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16/02/2023 | FRANCE | N°22PA00672

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 22PA00672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2106898/2-1 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la

charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2106898/2-1 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 14 février et 31 mars 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement n° 2106898/2-1 du 14 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la circonstance que la présence sur le territoire français de M. B..., au regard de son parcours délictuel et des faits en cause, constitue une menace pour l'ordre public et la sécurité publique ainsi qu'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. B..., il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2022, M. B..., représenté par Me Dewavrin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet de police n'est pas fondé dès lors que les faits qui ont justifié sa condamnation par le juge pénal sont anciens et que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a effectué que quatre mois de détention provisoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Millasseau, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 18 juillet 1984, est entré en France en 2006 selon ses déclarations. Le 27 janvier 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. B..., annulé cet arrêté. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que, d'une part, le tribunal a jugé que les faits pour lesquels M. B... a été condamné le 8 décembre 2016 par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis étaient anciens à la date de l'arrêté en litige et que les faits ayant donné lieu aux condamnations des 15 mars 2012 et 28 novembre 2016 étaient également relativement anciens et n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils puissent, même appréciés de manière cumulative avec la précédente condamnation, justifier la réserve d'ordre public opposée par le préfet de police à la demande de titre de séjour présentée par M. B... ; et d'autre part, qu'eu égard notamment à l'ancienneté du séjour en France de M. B..., à la circonstance qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française, née en 2011, résidant en France et sur laquelle il exerce conjointement l'autorité parentale avec sa mère, et, à la présence sur le territoire français de ses deux autres enfants, nés en 2018 et 2020 qui ont vocation à demeurer aux côtés de leur mère titulaire d'un titre de séjour en qualité d'enfant français, et à la circonstance que l'intéressé occupe depuis février 2020 un emploi en contrat à durée déterminée pour un salaire supérieur au SMIC, l'arrêté contesté du préfet de police a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Pour contester le motif d'annulation de son arrêté de refus de séjour retenu par le tribunal, le préfet de police soutient que la présence sur le territoire français de M. B..., au regard de son parcours délictuel et des faits en cause, constitue une menace pour l'ordre public. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné le 15 mars 2012 par le tribunal correctionnel de Paris à 800 euros d'amende et à une suspension de permis de conduire pendant un an pour conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique le 22 février 2011. Le 28 novembre 2016, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à un mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite d'un véhicule sans permis le 8 juin 2016 et à un mois d'emprisonnement avec sursis pour prise du nom d'un tiers pouvant déterminer l'enregistrement d'une condamnation judiciaire ou d'une décision administrative dans le système national des permis de conduire. Le 8 décembre 2016, le tribunal correctionnel de Paris l'a condamné à une peine d'un an et six mois d'emprisonnement avec sursis pour escroquerie réalisée en bande organisée, vol en réunion et détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation commis en 2010 et 2011. Ainsi, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, les faits les plus graves ont été commis par M. B... dix ans avant l'édiction de l'arrêté contesté. Ces faits anciens, même cumulés avec les faits commis en 2011 et ceux relativement récents commis en 2016 qui ont donné lieu à des condamnations pénales relativement légères, et alors que M. B... n'a plus commis d'infraction depuis 2016, année où il a reconnu sa fille de nationalité française, ne suffisent pas à caractériser la menace pour l'ordre public que sa présence en France représenterait à la date de l'arrêté contesté, ni en tout état de cause la menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française invoquée par le préfet devant la Cour. Dans ces conditions, au vu notamment de l'intensité des liens familiaux de l'intéressé en France, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en refusant à M. B... un titre de séjour, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 mars 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

La rapporteure,

V. C... Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00672 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00672
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DEWAVRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-16;22pa00672 ?
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