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02/03/2023 | FRANCE | N°22PA03247

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2023, 22PA03247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2208734 du 1er juillet 2022 le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te enregistrée le 15 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Asmane, demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2208734 du 1er juillet 2022 le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Asmane, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er juillet 2022 par laquelle le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) subsidiairement, d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination :

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ont été méconnues par le premier juge ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il est entaché d'incompétence de son auteur ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il justifie de cinq années de présence et de travail en France, la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle considère qu'il ne fournit pas les preuves de sa présence pour l'année 2015 ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité, le refus de titre de séjour étant lui-même illégal ;

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français étant elle-même illégale.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né en 1982 et entré en France en juin 2015, a sollicité le 9 août 2021 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 avril 2022 le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une ordonnance du 1er juillet 2022, dont M. B... fait appel, le président de la 11ème chambre de ce tribunal a rejeté sa requête.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés (...), ou des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. D'une part, M. B... a soulevé les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et de son défaut de motivation. Ainsi que l'a relevé le premier juge, par un arrêté n° 2021-1836 du 19 juillet 2021, publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme E... C..., attachée d'administration de l'Etat, pour signer notamment les mesures d'éloignement. L'arrêté comporte, par ailleurs, dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. B... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, comme l'a relevé le premier juge. Les moyens de légalité externe tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué et de son insuffisante motivation étaient donc manifestement infondés comme l'a estimé le premier juge.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est borné à l'appui de ses moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à faire valoir devant le premier juge qu'il était entré en France le 22 juin 2015 sous couvert d'un visa de court séjour et qu'il résidait en France depuis plus de cinq ans, ayant travaillé depuis le mois de novembre 2015 pour le même employeur, et ayant établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux, sans toutefois produire aucun document à l'appui de ses allégations, ni étayer celles-ci de plus de précisions. Dans ces conditions, le premier juge a pu estimer que ces moyens étaient manifestement dépourvus des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé.

5. Le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil n'a donc pas entaché son ordonnance d'irrégularité en rejetant la demande de M. B... sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.

8. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

9. Il ressort de la décision contestée que M. B... a déposé une demande de carte de séjour au titre d'une admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, s'il se prévaut de sa résidence en France depuis plus de 5 ans à la date de la décision contestée, étant arrivé en France en juin 2015, et de son emploi de plombier chauffagiste en contrat à durée indéterminée chez le même employeur depuis le mois de novembre 2015, ainsi que de la présence de son frère qui vit en France et est de nationalité française, ces éléments ne permettent pas de caractériser des circonstances exceptionnelles ou humanitaires, de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre du travail ou de la vie privée et familiale. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne justifiait pas de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance qu'il a considéré que l'intéressé ne justifiait pas de sa présence en France pour l'année 2015 étant sans incidence.

10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., dont le séjour en France est relativement récent, est célibataire, sans enfant et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majorité de sa vie, ni l'intensité de son intégration sociale en France, la seule présence de son frère n'étant pas suffisante en cela. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.

13. En second lieu, pour les motifs qui ont été exposés au point 11, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03247
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ASMANE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-02;22pa03247 ?
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