Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 février, 7 juin et 8 septembre 2022, la Fédération française des services à la personne et de proximité, représentée par Mes Piwnica et Molinié, demande dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des entreprises de services à la personne (n° 3127) en tant qu'il fixe à son article 2 le poids respectif de ces organisations pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue par l'article L. 2261-19 du code du travail ;
2°) d'ordonner au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion de communiquer l'ensemble des éléments utiles à la résolution du litige, en particulier la fiche de synthèse du Syndicat des entreprises de services à la personne (SESP) ;
3°) de désigner un expert afin qu'il se prononce sur les déclarations du SESP au regard des pièces comptables et des bulletins d'adhésion de ce syndicat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que les observations qu'elle a présentées à la direction générale du travail n'ont pas été prises en considération ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation en ne lui accordant qu'un poids de 37,38 % derrière le SESP qui s'est vu reconnaitre un poids de 44,20 % alors qu'au regard des effectifs déclarés par chaque organisation professionnelle et du nombre d'entreprises adhérentes à chacune d'elles, elle ne pouvait disposer d'un poids inférieur à celui du SESP.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 avril et 23 juin 2022, le Syndicat des entreprises de services à la personne (SESP), représenté par Me Morel, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La requête a été transmise au Syndicat National des Etablissements et Résidences Privés pour Personnes Âgées et à la Fédération Française des Entreprises de Crèches qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Bensusan, avocat de la Fédération française des services à la personne et de proximité,
- et les observations de M. A..., représentant le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des entreprises de services à la personne (n° 3127). Par la présente requête, la Fédération française des services à la personne et de proximité demande l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2021 en tant qu'il fixe à son article 2 le poids respectif de ces organisations pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue par l'article L. 2261-19 du code du travail.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la Fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP) a contesté le 15 septembre 2021 l'audience déclarée par le Syndicat des entreprises de services à la personne (SESP) dans le cadre de sa candidature à la représentativité, ce qui a conduit la direction générale du travail à formuler le 4 novembre 2021 une nouvelle proposition de résultats contestée par la FEDESAP le 8 novembre 2021 ayant donné lieu à une instruction complémentaire qui n'a cette fois, pas conduit à une modification des résultats. Ainsi , contrairement à ce que soutient la FEDESAP, les observations qu'elle a présentées à la direction générale du travail ont été prises en considération. Par suite,l'arrêté attaqué n'est pas entaché pour ce motif d'un vice de procédure. Le moyen ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I.- La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs : 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ; 2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. (...) ". Aux termes de l'article R. 2152-1 du même code : " Pour l'application des articles L. 2152-1 et L. 2152-4, sont considérées comme adhérentes les entreprises, qu'elles emploient ou non du personnel salarié, dès lors qu'elles versent une cotisation, conformément aux règles fixées par une délibération de l'organe compétent de l'organisation professionnelle d'employeurs à laquelle elles adhèrent ou d'une structure territoriale statutaire de cette organisation, et selon des modalités assurant leur information quant à l'organisation destinataire de la cotisation. (...) ". Aux termes de l'article R. 2152-3 du même code : " Le nombre d'entreprises adhérentes est apprécié au 31 décembre de l'année précédant l'année de la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. ". L'article R. 2152-6 du même code prévoit que : " Le commissaire aux comptes compétent en application, selon le cas, du 3° de l'article L. 2152-1 ou du 3° de l'article L. 2152-4 atteste conformément aux dispositions de la présente section et des sections 2 et 3 du présent chapitre : 1° Le nombre par département d'entreprises adhérentes de l'organisation professionnelle d'employeurs candidate à l'établissement de sa représentativité ; 2° Le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises ; 3° Le nombre par département de ces mêmes entreprises employant au moins un salarié ; 4° Le nombre par département de ces mêmes entreprises employant au total moins de onze salariés. / Il dispose à cet effet d'un accès accordé par le ministre chargé du travail à des données agrégées non nominatives issues des déclarations sociales des entreprises mentionnées à l'article L. 2122-10-3. / Les règles prises en compte en matière de cotisations et définies conformément aux dispositions des articles R. 2152-1 et R. 2152-2 sont jointes à ces attestations. / L'attestation du commissaire aux comptes est accompagnée d'une fiche de synthèse dont le modèle est arrêté par le ministre chargé du travail ". L'article R. 2152-6-1 du même code précise que : " Pour l'application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 2152-6, sont pris en compte les salariés des entreprises adhérentes titulaires d'un contrat de travail au cours du mois de décembre de l'année précédant l'année de prise en compte des entreprises adhérentes et figurant sur les déclarations sociales des entreprises, mentionnées à l'article L. 2122-10-3. (...) ".
4. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que le nombre d'entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes qui a un accès accordé par le ministre chargé du travail à des données agrégées non nominatives issues des déclarations sociales des entreprises. Le nombre de salariés pris en compte correspond au nombre de contrats de travail au cours du mois de décembre 2018.
5. Pour contester le poids respectif des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des entreprises de services à la personne (n° 3127), la FEDESAP se prévaut de l'étude de l'Agefos Pme, association qui gère la collecte et la gestion des fonds de formation des entreprises qui ne recueille que des données déclaratives des seules entreprises ayant cotisé volontairement à cet organisme paritaire collecteur agréé et qui ont considéré qu'elles relevaient de la branche des entreprises de services à la personne. Par suite, les données de l'Agefos Pme n'ont pas la même fiabilité que celles sur lesquelles s'est appuyé le commissaire aux comptes pour déterminer le nombre de salariés à prendre en compte et qui peuvent, elles, être contrôlées et ont pour finalité le paiement des cotisations sociales des employeurs et l'information délivrée aux différents organismes sociaux. Par ailleurs, si la FEDESAP se prévaut de l'étude réalisée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le SESP soutient sans être contesté que cette étude ne prend pas en compte les structures qui réalisent de l'accueil collectif sur le lieu de travail ce qui ne permet pas une fois encore de remettre en cause la fiabilité des données sur lesquelles s'est appuyé le commissaire aux comptes. Enfin, si pour contester le nombre de salariés retenus dans la branche des entreprises de services à la personne, la FEDESAP se prévaut du temps de travail moyen constaté par la Dares rapporté à la durée légale de travail mensuel de 151,67 heures et du nombre moyen de salariés par entreprise, toutefois, il ressort de ce qui a été rappelé au point précédent du présent arrêt que le nombre de salariés n'est pas calculé en fonction de ces données mais en fonction du nombre de contrats de travail au cours du mois de décembre 2018. Par suite, en retenant un poids pour l'opposition à l'extension des accords collectifs des organisations de 44,2 % pour le SESP, de 37,38 % pour la FEDESAP, de 10,47 % pour le SYNERPA et de 7,95 % pour la FFEC, la FEDESAP n'est pas fondée à soutenir que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion aurait entaché d'erreur d'appréciation l'arrêté du 13 décembre 2021 dès lors qu'elle ne pouvait disposer d'un poids inférieur à celui du SESP au regard des effectifs déclarés par chaque organisation professionnelle et du nombre d'entreprises adhérentes à chacune d'elles.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni de demander au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion de communiquer l'ensemble des éléments utiles à la résolution du litige, en particulier la fiche de synthèse du SESP, la FEDESAP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 13 décembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en tant qu'il fixe à son article 2 le poids respectif de ces organisations pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du code du travail. Ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles liées aux frais de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération française des services à la personne et de proximité est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération française des services à la personne et de proximité, au Syndicat des entreprises de services à la personne, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, au Syndicat National des Etablissements et Résidences Privés pour Personnes Âgées et à la Fédération Française des Entreprises de Crèches.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.
La rapporteure,
A. B... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00779 2