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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA01821

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA01821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

9 juillet 2021 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2127633 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, M. E..., représenté par Me Delavay, demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

9 juillet 2021 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2127633 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, M. E..., représenté par Me Delavay, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'Union / EEE / Suisse - Toutes activités professionnelles " d'une durée de cinq ans ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 200-4, L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 12 décembre 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 janvier 2023 à 12h00.

Un mémoire, enregistré le 14 mars 2023, a été présenté par le préfet de police, soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Delavay, avocat de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant sénégalais, né le 7 décembre 1994 et entré en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2018, a sollicité, le 16 juin 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté 9 juillet 2021, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. E... fait appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) 2) " membre de la famille " : / a) le conjoint ; / b) le partenaire (...) ; / c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même directive : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil, ou / b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...). / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article

L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article L. 200-4 du même code : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / (...) 2° Descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 3° Descendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant les dispositions précitées de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 16 janvier 2014, Flora May Reyes c/ Migrationsverket (C-423/12), que, pour qu'un descendant direct d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint, âgé de vingt-et-un ans ou plus, puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le citoyen de l'Union ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint. Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'Etat membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, le descendant d'un citoyen de l'Union ou de son conjoint ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'Etat d'origine ou de provenance d'un tel descendant au moment où il demande à rejoindre ce citoyen. En revanche, il n'est pas nécessaire de déterminer les raisons de cette dépendance, et donc du recours à ce soutien. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du citoyen de l'Union ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de

celui-ci. En revanche, le fait qu'un citoyen de l'Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à ce descendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'Etat d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe.

5. En l'espèce, M. E..., né le 7 décembre 1994 et qui est entré en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2018, pour y rejoindre sa mère, Mme D... A... épouse B..., ressortissante sénégalaise mariée depuis le 10 juillet 2005 à un ressortissant espagnol, et son beau-père, M. C... A... H..., ayant fait usage de la liberté de circulation en s'installant en France où il exerce une activité salariée, soutient qu'âgé de plus de vingt-et-un ans, il doit être considéré comme étant " à charge " de son beau-père et de sa mère. Toutefois, le requérant n'apporte pas de précisions, ni d'éléments suffisamment probants permettant d'établir la situation de dépendance réelle dont il se prévaut à l'égard de son beau-père et de sa mère. En particulier, il ne fournit pas d'éclaircissement suffisant sur ses conditions d'existence au Sénégal jusqu'en 2018. A cet égard, il se borne à indiquer qu'il y a vécu auprès de sa

grand-mère maternelle, jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, et qu'il n'aurait aujourd'hui plus d'attaches dans ce pays, sans fournir la moindre précision complémentaire sur son environnement familial, la composition de sa famille, la situation de son père ou encore sa ou ses lieux de résidence au Sénégal, ni sur ses conditions économiques et sociales dans ce pays, qui ne lui auraient pas permis de subvenir à ses besoins essentiels. En outre, les seules attestations de prise en charge de l'intéressé, établies le 4 juin 2021, par son beau-père et par sa mère ne sauraient suffire à démontrer l'existence, dans son pays d'origine, d'une situation de dépendance réelle vis-à-vis d'eux. Par ailleurs, si le requérant produit un document attestant de transferts d'argent, au nombre de quarante, effectués par sa mère à son bénéfice entre les mois d'avril 2016 et mai 2018, alors qu'il était âgé de vingt-et-un ans à vingt-trois ans, pour des montants variant entre 30 et 300 euros environ, à l'exception d'une somme de 2 286,74 euros transférée le 28 mai 2018, ainsi que quatre bordereaux de transferts d'argent effectués par son beau-père à son bénéfice, aux mois d'octobre 2017, février 2018 et mars 2018, pour des montants respectivement de 159,35 euros, 34,39 euros, 1 548,99 euros et 817,91 euros, ces éléments, qui ne s'inscrivent d'ailleurs pas dans la durée, ne permettent pas à eux seuls, en l'absence de tout développement circonstancié sur sa situation familiale, sociale et économique au Sénégal avant son arrivée en France, de démontrer que ces transferts de sommes d'argent lui auraient été nécessaires pour subvenir à ses besoins essentiels dans son pays, alors qu'il ne verse aucun autre élément sur le soutien matériel dont il aurait bénéficié avant le mois d'avril 2016 ou après le mois de mai 2018. Enfin et au surplus, M. E... n'apporte aucun élément de justification sur les raisons, l'organisation et les modalités de son départ de son pays d'origine à une date qu'il ne précise pas, sur les conditions de son arrivée en France, selon ses déclarations, au mois d'octobre 2018 et sur la durée de son séjour sur le territoire français depuis lors. Par suite, M. E..., qui ne démontre pas qu'il devrait être regardé comme étant à la charge de son beau-père ou de sa mère, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police aurait fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01821 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01821
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : DELAVAY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa01821 ?
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