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21/03/2023 | FRANCE | N°22PA03151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 mars 2023, 22PA03151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de

Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n°2010329 du 14 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par

Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de

Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n°2010329 du 14 avril 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022, Mme D..., représentée par

Me Morin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 22 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et approfondi de sa situation ;

- elle est entachée d'une méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le préfet de

Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... sont infondés.

Par une décision du 24 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse E..., ressortissante tunisienne née le 13 mars 1977, est entrée en France le 5 avril 2017. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par arrêté du 22 septembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision en litige comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des énonciations de la décision en litige ni des pièces du dossier qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Seine-et-Marne aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de Mme G....

4. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit : " A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme D..., présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Seine-et-Marne s'est notamment fondé sur l'avis émis le 13 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont la requérante est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Pour contredire cet avis, Mme D... verse aux débats plusieurs pièces médicales attestant qu'elle souffre d'une polyarthrite rhumatoïde sévère destructrice frappant ses quatre membres et que la forme sévère de la pathologie qui l'éprouve engendre une impotence fonctionnelle très importante. D'une part, si Mme D... soutient qu'un défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet ne conteste pas ce point. D'autre part, Mme D... soutient qu'elle ne peut se faire convenablement soigner en Tunisie car son traitement repose sur une association de huit médicaments et que deux d'entre eux, le cortancyl et le methotrexate sont soit manquants, soit en rupture de stock. Elle produit une attestation établie le 17 décembre 2020 par le docteur H..., praticien exerçant à l'hôpital Sahloul à Sousse, qui se borne à rappeler, comme l'a justement relevé le tribunal, les symptômes de la requérante avant d'arriver à la conclusion qu'" une prise en charge à l'étranger est nécessaire " sans indiquer quelle prise en charge serait nécessaire et pourquoi elle ne serait pas effectivement accessible en Tunisie Elle produit également une attestation établie le 16 décembre 2020 par M. A... I..., se prévalant de la qualité de " pharmacien assistant " exerçant en officine à Nadhour, qui indique que les approvisionnement en methotrexate 2,5, ainsi qu'en son générique ebetrexat 2,5, et en cortancyl ainsi qu'en son générique prednisone 5, seraient interrompus en Tunisie. À supposer même que ces médicaments, et un de leurs génériques, seraient indisponibles en Tunisie à la date de la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ne pourrait effectivement bénéficier de tout médicament ayant en commun le principe actif du cortancyl et du methotrexate ou d'autres molécules produisant les mêmes effets afin d'obtenir un soin approprié à son état de santé. Enfin le certificat médical du docteur B... du

9 mai 2022 produit un appel ne se prononce nullement sur la disponibilité ou l'indisponibilité du traitement médical en Tunisie. Ainsi, et nonobstant la circonstance qu'elle bénéficie en France d'une carte mobilité inclusion, les éléments produits par la requérante ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à sa possibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, c'est sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313 du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est dépourvue d'attaches familiales en France. Si elle soutient y être entourée de plusieurs compatriotes résidant en France et notamment de M. J..., qui l'héberge et la soutient au quotidien, elle n'y justifie d'aucune intégration sociale. En outre la requérante n'établit, ni même n'allègue, être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été édictée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision en litige des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En outre, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé à Mme D... la délivrance d'un titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié; (...) ". Comme il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie. Dès lors, le moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

11. En dernier lieu, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Comme il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 précité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03151
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-21;22pa03151 ?
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