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06/03/2023 | FRANCE | N°22PA01681

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 mars 2023, 22PA01681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire émis le 17 juin 2020 par le Port autonome de Paris pour un montant de 16 130,88 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation sans titre du domaine public fluvial du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, et de la décharger du paiement de cette somme.

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Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire émis le 17 juin 2020 par le Port autonome de Paris pour un montant de 16 130,88 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation sans titre du domaine public fluvial du 1er mars 2020 au 31 mai 2020, et de la décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 2021390/4-3 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2022, la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur, représentée par Me Bidault, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 17 juin 2020 ainsi que la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le directeur général du Port autonome de Paris a rejeté sa demande de remise gracieuse ;

3°) de la décharger du paiement de la somme qui lui est réclamée ;

4°) de mettre à la charge du Port autonome de Paris la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté l'application des dispositions du 7° de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-139 du 25 mars 2020, dès lors qu'en dépit de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public dont elle bénéficiait, il existait toujours des relations contractuelles entre les parties ; le principe de loyauté des relations contractuelles a ainsi été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine, représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code des transports,

- l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Marion, rapporteure publique désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur propose des services de restauration et d'animation à bord de bateaux amarrés sur les berges et quais de la Seine, notamment au port de Solferino, au sein duquel elle bénéficiait d'une autorisation d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public fluvial accordée par une convention conclue le 12 juillet 2001 avec le Port autonome de Paris, modifiée par un avenant du 15 janvier 2002. Par un courrier du 25 novembre 2011, le Port autonome de Paris a rappelé à la société requérante l'échéance de sa convention d'occupation au 15 octobre 2012 et l'a informée de la mise en œuvre d'une procédure de publicité pour l'emplacement qu'elle occupait ainsi que de la possibilité de déposer sa candidature. Par un courrier du 20 décembre 2011, le Port autonome de Paris a notifié à la société le non-renouvellement de sa convention ; sa candidature à la réattribution de l'emplacement occupé a ensuite été rejetée, ce dont elle a été informée par un courrier du 30 avril 2012. Mise en demeure de libérer les lieux, la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur a maintenu deux bateaux sur l'emplacement situé au port de Solferino. Le Port autonome de Paris, aux droits duquel est venu depuis le 1er juin 2021 le Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine, en application de l'ordonnance n° 2021-614 du 19 mai 2021, a émis le 17 juin 2020 un titre exécutoire d'un montant de 16 130,88 euros, correspondant aux indemnités d'occupation sans titre du domaine public fluvial par la société requérante pour la période allant du 1er mars 2020 au 31 mai 2020. Par un courrier du 17 août 2020, cette dernière a formé une demande de remise gracieuse, qui a été rejetée le 14 octobre 2020. La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur relève appel du jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire du 17 juin 2020 et à la décharge du paiement de la somme de 16 130,88 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont répondu à tous les moyens qu'elle a soulevés devant eux, en expliquant de manière précise, au point 5 du jugement attaqué, les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient être accueillis. Ils ont donc suffisamment motivé leur jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-139 du 25 mars 2020 : " Sauf mention contraire, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas, en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'au 23 juillet 2020 inclus. / Elles ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. ". Et aux termes de l'article 6 de la même ordonnance : " En cas de difficultés d'exécution du contrat, les dispositions suivantes s'appliquent, nonobstant toute stipulation contraire, à l'exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat : / (...) 7° Lorsque le contrat emporte occupation du domaine public et que les conditions d'exploitation de l'activité de l'occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière, le paiement des redevances dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public est suspendu pour une durée qui ne peut excéder la période mentionnée à l'article 1er. A l'issue de cette suspension, un avenant détermine, le cas échéant, les modifications du contrat apparues nécessaires. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. Une convention d'occupation du domaine public ne peut par ailleurs être tacite et doit revêtir un caractère écrit.

5. La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur soutient en appel qu'en application des dispositions précitées du 7° de l'article 6 de l'ordonnance

n° 2020-139 du 25 mars 2020, le paiement de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 17 juin 2020 aurait dû être suspendu dès lors, selon elle, qu'il existait à cette date une relation contractuelle entre elle et le Port autonome de Paris, et que par suite le principe de loyauté des relations contractuelles aurait été méconnu. Il résulte toutefois de l'instruction que, comme il a déjà été dit au premier point du présent arrêt, la convention qu'elle a conclue le 12 juillet 2001 avec le Port autonome de Paris, portant autorisation d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public fluvial au port de Solferino, est arrivée à échéance le 15 octobre 2012, ce dont elle a été informée notamment par un courrier du 20 décembre 2011, et que sa candidature à la réattribution de l'emplacement occupé a ensuite été rejetée. Si la société requérante a contesté le rejet de cette candidature et la décision de non-renouvellement de sa convention, ses demandes ont été rejetées par un jugement n° 1300625 du tribunal administratif de Paris du 1er décembre 2014, puis par un arrêt n° 15PA00487 de la cour administrative d'appel de Paris du 1er décembre 2016. Par suite, l'intéressée n'était plus titulaire de droits contractuels sur l'emplacement en cause depuis le 15 octobre 2012 et en a poursuivi l'occupation sans droit ni titre. Les circonstances qu'elle occupe effectivement cet emplacement, qu'elle l'exploiterait avec l'accord du Port autonome de Paris, qu'elle se serait toujours acquittée mensuellement d'une redevance d'occupation du domaine public, et qu'elle a effectué des investissements dans l'intérêt du Port autonome de Paris et du domaine, ne sauraient démontrer l'existence de relations contractuelles ni valoir autorisation d'occupation du domaine public fluvial, laquelle ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit. Dans ces conditions, la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du 7° de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-139 du 25 mars 2020, qui ne sont applicables, en vertu de l'article 1er de la même ordonnance, qu'aux contrats en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'au 23 juillet 2020 inclus.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros au Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : La société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur versera la somme de 1 500 euros au Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les kiosques flottants - Compagnie des bateaux de l'intérieur et au Grand port fluvio-maritime de l'axe Seine.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01681
Date de la décision : 06/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme MARION
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-06;22pa01681 ?
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