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16/02/2023 | FRANCE | N°21PA06165

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 21PA06165


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2021 et les 7 février et 14 septembre 2022, la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM), représentée par Me de Baecke, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n°2021-560 du 28 juillet 2021 du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) notifiée par courrier du 30 septembre 2021 reçu le 5 octobre 2021, rejetant sa candidature en catégorie D en vue d'exploiter un service de radio par voie hertzienne en mode numérique (DAB +), dans le ressort du comité

territorial de l'audiovisuel de Toulouse au titre des allotissements de " Montp...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2021 et les 7 février et 14 septembre 2022, la société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM), représentée par Me de Baecke, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision n°2021-560 du 28 juillet 2021 du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) notifiée par courrier du 30 septembre 2021 reçu le 5 octobre 2021, rejetant sa candidature en catégorie D en vue d'exploiter un service de radio par voie hertzienne en mode numérique (DAB +), dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Toulouse au titre des allotissements de " Montpellier étendu " et de " Montpellier local " ;

2°) d'enjoindre au CSA de réexaminer sa candidature dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle une fréquence est disponible, pour quelque motif que ce soit, dans la zone concernée ;

3°) de mettre à la charge du CSA le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 28 juillet 2021 qui est intervenue 22 mois après la date de clôture de réception des déclarations de candidatures est entachée d'un vice de procédure dès lors que le délai de 8 mois prévu par l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 a été méconnu ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle méconnaît, d'une part, l'intérêt du public dans la zone de " Montpellier étendu " et, d'autre part, l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en retenant deux radios musicales dont la programmation est axée sur le jazz à savoir TSF Jazz et Jazz radio dans la zone alors que les publics visés sont les mêmes et que leur programmation présente de fortes analogies au lieu de retenir une candidature d'une radio de catégorie D à vocation nationale parlée et proposant une programmation articulée autour des thématiques communautaires et de la diversité ;

- s'agissant de la zone de " Montpellier étendu ", la programmation de radio Lenga d'Oc radio multilangues dédiée à la culture occitane ne peut être qualifiée d'alternative à celle de France Maghreb 2, radio francophone ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le CSA procède à une analyse beaucoup trop restrictive de l'intérêt du public dans la zone considérée en ne prenant pas en considération les radios autorisées sur une couche métropolitaine et méconnaît ainsi, d'une part, l'intérêt du public et, d'autre part, l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en retenant dans la zone " Montpellier étendu " la radio CapSao dont la programmation est axée sur les musiques afro-latines alors que la radio Latino dont la programmation est similaire, est déjà autorisée sur une couche métropolitaine alors qu'aucune candidature d'une radio à vocation nationale parlée et proposant une programmation articulée autour des thématiques communautaires et de la diversité n'est présente dans la zone de Montpellier ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que pour son choix d'attribution dans la zone " Montpellier local ", le CSA ne prend pas en compte la liste des radios autorisées dans la zone notamment les radios privées autorisées sur une couche métropolitaine et les radios autorisées dans le cadre de la zone " Montpellier étendu " et méconnaît ainsi, d'une part, l'intérêt du public et, d'autre part, l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en retenant dans la zone " Montpellier local " la radio Crooner dont la programmation est axée sur la musique jazz alors que deux radios TSF Jazz et Jazz radio sont déjà autorisées sur la zone " Montpellier étendu " et qu'à supposer même que son programme soit plus large que celui de TSF Jazz et Jazz radio, la programmation d'artistes de variétés françaises qu'elle diffuse en plus du jazz, ne complète pas utilement l'offre radiophonique puisque ces titres sont déjà diffusés par d'autres radios présentes dans la zone ; le critère des catégories socioprofessionnelles visées par la radio Crooner n'est pas un critère prévu par l'article 29 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 et ne saurait justifier que la candidature de cette radio soit retenu au détriment de celle de la radio France Maghreb 2 ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de la zone " Montpellier local " dès lors qu'elle méconnaît, d'une part, l'intérêt du public dans la zone " Montpellier étendu " et, d'autre part, l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en retenant NRJ Montpellier et Chérie FM Montpellier alors que les radios NRJ et Chérie sont déjà autorisées sur la couche métropolitaine et que les décrochages locaux ne permettent pas de justifier que ces services soient retenus alors que leur programmation y est déjà largement représentée et que ces choix conduisent à une représentation déséquilibrée des radios locales et nationales dès lors que sont présentes dans la zone 5 radios de catégorie A, 4 radios de catégorie B, 3 radios de catégorie C et seulement 2 radios de catégorie D et aucune de catégorie E.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) venant aux droits du CSA conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Nord Sud Communication Multimédias ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le décret n° 2011-732 du 24 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les observations de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Foerster, avocat de société Nord Sud Communication Multimédias.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2019-378 du 24 juillet 2019 modifiée par une décision n°2020-311 du 1er avril 2020, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services de radio multiplexés diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique à temps complet en bande III dans le ressort notamment du comité territorial de l'audiovisuel de Toulouse pour la zone de " Montpellier étendu " et de " Montpellier local ". La société Nord Sud Communication Multimédias (NORSUCOM) a présenté sa candidature pour la diffusion par voie hertzienne en mode numérique (DAB +) d'un service de radio dénommé France Maghreb 2 en catégorie D dans les allotissements local et étendu de Montpellier. Par décision n°2021-560 du 28 juillet 2021, le CSA a rejeté sa candidature. Par la présente requête, la société NORSUCOM demande à la Cour d'annuler la décision du CSA du 28 juillet 2021 notifiée par courrier du 30 septembre 2021 reçu le 5 octobre 2021, rejetant sa candidature en catégorie D en vue d'exploiter un service de radio par voie hertzienne en mode numérique (DAB +), dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Toulouse au titre des allotissements de " Montpellier étendu " et de " Montpellier local ".

S'agissant de la décision du CSA du 28 juillet 2021 rejetant la candidature présentée par la société NORSUCOM en vue d'exploiter, sur la zone de " Montpellier étendu " et de " Montpellier local ", le service de radio de catégorie D dénommé France Maghreb 2 :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA " accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation ; 7° S'il s'agit de la délivrance d'une nouvelle autorisation après que l'autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l'article

3-1. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

En ce qui concerne l'allotissement de " Montpellier étendu " :

3. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

4. Il ressort des pièces du dossier que le CSA a autorisé, en catégorie D, les radios Capsao, Jazz Radio, Melody, Oui Fm, Radio FG, Radio Nova, Swigg et TSF Jazz et, en catégorie A, les radios associatives Radio Langa d'Oc, RCF Occitanie et Méditerranée et en catégorie E Sud Radio. Il ressort des termes de la décision du 28 juillet 2021 que pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM en catégorie D, le CSA a estimé que sa " programmation essentiellement à destination d'un public transgénérationnel, franco-maghrébin et familial, et composée d'émissions d'information, d'actualité, culturelles, confessionnelles, de débats, de services, de divertissement et de musique orientale et du Maghreb (...) sera déjà au moins en partie représentée par celle de Radio Langa d'Oc, candidat retenu en catégorie A qui se définit comme " radio du Nord de la Méditerranée " avec " une antenne multilingue et multiculturelle proposant " un vivre ensemble dans la différence " sur le territoire de la République " de sorte que France Maghreb 2 s'avère " susceptible de compléter de façon moins satisfaisante l'offre radiophonique de l'allotissement étendu de Montpellier et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public que les autres candidats retenus en catégorie D ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 que le CSA, qui doit apprécier l'intérêt de chaque projet pour le public au regard notamment de l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et qui doit veiller sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité ainsi qu'au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part, doit apprécier l'ensemble des demandes des services de radio relevant des cinq catégories de services et peut, pour ce faire, être amené à comparer les programmations de radios relevant de catégories différentes. Ainsi, le CSA pouvait comparer la programmation de la radio France Maghreb 2, de catégorie D, avec celle de Radio Langa d'Oc, de catégorie A.

6. Pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM, le CSA fait valoir que la programmation du service France Maghreb 2 serait en partie représentée par celle du service Radio Langa d'Oc dédiée à la culture occitane autorisée en catégorie A. Il ressort toutefois de la convention de cette radio que sa programmation " donne la part belle à la langue et à la culture occitane " et " se fait l'écho des dynamiques occitanes qui s'expriment dans notre société contemporaine " et que " cette démarche occitane n'est pas exclusive des autres expressions linguistiques et culturelles de notre société et la programmation d'antenne reste ouverte aux diversités de notre territoire ". Radio Langa d'Oc se définit comme " radio du Nord de la Méditerranée " avec " une antenne multilingue et multiculturelle proposant " un vivre ensemble dans la différence " sur le territoire de la République " avec pour objectif de " mettre en lien les territoires entre eux mais aussi avec ceux des cultures voisines ". Ainsi, même si la programmation d'antenne de Radio Langa d'Oc se veut multilingue, elle ne peut être comparée à celle du service France Maghreb 2 qui a une " programmation essentiellement à destination d'un public transgénérationnel, franco-maghrébin et familial, et composée d'émissions d'information, d'actualité, culturelles, confessionnelles, de débats, de services, de divertissement et de musique orientale et du Maghreb ".

7. Par ailleurs, le CSA a autorisé en catégorie D deux radios, Jazz Radio et TSF Jazz lesquelles auraient, selon lui, une programmation qui diffère à trois égards à savoir une programmation musicale plus diversifiée pour Jazz Radio, un engagement de diffuser majoritairement des titres gold pour TSF Jazz et un public cible plus large pour TSF Jazz. Toutefois, les offres de ces deux radios de jazz présentent de fortes analogies quand bien même la présence de nombreux festivals de jazz dans l'allotissement étendu de Montpellier est de nature à démontrer l'attrait du public pour ce genre de musique.

8. Enfin, le CSA a aussi autorisé, en catégorie D, la radio Capsao alors qu'était déjà présente dans la zone la radio Latina qui diffuse les mêmes genres musicaux. Si le CSA soutient que la programmation musicale de la radio Capsao est plus diversifiée en comprenant notamment du pop rock, de la dance électro et du groove rap, elle s'est engagée à diffuser 30 % de titres gold alors que la radio Latina n'a pris aucun engagement sur ce point et que cette dernière s'adresse à tous les publics alors que Capsao vise les jeunes, les jeunes adultes et les adultes, les offres de ces deux radios présentent de fortes analogies quand bien même la présence de nombreuses écoles de danses latines dans la zone serait de nature à démontrer l'attrait du public pour ce genre de musique.

9. Par suite, en écartant la candidature de France Maghreb 2 au profit, en catégorie D, des radios Capsao, Jazz Radio et TSF Jazz et, en catégorie A, Radio Langa d'Oc, le CSA a méconnu l'intérêt du public et l'impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, que la société NORSUCOM est fondée à demander l'annulation de la décision n°2021-560 du 28 juillet 2021 du CSA en tant qu'il a rejeté sa candidature en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter un service de radio en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de " Montpellier étendu ".

En ce qui concerne l'allotissement de " Montpellier local " :

En ce qui concerne la légalité externe :

11. En premier lieu, aux termes du I de l'article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La durée des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30, 30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de radio en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services. (...) ".

12. Les dispositions précitées de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prescrivent au CSA de délivrer les autorisations d'émettre dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de l'appel aux candidatures ont été introduites par l'article 42 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 afin de transposer en droit interne l'article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui a prévu un tel délai afin de favoriser un usage plus efficace de la ressource radioélectrique en évitant que des fréquences attribuables soient gelées pendant des durées excessives. Il ne résulte ni des dispositions de la directive, ni des dispositions législatives qui les ont transposées, que le dépassement du délai de huit mois entraîne la caducité de la procédure de sélection, laquelle aurait pour conséquence de retarder encore plus l'attribution des fréquences. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le moyen tiré de ce que le seul dépassement du délai de huit mois prévu par les dispositions précitées, qui n'a pas le caractère d'une garantie et dont le dépassement n'est pas en lui-même susceptible d'exercer une influence sur la décision du CSA, aurait dû entraîner la nullité de la procédure d'appel à candidatures doit être écarté.

13. La société NORSUCOM soutient que le délai de vingt-deux mois entre l'appel à candidature et la décision attaquée présente un caractère excessif et que dans le contexte sanitaire particulier dans lequel elle a été prise, l'évolution substantielle de la situation de droit et de fait est manifestement caractérisée. Toutefois, la société requérante se borne à énoncer des considérations d'ordre général sans apporter d'éléments permettant d'étayer ses affirmations. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dossiers des candidats aient connu des modifications substantielles pendant l'examen des candidatures par le CSA de sorte que le dépassement du délai n'a pas, en tout état de cause, été susceptible d'exercer une influence sur la décision du CSA et de fausser son appréciation. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le délai de vingt-deux mois entre l'appel à candidature et la décision attaquée présente un caractère excessif ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. Aux termes de l'article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui définit les conditions dans lesquelles est autorisée la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique : " Sous réserve des articles 26 et 30-7, la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique est soumise aux dispositions qui suivent lorsque ces services utilisent une même ressource radioélectrique. / I. - Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel aux candidatures. (...) Il indique les conditions dans lesquelles les déclarations de candidatures peuvent porter sur une partie des zones géographiques de l'appel. (...) / le Conseil supérieur de l'audiovisuel arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. Il peut procéder à leur audition publique. / II. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique aux éditeurs de services en appréciant l'intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l'article 29 et des critères mentionnés aux 1° à 5° du même article./ Le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde le droit d'usage aux services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique en tenant également compte de la cohérence des propositions formulées par les candidats en matière de regroupement technique et commercial avec d'autres services. Dans la limite de la disponibilité des ressources radioélectriques, il autorise en priorité les services de radio préalablement autorisés en mode analogique sur la base de l'article 29 qui sont reçus dans la même zone géographique./ (...) Les services déjà autorisés en mode analogique, conformément à l'article 29, faisant l'objet d'une autorisation d'émettre en mode numérique, à l'occasion des premiers appels à candidatures du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application des dispositions du présent article, se voient accorder une prolongation de plein droit de leurs autorisations d'émettre en mode analogique de cinq ans./ III. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique aux distributeurs de services pour la mise à disposition du public d'une offre de services de radio en appréciant l'intérêt de chaque offre de services au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l'article 29. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier du droit de priorité, le service déjà autorisé à émettre en mode analogique devra remplir les conditions relatives à l'identité de l'éditeur et du service et assurer une desserte analogique et numérique équivalente c'est-à-dire que la population desservie en mode numérique englobe la population desservie en mode analogique ou une part substantielle de celle-ci. Par ailleurs, il incombe au CSA d'exercer la compétence qu'il tient des dispositions du II de l'article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 en combinaison avec les autres missions que lui a confiées le législateur, notamment, celles d'un juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. A cette fin, lorsqu'il est saisi d'une demande d'attribution prioritaire d'une ressource radioélectrique, et a fortiori lorsqu'il a lancé un appel à candidatures, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de vérifier que l'accès prioritaire demandé ne fait pas double emploi avec une autorisation déjà accordée et ne réduira pas la ressource disponible pour les opérateurs ne relevant pas du secteur public dans une mesure qui porterait atteinte au pluralisme des programmes.

16. Pour rejeter la candidature présentée par la société NORSUCOM en catégorie D pour la zone de " Montpellier local ", le CSA a considéré que le service de radio France Maghreb 2 ne bénéficie pas de la priorité prévue à l'article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986, contrairement à Beur FM, candidat retenu en catégorie D et a une programmation déjà au moins en partie représentée par celle de la radio Beur FM, service retenu en catégorie D et qui " se situe dans un espace franco-maghrébin à partir de populations définitivement enracinées en France et s'adresse aux français d'origine arabo-berbères " et propose en complément la diffusion d'émissions sportives relatives aux grandes compétitions européennes et africaines. Le CSA a ainsi considéré que France Maghreb 2 était susceptible de compléter de façon moins satisfaisante l'offre radiophonique de la zone et d'intéresser dans une moindre mesure le public de la zone que Beur FM et Crooner Radio, candidat également retenu en catégorie D, qui propose une programmation articulée autour de la variété aux sonorités jazz, à savoir de la variété jazzy française vocale, de la variété jazzy internationale et de la variété classique. Il a, par ailleurs, retenu en catégorie C les candidatures notamment de la radio Chérie FM et de NRJ Montpellier Sète.

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la programmation de France Maghreb 2 est partiellement représentée par celle de Beur FM, candidat retenu en catégorie D, qui vise un public similaire et a une programmation proche tout en proposant en complément la diffusion d'émissions sportives relatives aux grandes compétitions européennes et africaines et remplit, en outre, les conditions précitées de l'article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 lui permettant de bénéficier d'un droit de priorité. En écartant la candidature de France Maghreb 2 au profit de celle de Beur FM, le CSA n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation.

18. D'autre part, la société requérante soutient que la décision du 28 juillet 2021 du CSA en tant qu'il a rejeté sa candidature en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter un service de radio en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de " Montpellier local " est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle méconnaît, d'une part, l'intérêt du public dans la zone de " Montpellier étendu " et, d'autre part, l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en retenant NRJ Montpellier et Chérie FM Montpellier. Toutefois les radios NRJ Montpellier et Chérie FM Montpellier remplissent les conditions précitées de l'article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 leur permettant de bénéficier d'un droit de priorité dès lors qu'elles sont autorisées à exploiter ce service par voie hertzienne en modulation de fréquence dans les zones de Montpellier et de Sète en couvrant à ce titre une part substantielle de la population de l'allotissement local de Montpellier respectivement à 98,36 % et à 97,45 %. Par suite, en retenant ces deux candidatures, le CSA n'a pas entaché ladite décision d'une erreur d'appréciation.

19. Enfin, en retenant dans la zone " Montpellier local " la radio Crooner dont la programmation est axée sur la musique jazz alors que deux radios TSF Jazz et Jazz radio sont déjà autorisées sur la zone " Montpellier étendu ", le CSA n'a pas entaché d'une erreur d'appréciation sa décision du 28 juillet 2021 dès lors que le service proposé par Crooner Radio a une programmation plus diversifiée que les deux radios de jazz précitées en proposant de la variété aux sonorités jazz ainsi que des chanteurs de variétés, la diffusion de titres gold des décennies 1960 à 2000 dans une proportion de 50 à 70 % et un cœur de cible différent à travers les catégories socioprofessionnelles visées par la radio Crooner, critère seulement pris en compte parmi d'autres lors de l'appréciation comparée du contenu des offres de service proposées sans méconnaître l'article 29 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société NORSUCOM n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision n° 2021-560 du 28 juillet 2021 du CSA en tant qu'il a rejeté sa candidature en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter un service de radio en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de " Montpellier local ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. A la suite de l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'un refus d'autorisation d'exploiter un service radiophonique, l'ARCOM doit statuer à nouveau sur la demande d'autorisation au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle elle se prononce. Si l'une des fréquences sur lesquelles portait l'appel à candidatures dans le cadre duquel le refus annulé était intervenu est alors disponible, il lui appartient de se prononcer sur l'attribution de cette fréquence à l'issue d'un nouvel examen du projet du candidat illégalement évincé et de ceux des autres candidats qui avaient répondu à cet appel dans la zone concernée et n'avaient pas obtenu d'autorisation, après les avoir invités à confirmer leurs candidatures. S'il apparaît qu'une fréquence autre que celles ayant fait l'objet de l'appel à candidatures est disponible, il appartient à l'ARCOM de lancer un nouvel appel à candidatures dans le cadre duquel le candidat illégalement évincé est candidat de plein droit. En l'absence, à la date à laquelle il doit statuer à nouveau sur la demande d'autorisation, de toute fréquence disponible, il ne peut que la rejeter.

22. L'exécution du présent arrêt implique que l'ARCOM réexamine la candidature de la société NORSUCOM, qui sera alors candidate de plein droit, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle une fréquence est disponible, pour quelque motif que ce soit, dans la zone de " Montpellier étendu ".

Sur les frais liés à l'instance :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ARCOM, qui a la qualité de partie perdante à l'instance, le versement de la somme de 2 000 euros à la société NORSUCOM au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision n°2021-560 du 28 juillet 2021 du CSA en tant qu'il a rejeté la candidature de la société Nord Sud Communication Multimédias en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter un service de radio en catégorie D diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé France Maghreb 2 dans la zone de " Montpellier étendu " est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de réexaminer la candidature de la société NORSUCOM, qui sera alors candidate de plein droit, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle une fréquence est disponible, pour quelque motif que ce soit, dans la zone de " Montpellier étendu ".

Article 3 : L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique versera à la société Nord Sud Communication Multimédias la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Nord Sud Communication Multimédias est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Sud Communication Multimédias et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

A. A... Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA06165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06165
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-16;21pa06165 ?
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