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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA02515

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA02515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2126303 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté s

a demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2126303 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2022, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une insuffisance de motivation ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, lié par l'avis du 17 septembre 2021 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, que l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants algériens, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit pas le cas d'un accompagnant de malade, qu'il appartenait au préfet d'apprécier s'il existait des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour et qu'il a méconnu le pouvoir discrétionnaire dont il dispose, quant à l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

- en raison de l'indisponibilité en Algérie de la prise en charge pluridisciplinaire que nécessite l'état de santé de son fils C... et de l'absence d'un traitement approprié à sa pathologie dans ce pays, elles sont entachées d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 13 février 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la cour.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2023, M. B... a répondu à cette mesure.

Par un mémoire, enregistré le 27 février 2023, le préfet de police a répondu à cette mesure.

Par une décision du 27 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal administratif de Paris, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, né le 1er avril 1975 et entré en France le 30 juillet 2019, a sollicité, le 15 avril 2021, le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée en tant qu'accompagnant d'enfant malade. Par un arrêté du 23 novembre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il rejette sa demande et l'oblige à quitter le territoire français.

2. En premier lieu, si M. B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés, s'agissant des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, il ne développe, toutefois, au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par ailleurs, les stipulations du 7 de l'article 6 de cet accord prévoient la délivrance d'un certificat de résidence au ressortissant algérien dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, mais n'étendent pas le bénéfice de ce titre de séjour aux parents d'un enfant malade. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, délivre à un ressortissant algérien une autorisation de séjour pour l'accompagnement d'un enfant malade.

4. En l'espèce, il ne ressort ni la motivation de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police, qui a examiné, à titre dérogatoire, la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait ainsi méconnu le pouvoir discrétionnaire dont il dispose, quant à l'opportunité d'une mesure de régularisation de l'intéressé, notamment à raison de sa situation personnelle et familiale, ou que, pour rejeter sa demande de renouvellement de son autorisation de séjour, il se serait cru, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis émis, le 17 septembre 2021, par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont il s'est approprié les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont seraient entachées de ce chef les décisions en litige portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

5. En troisième lieu, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet de police s'est notamment fondé sur cet avis du 17 septembre 2021 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé, en particulier, que si l'état de santé du fils de M. B..., le jeune C... né le 22 mars 2011, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié. Pour contester cette appréciation, M. B... fait valoir qu'il est entré en France au mois de juillet 2019 pour y rejoindre son épouse et leur enfant C..., qui souffre d'un diabète, et permettre à celui-ci de bénéficier d'une pompe à insuline de type " FreeStyle Libre ", qui est indisponible en Algérie. Toutefois, les différents documents d'ordre médical produits par le requérant, notamment les certificats médicaux et les comptes rendus d'hospitalisation ou de consultation des 9 décembre 2019, 4 mars 2020, 10 mai 2020, 28 juin 2020, 30 juillet 2020, 2 septembre 2020, 2 décembre 2020, 17 mars 2021, 23 mars 2021, 18 juin 2021, 3 septembre 2021 et 3 décembre 2021, s'ils font état de la pathologie de son enfant, soit un diabète de type 1 diagnostiqué en Algérie à l'âge de 18 ou 21 mois, d'une insulinothérapie, prescrite dans ce pays, par seringues, puis, à compter de 2016, par stylos ainsi que d'un même traitement par insuline en France, toujours aux stylos, et d'une surveillance par capteurs de glycémie, ne mentionnent, en revanche, ni la prescription d'une pompe à insuline à l'enfant, ni que celui-ci ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi appropriés à sa pathologie en Algérie. A cet égard, seul un certificat médical établi par un médecin algérien, au demeurant non daté, mentionne l'éventualité d'une insulinothérapie par pompe, en se bornant à indiquer que l'enfant C... serait " un candidat idéal " pour bénéficier d'une pompe à insuline, qui ne serait pas disponible en Algérie. Par ailleurs, si M. B... produit un jugement n° 2114769 du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris, relatif à l'indisponibilité d'une pompe à insuline en Algérie, le requérant ne démontre pas, en tout état de cause, que ce dispositif serait indispensable à l'état de santé de son fils C.... Par suite, en refusant de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade, le préfet de police n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste d'appréciation.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. M. B... se prévaut de l'état de santé de son fils C... et de la nécessité de la poursuite de la prise en charge médicale de celui-ci en France et fait valoir qu'il y vit avec son épouse et leurs enfants, C..., né le 22 mars 2011 et qui est scolarisé, et Aylana, qui est née en France le 16 mai 2017. Il fait état également d'une activité professionnelle et d'une bonne intégration. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son fils C... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi appropriés à sa pathologie en Algérie. De plus, M. B..., qui est entré en France le 30 juillet 2019, ne peut se prévaloir à la date de l'arrêté attaqué, soit le 23 novembre 2021, que d'un séjour d'une durée relativement brève, soit un peu plus de deux ans. En outre, en produisant un bulletin de salaire du mois de mars 2021 pour une activité de " chauffeur-livreur " auprès de la société " R et M E... " ainsi qu'un contrat de travail à durée indéterminée du 14 juin 2021 en qualité d'" ouvrier d'exécution " auprès de la société " Sigma Bat " et des bulletins de salaire pour les mois de juin à décembre 2021, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Par ailleurs, le requérant ne justifie, à la date de l'arrêté attaqué, d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il emmène son épouse, qui ne s'est vu délivrer, au demeurant postérieurement à l'intervention de cet arrêté, qu'une autorisation provisoire de séjour valable du 16 décembre 2021 au 15 mars 2022, non renouvelée par la suite, et leurs deux enfants et à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, en Algérie où résident six de ses sept frères et sœurs et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans. Enfin, l'intéressé n'établit, ni n'allègue sérieusement qu'il serait, ainsi que les membres de sa famille, dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine ou que ses enfants ne pourraient pas y bénéficier d'une scolarisation normale. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces deux mesures ont été prises ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02515
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa02515 ?
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