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31/03/2023 | FRANCE | N°21PA03334

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 mars 2023, 21PA03334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Howmet Holding France, anciennement dénommée Arconic Holding France SAS, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des retenues à la source, et des intérêts de retard correspondants, appliqués aux distributions de bénéfices des exercices 2010 et 2011 au profit de la société Alcoa Inc.

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Howmet Holding France, anciennement dénommée Arconic Holding France SAS, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des retenues à la source, et des intérêts de retard correspondants, appliqués aux distributions de bénéfices des exercices 2010 et 2011 au profit de la société Alcoa Inc.

Par un jugement n° 1907640 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS Howmet Holding France.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juin et 10 novembre 2021, la SAS Howmet Holding France, représentée par Me Rudeaux, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907640 du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Montreuil. ;

2°) de la décharger des retenues à la source et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre des exercices 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve ;

- l'administration n'apporte pas la preuve lui incombant d'un avantage résultant de l'absence de réalité des prestations litigieuses ;

- elle apporte les justificatifs suffisants pour admettre la déductibilité des honoraires (" management fees ") facturés par la société mère américaine Alcoa Inc. au titre des exercices 2010 et 2011

Par des mémoires, enregistrés les 10 septembre 2021 et 18 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé

Par ordonnance du 18 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 août 1994 modifiée par les avenants du 8 décembre 2004 et du 13 janvier 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rudeaux pour la société Howmet Holding France.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 mars 2023, a été produite pour la SAS Howmet Holding France par Me Rudeaux.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Howmet Holding France (anciennement Arconic Holding France SAS) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009, 2010, 2011 et 2012. A l'occasion de ces opérations de contrôle, le service vérificateur a constaté que la société avait déduit des charges correspondant aux prestations de service (" management fees ") facturées par la société mère du groupe, Alcoa Inc., dont le siège social est basé aux Etats-Unis. Par une proposition de rectification du 18 décembre 2013, le service vérificateur a notifié à la société les rehaussements de revenus distribués et de retenues à la source correspondant pour les exercices clos en 2010 et 2011 sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts La SAS Howmet Holding France demande régulièrement à la Cour l'annulation de l'article 3 du jugement n° 1907640 du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des retenues à la source et intérêts de retard mis à sa charge au titre des exercices 2010 et 2011 pour un montant de 68 518 euros.

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SAS Howmet Holding France ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché d'erreur de droit dans les règles gouvernant la charge de la preuve pour en obtenir l'annulation.

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes du 2. de l'article 119 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...). ". Aux termes du 1. de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, " le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 25 % pour tous les autres revenus. (...) ". L'article 6 et le a) du 2 de l'article 10 de la convention fiscale

franco-américaine du 31 août 1994 modifiée, visée ci-dessus, prévoient un taux de 5% du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement au moins 10% du capital de la société qui paie les dividendes lorsque celle-ci est un résident en France.

4. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre, (...) . Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Aux termes de l'article 57 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) ".

5. La société Alcoa Inc., dont le siège est aux Etats-Unis, détenant 100 % du capital de la société luxembourgeoise Alcoa Lux, qui elle-même détient intégralement la SAS Howmet (ci-après) HSAS, société mère intégrante à 100% de la SAS Arconic Holding France (ci-après AHF), a signé avec cette dernière une convention de prestation de services en date du 1er janvier 2008, sur le fondement de laquelle la société Alcoa Inc. a facturé à celle-ci des prestations de services (" management fees ") informatiques, de marketing, de gestion du personnel et de direction, pour des montants de 574 137 euros en 2009, 372 275 euros en 2010, 812 225 euros en 2011, et de 623 523 euros en 2012. La SAS AHF a estimé que le coût lié à ces prestations de services était déductible de son résultat imposable au titre des exercices clos de 2009 à 2012. L'administration a remis en cause la déductibilité de ces prestations pour les exercices 2009 à 2012. Toutefois, dans son avis de mise en recouvrement du 22 décembre 2016, le service vérificateur a abandonné le rehaussement pour l'exercice 2012, mais a maintenu celui-ci pour les exercices 2009 à 2011, en estimant pour l'exercice 2009 que la société AHF aurait dû refacturer ces charges aux filiales françaises du groupe, véritables bénéficiaires des prestations de service réalisées pour cet exercice, ce qui a été accepté par la société, et, pour les exercices 2010 et 2011, qu'elles devaient être regardées comme des transferts de bénéfices au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, faute pour la SAS AHF de justifier de la réalité des prestations facturées. Les sommes ainsi réintégrées au bénéfice imposable de la SAS AHF ont été regardées comme des distributions de bénéfices au sens de l'article 109,1 1° du code général des impôts et ont été soumises à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, appliquée au taux conventionnel de 5%.

6. Les dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts instituent dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties. En l'espèce, il est constant que les sociétés AHF et Alcoa Inc. entretiennent un lien de dépendance au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts.

7. Il résulte de l'instruction et notamment de la convention de prestation de services mentionnée au point 5 ci-dessus que la société Alcoa Inc. a entendu répartir entre ses filiales à l'étranger divers frais de prestation de service, consistant notamment en des frais de systèmes d'information, d'achats et, notamment en 2011, de développement des compétences du personnel, n'ayant pas été exposés au profit d'une filiale particulière et donnant lieu à une facturation annuelle, déterminée, en l'espèce, s'agissant de la filiale française AHF, sur la base d'un taux de 8% du total des prestations en cause. L'administration, sans remettre en cause la méthode par laquelle le prix des prestations a été déterminé, a estimé que, la preuve de la réalité des prestations rendues par la société Alcoa Inc. au profit de la SAS AHF n'étant pas apportée, cette dernière devait être regardée comme procuré à la société Alcoa Inc. un avantage constitutif d'un transfert de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts.

8. Si les dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts permettent la réintégration, aux bénéfices imposables d'une société passible de l'impôt sur les sociétés français, des bénéfices transférés à une société étrangère liée par tous moyens, il incombe à l'administration d'établir l'existence d'un avantage résultant, notamment, de la déduction de frais généraux n'ouvrant pas droit à déduction au titre des dispositions précitées de l'article 39-1 du code général des impôts.

9. Si l'administration fait valoir que la nature des prestations de service est trop imprécise, il résulte de l'instruction que, comme mentionné au point 7 du présent arrêt, ces prestations ont donné lieu à des factures annuelles, déterminées à partir d'une répartition, entre filiales du groupe, des fonctions " systèmes d'information ", " Achats " et " Ressources humaines et gestion des talents " incombant au siège américain du groupe et exercées au profit de l'ensemble des filiales du groupe, notamment de la filiale française AHF en exécution de la convention de prestation de services du 1er janvier 2008 mentionnée ci-dessus. Par ailleurs, si l'administration soutient qu'eu égard à la nature de holding pure, dépourvue d'activité commerciale, de la SAS AHF, celle-ci n'a pu bénéficier d'aucune contrepartie aux prestations facturées, la SAS Howmet Holding France fait valoir, sans être contestée sur ce point, qu'elle fait assurer par le siège américain, pour son compte, au même titre que d'autres filiales du groupe, certaines prestations rendues au bénéfice de l'ensemble du groupe. Toutefois, l'administration fait valoir qu'il résulte de la convention de prestation de services du 1er janvier 2008 que celle-ci recouvre des services rendus, tant directement par la société mère Alcoa Inc. à la société française bénéficiaire, qu'indirectement par d'autres filiales du groupe, sans qu'il résulte de l'instruction que les coûts facturés intègrent des coûts indirects effectivement supportés par la société mère, ou des coûts indirects devant être pris en charge par les filiales intermédiaires qui ont pu contribuer à leur réalisation. En outre, si la SAS Howmet Holding France soutient que les frais en litige n'incluent pas des frais exposés au seul profit des actionnaires de la société mère, elle ne justifie pas de ses allégations autrement qu'en se référant à une étude d'un cabinet de conseil américain ayant déterminé la fraction des frais de siège engagés au profit des actionnaires. Dans ces conditions, et alors même que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a estimé que les sommes en cause correspondaient à des prestations réelles, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'un avantage, constituant un transfert de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, résultant de l'absence de justification de la réalité des prestations facturées, la SAS Howmet Holding France ne justifiant d'aucune prestation individuelle exercée à son profit par la société Alcoa Inc., ou d'une répercussion, par voie de facturation interne ou de toute autre façon, du coût de prestations qu'elle aurait exercées au bénéfice des sociétés françaises de son groupe. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les charges en litige au bénéfice de la SAS Howmet Holding et, regardant cette réintégration comme constitutive d'une distribution de bénéfices au sens de l'article 109,1 1° du code général des impôts, a soumis les sommes en cause, versées à la société mère américaine Alcoa Inc., à une retenue à la source au taux de 5% en application des stipulations conventionnelles mentionnées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Howmet Holding France n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Montreuil et la décharge des retenues à la source et pénalités correspondantes. Par suite, ses conclusions relatives aux frais de l'instance non compris dans les dépens doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Howmet Holding France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Howmet Holding France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).

Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03334
Date de la décision : 31/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELAFA TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-31;21pa03334 ?
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