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03/03/2023 | FRANCE | N°22PA02643

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 mars 2023, 22PA02643


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 14 septembre 2021 par lesquelles le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement n° 2128124 du 17 mars 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure de

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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 14 septembre 2021 par lesquelles le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement n° 2128124 du 17 mars 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juin et 9 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Lachaux, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2128124 du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 septembre 2021 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, à défaut de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425- 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre qu'elle assortit ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; - la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022 le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les observations de Me Achard, substituant Me Lachaux, pour M. A..., - et les observations présentées par Mme D..., éducatrice spécialisée. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant béninois né le 29 septembre 1971 et entré en France pour la dernière fois le 27 mars 2012 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. A... demande l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2128124 du 17 mars 2022 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) /La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". 3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. 4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 20 janvier 2022 par un psychiatre et du compte rendu établi le 14 janvier 2022 par une psychologue clinicienne, qui sont postérieurs à l'arrêté attaqué mais qui confirment une situation antérieure, que M. A... présente depuis son enfance des troubles mentaux ayant perturbé son développement et son insertion sociale et qui se manifestent actuellement par des épisodes dépressifs récurrents sévères avec idées suicidaires et claustration dans sa chambre. S'il présente une symptomatologie de base d'allure para-psychotique stable avec confabulations, rêveries, dialogue imaginaire, le soutien de l'équipe socio-éducative qui le suit et sa psychothérapie hebdomadaire, associée à un traitement de fond associant bi-thérapie d'antidépresseurs et anxiolytiques, parviennent par périodes à le maintenir dans une activité compatible avec la vie sociale. Les médecins soulignent que le suivi médical mis en place depuis plusieurs années permet à M. A... de pallier aux inadéquations familiales, aux carences et maltraitances vécues et observent que l'empreinte du passé pèse encore fortement sur lui et qu'il se protège en gardant à distance sa famille au Bénin. De même, le rapport établi par le référent éducatif du pôle Rosa Luxembourg du centre d'action sociale de la ville de Paris montre que le suivi médical qui lui est assuré dans l'établissement qui l'héberge et les actions de bénévolat entreprises par M. A... lui permettent de rester en relation avec l'extérieur et participent ainsi à sa guérison. Ainsi, au regard de la fragilité du patient à la date de la décision, ainsi que de l'origine de ses troubles et des conséquences graves prévisibles d'un retour dans son pays d'origine, s'il est vrai que de graves troubles psychiatriques de même nature que ceux dont souffre M. A... pourraient normalement faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il n'en va pas, en l'espèce, de même de ceux dont il souffre, compte tenu du lien entre sa pathologie et les événements qu'il a vécus au Bénin et des effets du suivi pluridisciplinaire dont il a bénéficié en France. En outre, s'il existe des structures prodiguant des soins psychiatriques au Bénin, il n'est pas démontré que le requérant pourrait bénéficier, en réalité et immédiatement, d'un accès effectif aux traitements que requiert son état de santé s'il devait retourner dans son pays d'origine. Or, la suppression de ses soins entraînerait une décompensation grave, avec un risque de passage à l'acte suicidaire. Dès lors, dans ces circonstances particulières, le préfet de police, en estimant que M. A... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en refusant, en conséquence, de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la situation personnelle du requérant. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ce jugement doit, dès lors, être annulé, ainsi que l'arrêté en litige du 14 septembre 2021. Sur les conclusions à fin d'injonction : 7. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de police de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés au litige : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Lachaux, conseil de M. A..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2128124 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de police sont annulés.Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.Article 3 : L'Etat versera à Me Lachaux la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Copie en sera adressée à Me Lachaux et au préfet de police.Délibéré après l'audience du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 3 mars 2023. La rapporteure,S. C...Le président,S. CARRERELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.N° 22PA02643 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02643
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LACHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-03;22pa02643 ?
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