La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2023 | FRANCE | N°22PA00361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA00361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2122790 du 24 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de réexaminer la sit

uation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2122790 du 24 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, en cas d'admission définitive de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à verser à son conseil, Me Rosin, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en cas de non-admission, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que M. C... bénéficiait, à la date de l'arrêté en litige, du droit de se maintenir sur le territoire français alors qu'il ressort des données issues du traitement automatique " TelemOfpra " que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 1er septembre 2021, date de lecture en audience publique de cette décision, laquelle est antérieure à l'arrêté en litige, qu'il n'avait pas à attendre que cette décision soit notifiée à M. C... pour l'obliger à quitter le territoire français et qu'il appartient à l'intéressé d'apporter la preuve contraire de nature à remettre en cause l'exactitude des données " TelemOfpra " ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. C..., il s'en réfère à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, M. C... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête du préfet de police, qui est tardive, est irrecevable ;

- elle est irrecevable à défaut d'être signée et, à supposer qu'elle ait été signée par un procédé numérique, à défaut de l'être par une autorité compétente pour ce faire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'une décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile aurait été lue en audience publique ou même rendue le

1er septembre 2021 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 9 novembre 2022, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 30 novembre 2022 à 12h00.

Par une décision du 23 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... G... C..., ressortissant congolais, né le 22 juillet 1975 et entré en France, selon ses déclarations, en octobre 2019, a sollicité, le 15 novembre 2019, son admission au séjour au titre de l'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 24 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 2021 obligeant M. C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. D'une part, en vertu de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au préfet de police, le 24 décembre 2021, par un courrier mis à disposition dans l'application Télérecours, dont il a accusé réception le jour même. Le délai de recours qui est un délai franc n'était donc pas échu le 25 janvier 2022, date de l'enregistrement de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de la tardiveté de la requête, doit être écartée.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 414-4 du code de justice administrative : " L'identification de l'auteur de la requête (...) vaut signature pour l'application des dispositions du présent code (...) ". L'appel formé par le préfet de police a été présenté au moyen de l'application Télérecours. En vertu des dispositions précitées, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de signature manuscrite de l'auteur de la requête doit donc être écartée.

4. Enfin, aux termes de l'arrêté n° 2021-01259 du 13 décembre 2021, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, Mme A... E..., adjointe au chef du bureau du contentieux et de l'excès de pouvoir est habilitée à signer au nom du préfet de police les recours relatifs au séjour et à l'éloignement des étrangers devant la Cour. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de l'absence de délégation du signataire de la requête, doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article

L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".

6. Le premier juge a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 au motif que le préfet de police ne produisait aucun élément de nature à établir l'existence de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 1er septembre 2021 rejetant la demande d'asile de M. C.... Toutefois, le relevé de la base de données " TelemOfpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, produit par le préfet de police en appel, atteste que la CNDA, après une audience du 14 mai 2021, a statué sur cette demande d'asile, en la rejetant, par une décision lue en audience publique le 1er septembre 2021, soit antérieurement à l'arrêté préfectoral du 14 octobre 2021. Par ailleurs, M. C..., qui ne bénéficiait plus, à compter de cette date de lecture, du droit de se maintenir sur le territoire français, n'apporte aucun élément de nature à contredire les mentions figurant sur ce document. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement, par son arrêté du 14 octobre 2021 et sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 précité, obliger l'intéressé à quitter le territoire français. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 au motif que les dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2021-202 de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et des outre-mer, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquels figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise, notamment, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité et la date de naissance de M. C... ainsi que celle de son entrée en France et précise que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 décembre 2020, confirmée par une décision de la CNDA du 1er septembre 2021. Elle indique également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision en litige énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation qui entacherait cette décision doit être écarté. Une telle motivation révèle, par ailleurs, qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

10. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, notamment des motifs de la décision en litige rappelés au point 11, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., avant de fixer le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. C... soutient qu'il a fui la République démocratique du Congo en 2008 en raison de craintes de persécution et qu'il a obtenu le statut de réfugié en Afrique du Sud où il a subi de nombreuses agressions du fait de ses origines, ce qui l'a conduit en 2018 à rejoindre la France. Il ajoute que, venant de la région du Maniema, il sera victime, en cas de retour, de violences aveugles. Toutefois, en se bornant à se référer au rapport mensuel demonitoring de protection du HCR consacré au Sud Kivu et Maniema pour le mois de septembre 2021, il n'apporte aucun élément propre à sa situation personnelle permettant de considérer qu'il encourrait dans le cas d'un retour en RDC et, en particulier, dans la région du Maniema, de manière suffisamment certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressé pourrait être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 octobre 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, en cas d'admission définitive de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à verser à son conseil, Me Rosin, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en cas de non-admission, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2122790 du 24 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULe président,

R. d'HAËM

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00361

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00361
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ROSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa00361 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award