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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA00745

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA00745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100652 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 17 février 2022, Mme C..., représentée par Me Loison, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2100652 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, Mme C..., représentée par Me Loison, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif, qui a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article R. 311-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 313-11-1 du même code, qui avaient ajouté une condition de délai, non prévue par la loi, entre l'obtention du diplôme et la demande d'autorisation de séjour, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;

- la décision portant refus de titre de séjour est illégale car fondée sur les dispositions de l'article R. 311-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 313-11-1 du même code, qui, en ajoutant une condition de délai, non prévue par la loi, entre l'obtention du diplôme et la demande d'autorisation de séjour, sont entachées d'illégalité ;

- l'exposante remplit l'ensemble des conditions prévues par les dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 313-8 du même code ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, les dispositions sur lesquelles le préfet s'est fondé ayant été ultérieurement abrogées et l'arrêté attaqué étant, en conséquence, devenu illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de Mme C... a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 27 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023 à 12h00.

Par une décision du 29 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal administratif de Paris, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-78 du 10 septembre 2018 ;

- le décret n° 2019-141 du 27 février 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Loison, avocate de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne, née le 30 mai 1992, est entrée en France le 3 septembre 2010 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 25 avril 2019. Le

18 décembre 2018, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour afin de compléter sa formation par une première expérience professionnelle. Par un arrêté du

15 juillet 2019, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français. Par un jugement n° 1908572 du 23 juin 2020, le tribunal administratif a annulé cet arrêté au motif qu'il était entaché d'une erreur de droit, le préfet s'étant fondé sur les dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'étaient applicables qu'aux demandes présentées postérieurement à leur entrée en vigueur, soit le 1er mars 2019, et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée. Par un arrêté du 3 novembre 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande d'autorisation de séjour présentée par Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai. Mme C... fait appel du jugement du

14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen soulevé par Mme C... et tiré de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prises pour l'application des dispositions de l'article L. 313-8 du même code, relatives à la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", qui n'était pas inopérant, l'autorité préfectorale s'étant fondée sur ces dispositions pour prendre la décision attaquée portant refus de titre de séjour. Au surplus, pour répondre au moyen soulevé par la requérante et tiré de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 311-35 de ce code, relatives à l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 311-11, alors applicables à la date de sa demande d'autorisation de séjour, lesquelles ajoutaient, selon elle, une condition de délai, non prévue par la loi, entre l'obtention du diplôme et la demande d'autorisation de séjour, le tribunal administratif s'est borné à relever, par une motivation insuffisante, que ce moyen " doit être écarté dès lors qu'il appartenait au pouvoir réglementaire de fixer les conditions d'application de la loi ". Par suite, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande d'autorisation de séjour présentée par Mme C... : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger ayant obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui : / 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le domaine professionnel concerné (...) ". Aux termes du I de l'article R. 311-35 du même, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application de l'article L. 311-11, l'étranger, qui sollicite la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour, présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 311-31 : / 1° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " en cours de validité dont il est titulaire ; / 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret. La présentation de ce diplôme peut être différée au moment de la remise de l'autorisation provisoire de séjour. La liste des diplômes au moins équivalents au grade de master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche (...) ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - Une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger qui justifie : / 1° Soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-18 ou L. 313-27 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ; / (...) II. - La carte de séjour temporaire prévue au I est délivrée à l'étranger qui justifie d'une assurance maladie et qui : / 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de la carte de séjour temporaire mentionnée au premier alinéa du I, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné (...) ". Aux termes de l'article R. 313-11-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du 1° du I de l'article L. 313-8, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant les mentions " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité " en cours de validité dont il est titulaire ; / 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret. La présentation de ce diplôme peut être différée au moment de la remise de la carte de séjour temporaire. La liste des diplômes au moins équivalents au grade de master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche (...) ".

6. Par l'arrêté attaqué du 3 novembre 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande d'autorisation de séjour présentée par Mme C... aux motifs, notamment, que, l'intéressée ayant obtenu, au titre de l'année universitaire 2015-2016, un diplôme d'université " contentieux international des affaires " le 18 novembre 2016, elle ne peut prétendre ni au bénéfice des dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date de sa demande, soit le 18 décembre 2018, ni à la délivrance de la carte de séjour temporaire prévues par les dispositions de l'article L. 313-8 du même code, qui sont entrées en vigueur le 1er mars 2019.

7. D'une part, dès lors que les dispositions de l'article L. 311-11 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date de la demande d'autorisation de séjour présentée par Mme C..., ou celles de l'article L. 313-8 du même code, applicables à la date de la décision attaquée, ont prévu, notamment, qu'une autorisation provisoire de séjour ou une carte de séjour temporaire, d'une durée de validité de douze mois et non renouvelable, puisse être délivrée à un étudiant étranger titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret afin de compléter sa formation par une première expérience professionnelle, le pouvoir réglementaire, en prévoyant, par les dispositions de l'article R. 311-15 ou R. 313-11-1 dudit code, que cette autorisation ou ce titre de séjour pouvait être délivré à la condition que l'étudiant ait obtenu ce diplôme dans l'année, ne saurait être regardé comme ayant excédé le domaine de sa compétence. En outre, la seule circonstance que le législateur a prévu, par le IV de cet article L. 313-8, que l'étudiant étranger titulaire d'un tel diplôme et ayant quitté le territoire national, peut demander une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai maximal de quatre ans à compter de l'obtention dudit diplôme en France, ne saurait davantage permettre de considérer que le pouvoir réglementaire, en prévoyant, par les dispositions de l'article R. 313-11-1 et pour l'étranger étudiant souhaitant prolonger son séjour en France, cette condition d'obtention du diplôme dans l'année, aurait méconnu le principe d'égalité.

8. D'autre part, si la requérante soutient qu'elle remplissait l'ensemble des conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-8 du même code, il est constant que Mme C..., qui a obtenu, au titre de l'année universitaire 2015-2016, un diplôme d'université " contentieux international des affaires " le 18 novembre 2016, n'a présenté sa demande d'autorisation de séjour que le 18 décembre 2018. Par suite, en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou une carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " au motif que sa demande d'autorisation de séjour n'avait pas été présentée l'année d'obtention de son diplôme, le préfet du Val-de-Marne a fait une exacte application des dispositions de l'article

R. 311-35 ou de celles de l'article R. 311-11-1 précités.

9. Enfin, la seule circonstance que les dispositions précitées, prévoyant la condition selon laquelle l'étudiant étranger, sollicitant un titre de séjour afin de compléter sa formation par une première expérience professionnelle, doit présenter un diplôme " obtenu dans l'année ", ont été abrogées le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er mai 2021, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision en litige en date du 3 novembre 2020, qui s'apprécie à la date de son édiction. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée de ce chef d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

11. Mme C... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de septembre 2010, soit un peu plus de dix ans à la date de la décision attaquée, et fait valoir qu'elle y a poursuivi, avec succès, ses études supérieures, qu'elle y a travaillé, en effectuant plusieurs stages ou sous couvert de contrats à durée déterminée, qu'elle a continué à rechercher activement un premier emploi et s'est vue proposer plusieurs postes correspondant à son profil, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche auprès d'un cabinet d'avocats et qu'elle a ainsi noué des liens privés, notamment professionnels, sur le territoire. Elle fait valoir également qu'elle a résidé, depuis son arrivée en France, auprès de sa grande sœur, Mme E... C..., de nationalité française, et de la fille de celle-ci, née le 5 juin 2016 et également de nationalité française, qu'elle vit en couple depuis plus de cinq ans avec un compatriote, M. F... A..., titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié, d'abord au domicile de sa sœur, puis dans leur nouveau domicile, que ses deux autres sœurs résident et travaillent l'une au Canada, l'autre au Royaume-Uni et que seul son père réside en Côte d'Ivoire, sa mère étant décédée en 2021. Toutefois, si la requérante, admise à entrer et séjourner en France afin d'y poursuivre des études, a obtenu, en 2014, une licence " droit, économie, gestion, mention droit " et, en 2016, un diplôme d'université " contentieux international des affaires ", elle ne justifie pas avoir terminé, au titre de l'année universitaire

2016-2017, son LLM " contentieux international des affaires ", ni avoir réussi, au titre de l'année universitaire 2017-2018, l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA). De plus, si elle justifie avoir travaillé à plusieurs reprises entre 2017 et 2019, sous couvert de son titre de séjour en qualité d'étudiante, soit lors de stages auprès de cabinets d'avocats ou de la société " Aviva ", soit sous contrat à durée déterminée, à deux reprises, auprès de cette société, elle ne démontre pas, ni n'allègue d'ailleurs, avoir poursuivi ses études au titre de l'année 2018-2019. En outre, Mme C... ne justifie pas, par les quelques pièces qu'elle produit, de l'ancienneté de la vie maritale dont elle se prévaut avec un compatriote. A cet égard, ces pièces ne permettent d'attester d'une vie commune qu'à partir de la fin de l'année 2019. Par ailleurs, si ses trois sœurs résident en France, au Canada ou au Royaume-Uni, la requérante n'établit pas qu'elle serait dépourvue de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine où réside, notamment, son père. Enfin, elle n'allègue pas qu'elle serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer, ni ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée portant refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté.

13. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement en litige sur la situation personnelle de Mme C..., doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Mme C... soutient qu'elle encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, du fait des fonctions politiques occupées par son père et à raison d'opinions politiques qui pourraient lui être imputées, et fait valoir que celui-ci, M. B... C..., ministre de la fonction publique sous la présidence de Laurent Gbagbo et contraint à l'exil en 2011, à la suite de la crise post-électorale, a été arrêté, à son retour, par les autorités ivoiriennes et condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour complicité d'assassinat. Elle fait valoir également qu'il a cependant poursuivi son engagement politique en faveur du parti de l'ancien président et que, lors des élections présidentielles ivoiriennes d'octobre 2021, il a été la cible de menaces et son domicile a fait l'objet d'un blocus, faisant craindre une tentative d'enlèvement sur sa personne et les membres de sa famille. Toutefois, la requérante, qui n'a, au demeurant, jamais sollicité le bénéfice de l'asile en France, n'apporte aucun élément sérieux ou convaincant permettant de considérer qu'elle encourrait dans le cas d'un retour en Côte d'Ivoire, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'au surplus, il ressort des sources d'information publiques et disponibles que M. B... C..., qui a été amnistié en 2018 et élu député en mars 2021, a poursuivi ses activités politiques et, en particulier, a été nommé président exécutif, en octobre 2021, du parti des peuples africains - Côte d'Ivoire, le nouveau parti fondé par Laurent Gbagbo après son retour d'exil. Par suite, en décidant que l'intéressée pourrait être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2020 du préfet du Val-de-Marne. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles portant sur les frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100652 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00745
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LOISON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa00745 ?
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