Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La Pâtisserie B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015.
Par un jugement n° 1926776 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, la SARL La Pâtisserie B..., représentée par Me Sicsic, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 septembre 2021 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions mises à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a méconnu son obligation d'information résultant des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et des énonciations du paragraphe 120 contenues dans l'instruction fiscale référencée BOI-CF-IOR-60-40-30, faute de précisions suffisantes sur la nature des traitements informatiques envisagés par le service vérificateur lui permettant d'exercer un choix éclairé sur les options qui lui étaient légalement ouvertes, et a par suite manqué à son devoir de loyauté ;
- elle a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense en s'abstenant, contrairement aux prévisions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de lui communiquer certains fichiers intermédiaires utilisés dans le cadre des traitements informatiques à l'origine des rehaussements notifiés ;
- les garanties procédurales tenant à l'obligation d'information fixée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et aux paragraphes 270 et suivants de l'instruction fiscale référencée BOI-CF-PGR-30-10 du 4 octobre 2017 ont été méconnues, faute de communication des renseignements et documents nécessairement obtenus auprès de la société éditrice du logiciel Orchestra ;
- la procédure d'imposition a été conduite en méconnaissance du champ d'application des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales dès lors que les écritures de caisse n'étaient pas tenues au moyen de systèmes informatisés, les caisses n'étant pas connectées au logiciel comptable ;
- la méthode de reconstitution des recettes retenue par le service vérificateur, sur la base d'une extrapolation opérée à partir de la valeur moyenne de tickets de caisses sélectionnés de façon subjective et sans aucun abattement, est nécessairement viciée dans son principe et aboutit à une exagération des bases imposables rectifiées, eu égard aux imprécisions et incohérences qu'elle comporte, et ne respecte pas les énonciations du paragraphe 200 de la circulaire fiscale référencée BOI-CF-IOR-10-20 ;
- les ratios issus des chiffres enregistrés en comptabilité sont proches de ceux d'autres sociétés du même secteur d'activité ;
- c'est par un jugement insuffisamment motivé que les premiers juges ont écarté les méthodes alternatives de reconstitution qu'elle propose, reposant soit sur l'exclusion des paiements par carte bancaire, soit sur la valeur médiane des tickets et le décompte des journées avec et sans anomalies, qui aboutissent à des résultats plus proches de la réalité ;
- pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés tenant à la contestation des résultats de la reconstitution de recettes proposée par le service vérificateur, les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés ;
- il en résulte que les pénalités ne sont pas fondées ;
- en l'absence de démonstration d'une intention frauduleuse, les pénalités mises à sa charge ne sont pas justifiées, ni dans leur principe, ni dans le taux appliqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Pâtisserie B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013, étendue au 28 février 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de la pénalité pour manœuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par la présente requête, la société relève régulièrement appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige, en droits et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " I. Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) IV. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...) ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...). ".
3. En premier lieu, doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les données sont soumises au contrôle qu'ils prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières, dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
4. La société soutient que ses caisses enregistreuses, en l'absence de connexion au logiciel comptable, ne pouvaient être regardées comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité et que le service vérificateur ne pouvait par suite effectuer des copies de sauvegardes des écritures de caisse au cours du contrôle inopiné qui s'est déroulé le 1er avril 2015. Il résulte toutefois de l'instruction que le logiciel de caisse utilisé " Orchestra point de vente " permet, par sa fonction de facturation et d'encaissement, de centraliser les recettes journalières par l'édition quotidienne d'un " ticket Z " comportant la ventilation des recettes par mode de règlement et par taux de taxe sur la valeur ajoutée. L'ensemble de ces " tickets Z " sont transmis au cabinet comptable en vue d'être enregistrés dans le progiciel de comptabilité " Sage Coala " pour la comptabilisation des produits, des règlements et de la taxe sur la valeur ajoutée. Le logiciel de caisse utilisé par la société participe ainsi, par ses fonctionnalités, à la centralisation des recettes journalières et concourt à la formation des résultats comptables de la société. Par suite, l'absence de connexion des caisses enregistreuses au logiciel comptable ne faisait pas obstacle à ce qu'elles soient regardées comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales.
5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le vérificateur a informé le représentant de la société, par courrier du 10 avril 2015, de ce qu'il souhaitait mettre en œuvre pour la période vérifiée " les traitements informatiques visant : / - à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés ; / - à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ; / - à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; / ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses ". Ce faisant, l'administration a suffisamment précisé les données sur lesquelles elle entendait faire porter ses recherches ainsi que l'objet des investigations qu'elle souhaitait effectuer, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Par suite, les moyens tirés de ce que l'administration aurait méconnu son obligation d'information et manqué à son devoir de loyauté envers le contribuable contrôlé doivent être écartés.
7. En troisième lieu, si l'administration est tenue, lorsqu'elle adresse une proposition de rectification à une société qui a choisi, en application du c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de mettre à sa disposition les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, de préciser dans cette proposition, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, elle n'a, en revanche, l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci. En l'espèce, la société reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration du principe du contradictoire et des droits de la défense, en s'abstenant de lui communiquer les fichiers intermédiaires " TicketsAnoNon ", " Tiprodtot " et " TiRgtTot " utilisés dans le cadre des traitements informatiques à l'origine des rehaussements notifiés. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 8 du jugement attaqué.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications, et qui ne sont pas directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration.
9. Contrairement à ce que soutient la société, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait utilisé des documents obtenus auprès de tiers et notamment de l'éditeur du logiciel de caisse " Orchestra point de vente ". L'administration a précisé les traitements informatiques qu'elle a opérés, détaillés à l'annexe 1 à la proposition de rectification, en précisant la méthodologie utilisée pour identifier le fonctionnement du logiciel de caisse et la traçabilité des fichiers qu'il contient, sans qu'il en ressorte qu'elle ait utilisé des informations extérieures à ses propres connaissances. A ce titre et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la circonstance que le service ait indiqué dans la proposition de rectification du 22 décembre 2015 que le fichier " Macleusb.exe " constitue un outil de maintenance du logiciel " Orchestra point de vente ", à distinguer du fichier " Macléusb.exe " qui constitue un outil frauduleux permettant la suppression de recettes, ne suffit pas à établir que l'administration ne disposait pas, comme elle le soutient, des connaissances relatives aux fonctionnalités du logiciel " Orchestra point de vente " analysé, ni qu'elle aurait nécessairement eu besoin d'obtenir cette information auprès de l'éditeur de ce logiciel. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information et de communication prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales doit par suite être écarté.
10. En cinquième lieu, à supposer que la société La Pâtisserie B... ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 120 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-30-20131213 et des paragraphes 270 et suivants de celle référencée BOI-CF-PGR-30-10-20171004, ces instructions, relatives à la procédure d'imposition, ne constituent pas une interprétation de la loi fiscale invocable en application de cet article.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
11. Aux termes du 2e alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration lorsque, d'une part, la comptabilité comporte de graves irrégularités et, d'autre part, l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
12. D'une part, l'administration établit que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités résultant de l'utilisation d'un logiciel de fraude altérant le fonctionnement régulier du logiciel de caisse " Orchestra point de vente ", conduisant à ce qu'elle soit écartée car dépourvue de valeur probante, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges au point 12 de leur jugement. La SARL La Pâtisserie B... ne conteste pas le rejet de sa comptabilité, résultant des graves irrégularités l'affectant. D'autre part, les impositions contestées ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 22 juin 2017. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition incombe à la SARL La Pâtisserie B....
S'agissant de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :
13. Il résulte de l'instruction que la méthode retenue par le service vérificateur a consisté, pour chacune des années vérifiées, à rehausser la valeur moyenne des tickets modifiés, de la valeur moyenne des tickets identifiés comme " modifiables ". Les tickets modifiables ont été identifiés selon les critères cumulatifs suivants : ticket encaissé non annulé, d'un montant positif, comportant au moins deux produits sur un seul ticket et réglés pour partie en espèces. Les tickets absents de la table Ticket, au nombre de 865 sur la journée du 27 octobre 2012, ont été évalués à la valeur moyenne des tickets " modifiables ". Les tickets réglés dont l'horodatage était postérieur de plus d'une heure à l'encaissement du dernier ticket de la journée ont été retenus comme étant en anomalie.
14. D'une part, la société requérante soutient que cette méthode procède par extrapolation des recettes sur la base de tickets sélectionnés de façon subjective, qu'elle comporte des imprécisions et des incohérences compte tenu des écarts des valeurs moyennes constatés suivant les années et la catégorie des tickets tels que recensés et ne retient aucun abattement pour tenir compte du " coulage " correspondant à un taux moyen d'erreurs de caisse et aux éventuels détournements d'espèces par les salariés. Il résulte toutefois de l'instruction que la méthode retenue se fonde sur les données propres de l'entreprise enregistrées dans le logiciel " Orchestra point de vente " en les traitant de telle sorte que les enregistrements des tickets recensés en anomalie à la suite de modifications ou de suppression par l'usage de l'utilitaire " Macléusb.exe ", conduisant à éluder des recettes, puissent être neutralisés, le service ayant recensé 94 951 tickets en anomalie sur la période vérifiée. Elle tient compte, par conséquent, des conditions réelles d'exploitation de la société. Le volume des données était par ailleurs suffisamment important pour que les moyennes calculées soient significatives. Enfin, la circonstance qu'aucun abattement n'ait été pris en compte ne permet pas de retenir les incohérences que la société entend opposer à la méthode de reconstitution utilisée par l'administration, laquelle ne peut être considérée ni comme excessivement sommaire, ni comme radicalement viciée.
15. D'autre part, si la société requérante soutient que les ratios issus des chiffres enregistrés par elle en comptabilité sont proches de ceux d'autres sociétés du même secteur d'activité, sa comptabilité a été régulièrement rejetée, ainsi qu'il a été dit, à raison des graves irrégularités constatées et les comparaisons proposées avec d'autres sociétés exerçant dans le même secteur d'activité ne permettent pas davantage, en tant que telles, de remettre en cause la méthode de reconstitution utilisée par le service.
S'agissant des méthodes alternatives :
16. La société requérante propose deux méthodes alternatives reposant, pour la première, sur l'exclusion des paiements par carte bancaire dont la valeur moyenne des encaissements est bien supérieure à celle des paiements en espèces, ce paramètre n'étant pas pris en considération par le service. Cependant, la société, qui reconstitue les règlements en carte bancaire à partir des relevés bancaires, ne conteste pas que le logiciel de correction des caisses Macléusb.Exe ne distingue pas les paiements par mode de règlement. Par suite, les tickets réglés par carte bancaire, mais enregistrés comme réglés en espèces, sont au nombre de ceux susceptibles d'avoir été modifiés par ce logiciel de suppression des recettes qui avait été installé. En outre, l'échantillonnage réalisé pour la société a été établi sur la seule période des mois de février, juillet et août 2013, qui ne peuvent refléter la réalité des quatre exercices contrôlés. La seconde méthode alternative proposée consiste à retenir la valeur médiane d'un ticket plutôt que la moyenne. Cette méthode, qui aboutit à une moindre pondération des tickets sans anomalie de valeur élevée, minore indûment les recettes reconstituées. Ainsi, la société requérante n'établissant pas que les deux méthodes alternatives qu'elle suggère seraient plus précises que celle retenue par l'administration, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ces méthodes alternatives, par une motivation suffisamment précise au point 14 de leur jugement. Il suit de là que la société n'établit pas que la méthode retenue par l'administration aurait conduit à une exagération de ses bases d'imposition.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :
17. A supposer que la SARL La Pâtisserie B... ait entendu se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 200 de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-20-20120912,
celle-ci ne comporte toutefois aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application. Par suite, la requérante n'est pas fondée à les opposer à l'administration fiscale.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
18. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ne seraient pas fondés, par voie de conséquence et pour les motifs précédemment exposés.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Par ailleurs, l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
20. La SARL La Pâtisserie B... soutient de nouveau en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, que l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention frauduleuse qui lui est reprochée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 19 du jugement entrepris. La société requérante n'est ainsi pas fondée à demander la décharge de la majoration de 80 %, ni pour ce motif, ni par voie de conséquence de la décharge des impositions en litige.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Pâtisserie B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL La Pâtisserie B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) La Pâtisserie B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 3 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
La rapporteure,
C. A...
La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA05777