Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2013733 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Koszczanski, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante chinoise, née le 21 août 1996 et entrée en France en septembre 2013, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 27 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet n'ayant pas produit d'observations, que Mme A... est entrée en France au mois de septembre 2013, alors âgée de 17 ans, accompagnée de son petit frère, âgé de 13 ans, pour rejoindre leurs parents, en situation régulière sur le territoire depuis 2015, titulaires de cartes de séjour pluriannuelles portant la mention " vie privée et familiale ", propriétaires de leur logement et qui exercent une activité professionnelle. Mme A... a vécu depuis lors avec ses parents et son frère dont la situation au regard du séjour a été régularisée à sa majorité, en 2018, et a fait preuve d'une volonté réelle d'insertion, notamment en suivant des cours de français ainsi que des cours d'hôtellerie, dans le cadre d'une formation en alternance sous contrat d'apprentissage au sein de l'école Ecofih, et en travaillant entre le mois de janvier 2020 et le mois d'avril 2021 en qualité de serveuse dans un restaurant situé à Montreuil. Enfin, elle justifie d'une promesse d'embauche à durée indéterminée, auprès de la SARL " Villette 27 ", en qualité de serveuse à temps complet. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée de son séjour en France et de l'intensité des liens personnels et familiaux dont Mme A... peut se prévaloir sur le territoire et alors même qu'elle est célibataire et sans charge de famille, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en lui refusant, par l'arrêté attaqué du 4 novembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée. Par suite, Mme A... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de cet arrêté.
3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2013733 du tribunal administratif de Montreuil du 27 juin 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 novembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Madame D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULe président,
R. d'HAËMLa greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03503