Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Sarl Nour a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 juin 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 35 700 euros ou, à défaut, de réduire à de plus justes proportions le montant de cette contribution.
Par jugement n° 2015515/3-1 du 16 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2022, la Sarl Nour, représentée par Me Maier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015515/3-1 du 16 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 3 juin 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 35 700 euros ou, à défaut, de réduire à de plus justes proportions le montant de cette contribution.
Elle soutient que :
- elle n'a pas commis d'infraction volontairement et notamment l'infraction de travail dissimulé ;
- M. B... était en possession d'une carte d'identité italienne et pouvait ainsi travailler en France ;
- la décision attaquée méconnaît la règle " non bis in idem " compte tenu des condamnations pénales prononcées ;
- le montant de la contribution spéciale est disproportionné au regard du nombre d'heures travaillées par les deux employés concernés et de sa situation économique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par son directeur général, représenté par Me Schegin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la Sarl Nour le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole n° 7 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle routier effectué le 12 décembre 2018 à 9 h 30 à Trilbardou en Seine-et-Marne, les services de la gendarmerie ont constaté la présence de deux ressortissants tunisiens démunis d'autorisation de travail à bord d'un fourgon appartenant à la société Nour chargé de chariots et de cartons de matériaux. Par une décision du 3 juin 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a infligé à cette société la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 35 700 euros. Le recours gracieux formé le 15 juillet 2020 par la société Nour contre cette décision a été rejeté par une décision du directeur général de l'OFII du 21 juillet 2020. Par jugement n° 2015515/3-1 du 16 décembre 2021, dont la société Nour relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 3 juin 2020.
Sur la contestation du bien-fondé de la sanction :
- En ce qui concerne le principe de la contribution financière :
2. En premier lieu, l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail que la contribution spéciale a pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
3. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale.
4. Il résulte de l'instruction que les deux ressortissants tunisiens que la société Nour ne conteste pas avoir employés n'étaient en possession d'aucun titre les autorisant à exercer une activité professionnelle en France. La circonstance que M. B... était en possession d'une carte d'identité italienne ne lui donnait pas le droit, contrairement à ce que soutient la société requérante, de travailler sur le territoire français. Si la société requérante soutient qu'elle est de bonne foi, l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi d'un travailleur étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, l'élément intentionnel étant sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur qui a contrevenu à ces dispositions. Dans ces conditions, la société Nour n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis et qu'ils ne sauraient justifier la contribution spéciale mise à sa charge.
- En ce qui concerne la règle " non bis in idem " :
5. Le principe général du droit " non bis in idem " auquel se réfèrent les stipulations de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que l'impossibilité de poursuivre et condamner pénalement une personne à raison des mêmes faits ayant donné lieu à un jugement d'acquittement ou de condamnation pénale définitive. Ce principe ne fait pas obstacle à la possibilité de cumuler une sanction pénale avec une sanction administrative telle que celle en cause instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail . Par suite, la société Nour ne peut utilement se prévaloir de ce principe pour contester le bien-fondé de la contribution spéciale mise à sa charge.
- En ce qui concerne le montant des contributions financières :
6. Il résulte de l'instruction que M. B... et M. C... n'étaient pas en possession d'un titre les autorisant à exercer une activité professionnelle en France et que le premier n'était pas non plus déclaré aux services de l'URSSAF au moment du contrôle effectué le 12 décembre 2018 à 9h30. Ainsi la déclaration de ce salarié à 9h37 postérieurement au contrôle de gendarmerie ne peut être regardée comme valant régularisation rétroactive de sa situation. Compte tenu du fait que la matérialité de ces infractions est établie et que par ailleurs, il n'est ni soutenu ni établi qu'il y aurait eu un paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus aux deux salariés étrangers non autorisés à travailler mentionné à l'article R. 8252-6 du code du travail, le montant de la contribution spéciale infligée à la société Nour, n'est pas dans les circonstances de l'espèce disproportionnée et la demande de minoration de la société requérante ne peut qu'être écartée. Enfin, la société Nour ne peut utilement se prévaloir de sa situation économique difficile pour contester le montant de la contribution spéciale mise à sa charge.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nour n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 2015515/3-1 du 16 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu de condamner la société Nour par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à l'OFII la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Nour est rejetée.
Article 2 : La SARL Nour est condamnée à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Nour et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.
La rapporteure,
A. A... Le président,
F. HO SI FAT
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00763