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02/03/2023 | FRANCE | N°22PA00732

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2023, 22PA00732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2200672/8 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2200672/8 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2022, M. B... C..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200672/8 du 31 janvier 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- le préfet de police aurait dû saisir le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration eu égard à sa situation médicale ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Mme D..., élève avocat, en présence de Me Simon substituant Me Berdugo, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 janvier 2022, le préfet de police a fait obligation à M. C..., ressortissant sri-lankais né le 19 avril 1975, de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, l'intéressé a fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. C... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;(...) ".

3. La décision, qui mentionne que l'intéressé s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par une décision du 8 décembre 2020, que son épouse réside au Sri-Lanka et qu'il n'a pas d'enfant à charge, est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle ne mentionnerait pas tous les éléments relatifs à sa situation professionnelle.

4. Il ne ressort pas des mentions de cette décision qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation.

5. Aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 du même code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu :/ 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative, le certificat prévu au 1° est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 744-14. ".

6. D'une part, le moyen tiré du vice de procédure aux termes duquel le requérant aurait dû être examiné par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 6 du jugement contesté.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé souffre d'un diabète de type 2 et d'un zona abdominal. Toutefois, la seule production de courriers électroniques d'un laboratoire du 16 décembre 2020, soit au demeurant un an avant la décision, se bornant à relever qu'il ne commercialise pas de médicament au Sri-Lanka, et d'un autre laboratoire, du 24 janvier 2022, précisant qu'il n'y commercialise pas le Fenobirate mais qu'il est possible que des spécialités génériques y soient mises à disposition par d'autres laboratoires, ne sont pas de nature à établir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

8. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 11 du jugement contesté, le requérant ne disposant au demeurant que d'une expérience professionnelle récente.

9. Il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ". L'article L. 613-2 du même code dispose : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

11. La décision mentionne que l'intéressé s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, qu'il s'est maintenu sur le territoire français, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présente pas de garanties de représentation dès lors qu'il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Elle est ainsi suffisamment motivée.

12. Quand bien même, contrairement à ce qui a été indiqué dans la décision contestée, l'intéressé dispose d'un passeport, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et les deux attestations produites ne permettent pas d'établir qu'il justifierait d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut ainsi qu'être écarté.

13. Il ne ressort pas des mentions de cette décision qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

15. En ne se prévalant que de circonstances générales sur la situation politique et en ne produisant qu'une attestation d'une personne se présentant comme un " député " du Sri-Lanka, le requérant n'établit pas la réalité des risques qu'il invoque.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...). ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

17. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans qu'elle prononce, sauf circonstances humanitaires, à l'encontre de l'étranger obligé de quitter le territoire français sans délai, tenir compte des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

18. La décision mentionne que l'intéressé allègue être entré en France en 2011, qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens et forts avec la France dès lors que son épouse réside au Sri-Lanka, qu'il n'a pas d'enfant à charge et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle est ainsi suffisamment motivée et n'est entachée d'aucun défaut d'examen.

19. Il résulte des faits rappelés précédemment que la décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. A... J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00732
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-02;22pa00732 ?
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