l'intéressé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de fonder son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il indique être père de deux enfants nés en 2015 et 2018, scolarisés, il ne justifie ni de la vie commune avec ces derniers et leur mère avant 2018, ni de sa participation effective à leur éducation et leur entretien avant cette date. C'est dès lors sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que M. C... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation administrative.
5. En deuxième lieu, M. C..., qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L 423-23 du même code, ne peut utilement se prévaloir de ses dispositions.
6. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été indiqué ci-dessus que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquence sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, pour les motifs énoncés plus haut, M. C... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Pour les motifs énoncés au point 4 du présent arrêt ; M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits des enfants. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, pour les motifs énoncés plus haut, M. C... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ni de celle portant obligation de quitter le territoire.
11. En second lieu, la décision fixant le pays de destination, qui mentionne la nationalité nigériane de l'intéressé et l'absence de risques de traitement inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige et désormais codifié à l'article L. 612-6 du même code : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Le huitième alinéa du III de ce même article, dans sa version applicable au présent litige et désormais codifié à l'article L. 612-10 du même code, précise que : " (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. M. C..., qui n'a pas déféré à un précédent arrêté portant obligation de quitter le territoire qui lui avait été délivré en 2018, vit maritalement avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il a désormais conclu un pacte civil de solidarité. Le couple a donné naissance en 2015 et 2018 à deux enfants. Il ressort des pièces du dossier que l'exécution de la mesure d'interdiction de retour l'empêcherait de rejoindre ses enfants pendant une durée de deux ans. Compte tenu de l'absence de trouble à l'ordre public, il est fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour d'une telle durée est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur d'appréciation au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, qu'elle doit être annulée en conséquence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision d'interdiction de retour durant deux ans, et à demander à la Cour d'annuler cette décision, ainsi que, en conséquence, d'effacer son signalement au système SIS et de réexaminer sa situation. Le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La décision portant interdiction à M. C... de retourner sur le territoire d'une durée de deux ans est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... et de procéder à l'effacement de la mesure annulée dans le fichier de non admission du système Schengen.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, sous réserve que son conseil renonce à la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 31 mars 2023.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
S. CARRERE La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00699