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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA01536

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA01536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2116000 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te, enregistrée le 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2116000 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2022, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- au point 14 du jugement attaqué, le tribunal administratif a commis une erreur de fait quant à sa situation familiale ;

- alors qu'il démontre qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, la décision portant refus de nouvellement de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00.

Par une décision du 18 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Sainte Fare Garnot, substituant Me Rochiccioli, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 7 juin 1994 et entré en France, selon ses déclarations, le 1er janvier 2016, s'est vu délivrer, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 25 novembre 2019 au 24 août 2020. Il a sollicité, le 4 août 2020, le renouvellement de son titre de séjour. Au vu d'un avis du 28 octobre 2020 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade de M. A..., le préfet de police s'est fondée, notamment, sur l'avis du 28 octobre 2020 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Mali, y bénéficier d'un traitement approprié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux établis les 6 juillet 2017, 4 décembre 2017, 5 août 2020, 9 décembre 2020, 7 juillet 2021 et 21 décembre 2021 que M. A... souffre d'une schizophrénie indifférenciée qui a nécessité plusieurs hospitalisations en 2017, une prise en charge médicale et un traitement médicamenteux comprenant l'Abilify Maintena 400mg par injection, soit un neuroleptique atypique et antipsychotique, ainsi qu'un suivi par le centre médico-psychologique Vaugirard à Paris, lui permettant de bénéficier de ce traitement ainsi que d'un suivi social. De plus, ces certificats médicaux, au demeurant circonstanciés sur la pathologie de l'intéressé, sa gravité et son évolution, indiquent qu'" il semble difficilement envisageable que [l'intéressé] rentre vivre au Mali alors que (...) le contexte sanitaire (...) dans ce pays rendrait ses soins difficiles à poursuivre ". En outre, le requérant produit un certain nombre de documents ou rapports de l'OCHA, de l'USAID et de l'OMS et d'articles de presse sur la carence de l'offre de soins et du système de santé dans ce pays en matière de prise en charge des maladies mentales, en particulier dans sa région d'origine, celle de Kayes, et fait état, par ailleurs, de l'importance de la continuité du lien thérapeutique avec l'équipe médicale qui le suit depuis 2017, attestée par les certificats médicaux précités, et de l'absence de tout contact avec sa famille au Mali. M. A... justifie également, en produisant l'annexe de l'arrêté du 26 août 2019 fixant la liste nationale des médicaments essentiels au Mali ainsi qu'une attestation du 30 mars 2022 de la société Otsuka, fabricant de l'Abifily Maintena, que ce médicament, dont il bénéficie depuis plusieurs années et qui lui a permis de récupérer de manière très satisfaisante sur le plan clinique, n'est pas disponible au Mali. En défense, le préfet se borne à indiquer, notamment, que le requérant ne démontre pas qu'il n'existerait pas dans son pays d'origine des traitements appropriés à sa pathologie et susceptibles d'être substitués aux spécialités prescrites en France et non disponibles au Mali, sans apporter la moindre précision, ni le moindre élément portant sur l'effectivité d'un traitement approprié à la pathologie de M. A..., qui, au surplus, s'est vu délivré précédemment un titre de séjour à raison de son état de santé. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision refusant de lui renouveler son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui l'assortit.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de police en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2116000 du 17 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de police refusant à M. A... le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01536 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01536
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa01536 ?
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