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16/02/2023 | FRANCE | N°22PA01668

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 22PA01668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par jugement n°2115006 du 3 mars 2022, le Tribunal admini

stratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par jugement n°2115006 du 3 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 avril, 26 septembre et 18 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°2115006 du 3 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut " salarié " à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois, dans les mêmes conditions d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas démontré que le fichier de traitement des antécédents judiciaires a été consulté par un agent de la police ou de la gendarmerie individuellement désigné et spécialement habilité ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- en ne retenant pas ces erreurs de fait, les premiers juges ont entaché d'une erreur leur appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant délai de départ :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III alinéa 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Une mise en demeure a été adressée le 25 octobre 2022 au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante thaïlandaise née le 19 juin 1966, a sollicité le 16 février 2021, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français. Par arrêté du 13 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par jugement n°2115006 du 3 mars 2022, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... démontre par les nombreuses pièces qu'elle produit résider en France depuis l'année 2010 soit depuis au moins 11 ans à la date de l'arrêté attaqué dont 9 années sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour puis d'un titre de séjour sans que cette durée puisse être regardée comme ayant été interrompue par son court séjour de 21 jours en Thaïlande du 21 novembre 2017 au 13 décembre 2017 afin d'obtenir un visa de long séjour dans le cadre de ses démarches tendant à l'obtention d'un titre en qualité de conjoint de français. Elle a épousé le 10 novembre 2017 un ressortissant français dont elle a divorcé postérieurement à l'arrêté contesté ainsi qu'il ressort de l'attestation de divorce du 15 avril 2021. Elle établit que cette séparation est intervenue suite à des violences conjugales qu'elle a subies en 2020 et qui ont donné lieu à un rappel à la loi adressé à son ex-mari. Par ailleurs, si le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que la présence de Mme B... en France constituait une menace pour l'ordre public, il a, pour caractériser cette menace opposé la circonstance que la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires avait révélé que l'intéressée était connue pour des faits d'exécution d'un travail dissimulé et d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié le 3 mars 2020. Cette dernière soutient avoir toujours contesté sa culpabilité et établit n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation pénale à ce titre dès lors qu'un classement sans suite a été prononcé le 20 octobre 2020 et qu'aucun autre fait ne peut lui être opposé. Elle établit, par ailleurs, sa volonté d'intégration caractérisée par l'exercice d'une activité professionnelle salariée pendant 7 ans et 11 mois au cours des 11 dernières années à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme B... est fondée à soutenir que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision refusant le renouvellement du titre de séjour de Mme B... doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, qui sont, par suite, dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à Mme B... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de Mme B... dans le système d'information Schengen. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance que Mme B... a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2115006 du 3 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 avril 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer pendant cette période une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de Mme B... dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

A. A... Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01668
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-16;22pa01668 ?
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