Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. A... D... et Mme B... G... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 19 avril 2021 par lesquels le préfet de police leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°s 2120817/2-2, 2120819/2-2 du 28 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes, après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2022 et le 22 décembre 2022 sous le numéro 22PA03008, M. D..., représenté par Me Gonidec, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n°s 2120817/2-2, 2120819/2-2 du 28 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement combiné des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa demande ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 et de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2022 et le 22 décembre 2022 sous le numéro 22PA03507, Mme G... épouse D..., représentée par Me Gonidec, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n°s 2120817/2-2, 2120819/2-2 du 28 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement combiné des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa demande ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 et de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme G... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les observations de Me David, avocate de M. et Mme D....
Deux notes en délibéré présentées pour Mme G... épouse D... et
M. D... ont été enregistrées le 27 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme G... épouse D..., ressortissants algériens nés respectivement le 19 avril 1978 et le 21 mai 1985, entrés en France le 4 avril 2019 selon leurs déclarations, ont chacun sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant que parents d'enfant malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par deux arrêtés du 19 avril 2021, le préfet de police a refusé leur admission au séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... et Mme G... épouse D... font appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 22PA03008 et 22PA03507 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont tous deux été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022. Par suite, leurs conclusions tendant à leur admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sont objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, les arrêtés litigieux du 19 avril 2021 ont été signés par Mme E... C..., attachée d'administration de l'Etat, qui bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature du préfet de police en vertu d'un arrêté du 31 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, les arrêtés attaqués, qui visent notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, mentionne également les éléments de la situation personnelle et familiale de M. et Mme D.... Ils contiennent ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de police pour rejeter leur admission au séjour. En application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle portant refus d'admission au séjour lorsqu'elle est prise concomitamment à celle-ci et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé, ainsi que c'est le cas en l'espèce, d'autre mention particulière que le rappel des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir un refus d'admission au séjour d'une obligation de quitter le territoire français et qui sont visées dans l'arrêté litigieux. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme D... au regard de leur droit au séjour avant de prendre les décisions attaquées. Par suite, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et de l'absence d'examen particulier doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. " Si ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour afin de leur permettre d'accompagner leur enfant malade.
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. Il ressort des arrêtés attaqués que, pour refuser la demande présentée par M. et Mme D... en leur qualité de parents d'enfant malade, qui a été examinée à titre discrétionnaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 3 mars 2021 par le collège de médecins de l'OFII. Selon cet avis, si l'état de santé de la fille de M. et Mme D..., née le 17 mai 2014, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester cette appréciation relative à la situation de leur fille, qui souffre de polyhandicap en rapport avec le syndrome de Rett, les requérants versent des comptes rendus médicaux ainsi que deux attestations du 23 juin 2020 et du 3 décembre 2020, rédigées en des termes identiques, émanant d'une responsable de la Fondation Saint Jean de Dieu, qui affirme, de manière non circonstanciée, que l'ensemble des soins ne pourrait pas être mis en place dans le pays d'origine, au demeurant non cité, de leur fille. Par suite, les pièces produites ne peuvent remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité du traitement en Algérie. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "
10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont entrés en France en avril 2019, à l'âge de, respectivement 41 et 34 ans, qu'ils sont tous deux en situation irrégulière, et que, si M. D... exerce un emploi en contrat indéterminé à temps partiel depuis août 2019, la famille est hébergée dans des structures d'hébergement social. Eu égard à leur âge et à la brièveté de leur séjour en France, la circonstance que leurs deux enfants aînés, nés en 2007 et 2011, sont scolarisés en France depuis 2019 ne fait pas obstacle à ce qu'ils poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine ni à ce que la cellule familiale, incluant leurs sœurs jumelles nées le 15 avril 2021 en France, soit reconstituée dans leur pays d'origine, pas plus que la circonstance que leur fils né en 2011 soit atteint d'autisme. Dans ces conditions, les arrêtés attaqués n'ont pas porté atteinte au droit de M. et Mme D... au respect de leur vie privée et familiale et, par suite, ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation.
11. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la requérante ne saurait se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme G... épouse D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 avril 2021 du préfet de police. Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. D... et Mme G... épouse D... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission à titre provisoire à l'aide juridictionnelle de M. D... et Mme G... épouse D....
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. D... et Mme G... épouse D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... G... épouse D..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.
Le rapporteur,
A. F...Le président,
C. JARDIN
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03008, 22PA03507