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14/02/2023 | FRANCE | N°22PA00372

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 février 2023, 22PA00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) de Montreuil à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de son maintien illégal dans une situation de précarité.

Par un jugement n° 1908523 du 24 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, Mme A..., re

présentée par Me Pitti-Ferrandi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) de Montreuil à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de son maintien illégal dans une situation de précarité.

Par un jugement n° 1908523 du 24 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Pitti-Ferrandi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de condamner le CCAS de Montreuil à lui verser la somme de 30 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Montreuil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en cas d'attribution de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de signature ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas été maintenue illégalement dans une situation précaire ;

- elle a droit à la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, le CCAS de Montreuil, représenté par Me Boulay, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... sont infondés.

Mme A... a produit une pièce complémentaire le 20 décembre 2022.

Par une ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2023 à 12 heures.

Par une décision du 11 avril 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle partielle à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 13 juillet 2009 par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Montreuil en qualité d'agent social de 2ième classe pour exercer les fonctions d'aide à domicile dans le cadre de vacations horaires entre le 1er juillet 2009 et le

1er janvier 2012. Elle a ensuite bénéficié à compter de janvier 2012 de contrats à durée déterminée d'une durée d'un an en qualité d'agent contractuel sur un temps non complet, renouvelés chaque année, jusqu'au dernier en date du 9 novembre 2017, portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2018. A la suite du refus de renouvellement de son dernier contrat, l'intéressée a recherché la responsabilité de son employeur en vue de la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du recours abusif par ce dernier à des contrats à durée déterminée et de son maintien dans une situation de précarité. Mme A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation du CCAS de Montreuil à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de son maintien illégal dans une situation de précarité. Par un jugement du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas signé. Toutefois, la minute du jugement est dûment signée, étant précisé que la copie de ce jugement transmise à la requérante ne devait pas obligatoirement être signée. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale susvisée : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé de maternité ou pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. (...). ".

4. Aux termes de l'article 3-2 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. (...). Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. ".

5. Les dispositions de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du

28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux Etats membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'Etat membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs.

6. Le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Toutefois, si l'existence d'une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances, dans lesquelles les contrats ont été renouvelés, ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus. Un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

7. Mme A... soutient que le renouvellement de ses contrats à durée déterminée doit être regardé comme abusif, ainsi qu'il a été dit au point 1. L'intéressée qui a commencé par exercer des vacations horaires de courte durée entre le 1er juillet 2009 et le 1er janvier 2012 pour des remplacements d'agent absents en raison de congés, s'est vu ensuite proposer des contrats à durée déterminée d'une durée d'un an en qualité d'agent contractuel sur un temps non complet, sur le fondement des dispositions des articles 3-1 et 3-2 de la loi du 26 janvier 1984.

8. Il résulte des écritures du CCAS et du tableau des effectifs pour les années 2008 à 2018, joint au mémoire en défense, que l'ensemble des emplois d'agent social de 2eme classe étaient pourvus et que le recrutement récurrent de la requérante depuis 2012 était justifié par le remplacement des agents titulaires essentiellement lors de leur congés de maladie. Si le moyen tiré de la violation de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 est donc inopérant, le CCAS ne justifie pas, en l'état du dossier, l'ampleur des congés de maladie des agents titulaires sur une période de six ans de nature à justifier le recrutement de Mme A... pour un poste de contractuel " pour le remplacement d'agents titulaires " à temps non complet mais qui, compte tenu des heures complémentaires effectuées chaque année, correspondait à l'équivalent d'un temps plein. Mme A... est donc fondée à soutenir que le CCAS de Montreuil a recouru abusivement à des contrats à durée déterminée.

9. Si Mme A... ne peut par ailleurs utilement faire valoir, pour caractériser un agissement fautif du CCAS de Montreuil, la circonstance qu'elle a été, postérieurement au refus de renouvellement de son contrat, recrutée en tant qu'animatrice dans le cadre de vacation par la Caisse des Ecoles, qui est un employeur distinct du défendeur, elle est fondée à soutenir que ce dernier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A... du fait de la faute susvisée en condamnant le CCAS de Montreuil à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation desdits préjudices.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en ce qui concerne ses conclusions indemnitaires à hauteur de 2 000 euros. Le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté.

Sur les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que Mme A..., qui est pour l'essentiel la partie gagnante dans la présente instance, verse une somme au titre des frais exposés par le CCAS de Montreuil et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Pitti-Ferrandi renonce à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre communal d'action sociale de la commune de Montreuil est condamné à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1908523 du 24 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale de la commune de Montreuil versera la somme de 1 500 euros à Me Pitti-Ferrandi au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de la commune de Montreuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre communal d'action sociale de la commune de Montreuil.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet de la Seine Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00372
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : PITTI-FERRANDI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;22pa00372 ?
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