La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2023 | FRANCE | N°22PA02041

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 mars 2023, 22PA02041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par une ordonnance n° 2203205 du 7 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2022,

M. C..., représenté par Me Compin, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2203205 du 7 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par une ordonnance n° 2203205 du 7 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2022, M. C..., représenté par Me Compin, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2203205 du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 12 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français et refus de titre de séjour.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa demande a été rejetée comme étant manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, en l'absence de notification de l'arrêté du préfet du Calvados, lequel a été adressé à une ancienne adresse postale en dépit de son changement de domiciliation qu'il avait signalé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il pourrait bénéficier ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 421-5 de ce code auxquelles il peut prétendre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen tiré de l'absence de tardiveté de sa demande contentieuse n'est pas fondé.

Par un courrier du 25 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'une décision portant refus de titre de séjour, en tant qu'elles sont dirigées contre une décision inexistante.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée par une décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 octobre 2021, le préfet du Calvados a obligé M. C..., ressortissant camerounais né le 30 mai 1986, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. C... relève régulièrement appel de l'ordonnance du 7 avril 2022 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Si M. C... demande l'annulation d'une décision de refus d'admission au séjour, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué du 12 octobre 2021, pris consécutivement au rejet de sa demande d'asile intervenu en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 18 août 2021, que le préfet ait entendu se prononcer sur une demande de titre de séjour introduite par l'intéressé. Les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision, matériellement inexistante, sont par suite irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) Conformément aux dispositions de l'article L. 614-5 (du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. (...) ". Aux termes des dispositions du II de l'article R. 776-5 de ce code : " (...) Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ".

4. D'autre part, il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision. En cas de retour à l'administration du pli contenant la décision, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

5. Le préfet du Calvados a fait valoir, en première instance, que la requête de M. C... était tardive. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté a été envoyé à l'adresse de l'association qui avait déclaré l'héberger à Caen, par un pli recommandé avec accusé de réception. Il ressort des mentions portées sur ce pli postal que, s'il a été présenté le 14 octobre 2021 à cette adresse, il ne comporte ni la mention du motif de vaine présentation, ni le cachet de réexpédition susceptible de retenir que le délai de mise en instance a été respecté, le respect de ce délai de mise à disposition ne pouvant en l'espèce résulter du cachet de réception par la préfecture du courrier qui lui a été retourné sur lequel ne figure clairement aucune date entièrement lisible. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme tardive et, par suite, irrecevable. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. En premier lieu, indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

8. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France au mois de décembre 2018, la durée de son séjour sur le territoire n'excédant pas vingt-deux mois à la date de l'arrêté en litige. Par ailleurs, la vie maritale dont il se prévaut avec une ressortissante française, a débuté selon ses propres déclarations à compter du 30 octobre 2020, soit depuis moins de six mois à cette même date. M. C... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de

trente-deux ans. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de dispositions lui permettant d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale ".

10. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, relatives à l'attribution d'une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur / profession libérale " ne prescrivent pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, M. C... ne peut utilement s'en prévaloir pour contester la mesure d'éloignement attaquée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 12 octobre 2020.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2203205 du 7 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- Mme Boizot, première conseillère

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02041
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : COMPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-17;22pa02041 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award