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20/03/2023 | FRANCE | N°22PA01806

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 mars 2023, 22PA01806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Salmon a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 14 octobre 2019 et du 2 juillet 2020 par lesquelles le syndicat des transports d'Ile-de-France a rejeté ses demandes d'indemnisation du préjudice lié aux travaux de prolongement de la ligne T4 du tramway et de le condamner à lui verser la somme de 1 862 690,70 euros hors taxes.

Par jugement n° 2007107 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa dema

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Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Salmon a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 14 octobre 2019 et du 2 juillet 2020 par lesquelles le syndicat des transports d'Ile-de-France a rejeté ses demandes d'indemnisation du préjudice lié aux travaux de prolongement de la ligne T4 du tramway et de le condamner à lui verser la somme de 1 862 690,70 euros hors taxes.

Par jugement n° 2007107 du 21 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2022, la société Salmon, représentée par Me Chamard-Sablier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007107 du 21 février 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions des 14 octobre 2019 et 2 juillet 2020 par lesquelles Ile-de-France Mobilités (IDF Mobilités) a rejeté ses demandes d'indemnisation ;

3°) de condamner IDF Mobilités à lui verser la somme de 1 862 690,70 euros hors taxes assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge d'IDF Mobilités la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi un préjudice excédant les sujétions normales qui pouvaient lui être imposées sans indemnité dès lors que les travaux de prolongement de la ligne T4 du tramway ont provoqué des restrictions de circulation sur le boulevard où ses locaux sont situés empêchant l'accès des véhicules de ses salariés, fournisseurs et partenaires commerciaux et un manque de visibilité de son enseigne depuis la route ; les désagréments ont nécessité une réorganisation entrainant des coûts supplémentaires de transport et de personnel et des pertes de temps à l'origine d'une baisse significative de son chiffre d'affaires pour la période du 4 mai 2015 au 31 décembre 2019 dont le lien de causalité avec les travaux litigieux est établi et engageant la responsabilité sans faute d'IDF Mobilités ;

- les premiers juges ont entaché leur appréciation d'une erreur de fait ;

- le préjudice anormal et spécial correspondant à l'impact économique des travaux sur son chiffre d'affaires et dont elle est fondée à solliciter l'indemnisation s'élève à la somme de 1 862 690,70 euros hors taxes.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2022, l'établissement public administratif Ile-de-France Mobilités, venant aux droits du syndicat des transports d'Ile-de-France, représenté par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Salmon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Salmon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Santagelo, avocat de l'établissement public administratif Ile-de-France Mobilités .

Considérant ce qui suit :

1. La société Salmon est une entreprise spécialisée dans les travaux d'électricité générale dont les locaux sont situés 12 boulevard de la République à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) où des travaux ont été réalisés de 2015 jusqu'au 14 décembre 2019 en vue de prolonger la ligne T4 du tramway jusqu'à Montfermeil. Par deux courriers en date des 29 mai 2019 et 2 juin 2020, la société Salmon a saisi la commission de règlement amiable d'Ile-de-France Mobilités (IDF Mobilités) d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des travaux pour les périodes des 4 mai 2015 au 30 avril 2019 puis du 1er mai 2019 au 31 décembre 2019. Après les deux avis défavorables émis les 23 septembre 2019 et 15 juin 2020 par cette commission, IDF Mobilités a, par décisions des 14 octobre 2019 et 2 juillet 2020, refusé de l'indemniser. Par jugement n° 2007107 du 21 février 2022, dont la société Salmon relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles IDF Mobilités a rejeté ses demandes d'indemnisation et à la condamnation à lui verser la somme de 1 862 690,70 euros hors taxes au titre du préjudice anormal et spécial qu'elle estime avoir subi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Les décisions rejetant les demandes indemnitaires préalables des 14 octobre 2019 et 2 juillet 2020 ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la société Salmon qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait le cas échéant, entachée la décision qui a ainsi lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige et il n'y a lieu pour le juge ni d'examiner de tels moyens, ni de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de telles décisions.

Sur la mise en cause de la responsabilité d'IDF Mobilités :

3. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Si en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

4. La société Salmon soutient que suite à l'exécution des travaux de prolongement de la ligne T4 du tramway, la fermeture régulière et prolongée de la partie du boulevard de la République, où se situent ses locaux, a empêché pendant plus de trois ans et demi l'accès des véhicules de ses salariés et des camions de livraison de ses fournisseurs constituant ainsi un frein à son développement économique et est à l'origine d'une baisse de la fréquentation de ses clients et de ses partenaires commerciaux, à savoir des architectes, des bureaux d'études et des représentants commerciaux. Il résulte toutefois de l'instruction que cette société, qui exploite une entreprise spécialisée dans les travaux d'électricité générale, l'isolation et le chauffage et le second œuvre, ne peut ainsi, compte tenu de son activité, être regardée comme ayant une clientèle de passage susceptible de renoncer à faire appel à ses services au regard des difficultés d'accès à ses locaux et qu'en outre, elle n'apporte aucun élément qui permettrait d'établir l'existence d'un tel renoncement. Par ailleurs, si la société Salmon soutient que depuis le commencement des travaux, son commerce a été isolé en raison du manque de visibilité de son enseigne depuis la route, les photographies qu'elle produit ne permettent pas d'en démontrer la réalité. Ensuite, si la société soutient que les travaux en cause l'ont conduite à réorganiser ses modalités de livraison en mobilisant ses équipes pour aller récupérer le matériel directement chez ses fournisseurs entraînant des coûts supplémentaires de transport et de personnel, le témoignage insuffisamment circonstancié de son gérant produit à l'appui de son dossier de demande d'indemnisation est insuffisant pour permettre d'apprécier le bien-fondé de ses allégations. Enfin, si la société se prévaut d'une baisse significative de son activité pour la période du 4 mai 2015 au 31 décembre 2019, il résulte de l'instruction que, comparativement au chiffre d'affaires réalisé lors de l'année précédant le début des travaux, soit 5 839 101,42 euros en 2014, elle a connu en 2015 puis en 2016 une augmentation significative de son chiffre d'affaires qui a atteint respectivement 6 905 174,66 euros et 6 949 517,33 euros avant de connaître en 2017 une baisse à 5 860 562,81 euros, d'augmenter en 2018 en atteignant 6 408 581,62 euros puis de baisser à nouveau en 2019 à 6 087 095,81 euros. Il s'ensuit que, quand bien même le chiffre d'affaires de la société Salmon a connu des fluctuations pendant la période des travaux litigieux, il a toujours été supérieur au montant enregistré au titre de l'année 2014 avant le commencement des travaux. Dans ces conditions, comme l'ont à bon droit considéré les premiers juges sans entacher leur appréciation d'une erreur de fait, le lien de causalité entre les baisses de chiffre d'affaires au titre des années 2017 et 2019 invoquées par la société Salmon et les travaux litigieux n'est pas établi.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Salmon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'IDF Mobilités, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Salmon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Salmon, par application des mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros à verser à IDF Mobilités au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Salmon est rejetée.

Article 2 : La société Salmon versera à Ile-de-France Mobilités la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Salmon et à Ile-de-France Mobilités.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2023.

La rapporteure,

A. A... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA01806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01806
Date de la décision : 20/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-20;22pa01806 ?
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