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14/02/2023 | FRANCE | N°21PA06533

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 21PA06533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Société moderne d'artisanat a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1922614/1-2 du 19 oc

tobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des rappels de taxe su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Société moderne d'artisanat a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1922614/1-2 du 19 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à hauteur de 13 475,79 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et de 15 456,14 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2021 et le 22 juillet 2022, la SARL Société moderne d'artisanat, représentée par Me Genieys de Giacomo, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1922614/1-2 du 19 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.

Elle soutient que :

- l'absence de son gérant lors du contrôle a été justifiée et ne résulte pas d'une volonté de se soustraire à la vérification de comptabilité ;

- les recettes correspondant à une facture adressée à la société LKZ ne doivent pas être prises en compte ;

- la créance de 79 000 euros n'était pas acquise en raison de la persistance de litiges avec le client ;

- le taux de charge de 70 % du chiffre d'affaires retenu par le service est insuffisant, un taux de 85 % étant approprié ;

- la taxe sur la valeur ajoutée déductible doit être augmentée des montants correspondant aux 14 factures produites ;

- le Tribunal n'a pas tenu compte de ses arguments tendant à la décharge de la majoration de 100 % visée à l'article 1732 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Société moderne d'artisanat (SMA) exerce une activité de travaux de bâtiment. A la suite de la vérification de sa comptabilité, conclue par une proposition de rectification du 31 juillet 2014 notifiée selon la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été assignés à la société SMA au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Par un jugement du 19 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 13 475,79 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et de 15 456,14 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. La société SMA fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, en droits et pénalités.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société SMA soutient que les premiers juges n'ont pas tenu compte des arguments développés au soutien de sa contestation de la majoration de 100 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1732 du code général des impôts, il ressort du point 12 du jugement attaqué que le Tribunal a mentionné les " nombreux problèmes personnels " du gérant invoqués par la société et a indiqué qu'à supposer cette circonstance établie malgré l'absence de pièce en justifiant, elle relevait de la seule juridiction gracieuse. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la régularité de la procédure :

3. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. "

4. Si la société doit être regardée comme contestant la régularité de la procédure d'évaluation dont elle a fait l'objet sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, en faisant valoir que l'absence de son gérant lors de son contrôle a été justifiée, il n'est pas contesté que le service a adressé à la SARL SMA un avis de vérification du 14 janvier 2014, réceptionné le 17 janvier suivant, indiquant une première intervention du vérificateur le 7 février 2014 au siège social de l'entreprise, que ce jour-là son représentant légal était absent et le service lui a adressé une lettre de mise en garde, réceptionnée le 11 février suivant par la société, et le 12 février par le gérant à son domicile, par laquelle le vérificateur annonçait qu'il se présenterait de nouveau le 28 février 2014, date à laquelle le représentant légal de la société n'était toujours pas présent et le service a dressé un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal. Par suite, et alors que l'absence du gérant n'est justifiée par aucune pièce, le service a pu à bon droit considérer que le contrôle fiscal ne pouvait avoir lieu du fait du contribuable et mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. En vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que les bases imposables de la société requérante ont régulièrement été évaluées d'office, elle supporte la charge de prouver l'exagération des impositions litigieuses.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. "

7. En premier lieu, la société soutient que ne doit pas être retenu comme une recette imposable le montant de 53 295 euros hors taxe correspondant à une facture d'août 2011 qu'elle aurait, d'après l'administration, adressée à la société LKZ. Si l'administration fait valoir en défense que cette facture " n'a pas servi à asseoir les rectifications maintenues ", il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification du 31 juillet 2014, notamment son annexe 3, ainsi que de la mention de cette facture en tant que produit imposable page 24 de la proposition, que la somme correspondante a été prise en compte dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 s'élevant à 451 106,62 euros. Dès lors que la société soutient qu'elle n'a jamais adressé une telle facture à la société LKZ, et que l'administration indique que cette somme ne doit pas entrer dans la base imposable, la société requérante est fondée à demander à ce que les produits entrant dans la détermination de la base imposable à l'impôt sur les sociétés soient réduits à concurrence de cette somme, prise en totalité, aucune charge n'ayant été déduite à proportion des résultats rectifiés.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le service n'a retenu le montant figurant sur la facture de 109 625,05 euros du 5 août 2011 adressée à M. A... qu'à hauteur de 79 000 euros toutes taxes comprises en conséquence du jugement du Tribunal de grande instance du 18 décembre 2014. Si la société requérante soutient que cette créance n'était pas acquise en raison de la persistance de litiges avec le client, d'une part, il est constant que la prestation de services correspondant à la facture avait été achevée au cours de l'exercice clos en 2011, d'autre part, et en tout état de cause, elle ne verse aucun élément relatif à la suite de la procédure judiciaire qu'elle invoque au soutien de son moyen. L'administration était, par suite, fondée à imposer la somme en cause.

9. Enfin, si la société soutient que le taux de charge retenu par le service au terme du contrôle, au titre du réalisme économique en l'absence de toute pièce, s'élevant à 70 % du chiffre d'affaires déclaré, est insuffisant et devrait être porté à 85 %, elle n'en justifie pas en se bornant à se référer aux conditions dans lesquelles elle a réalisé un chantier à l'origine d'un litige et aux données de l'INSEE relatives aux ratios de la construction par activité.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

10. Si la société requérante produit pour la première fois en appel huit factures à son nom au titre de 2011 et six au titre de 2012, présentées comme émanant de prestataires sous-traitants, pour lesquelles elle demande à ce que soit déduite la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, elle ne justifie pas de leur paiement en se bornant à produire, pour chacune d'entre elles, des talons de chèque, sans établir que les sommes correspondantes auraient été débitées de ses comptes.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Société moderne d'artisanat est seulement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 à raison de la facture LKZ du 5 août 2011, et pour le surplus, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par la SARL Société moderne d'artisanat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les produits entrant dans la détermination de la base imposable à l'impôt sur les sociétés de la SARL Société moderne d'artisanat au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 sont réduits d'un montant de 53 295 euros.

Article 2 : La SARL Société moderne d'artisanat est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, à concurrence de la réduction de sa base imposable prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1922614/1-2 du 19 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire aux article 1er et 2.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Société moderne d'artisanat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société moderne d'artisanat et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

C. JARDINLa greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06533 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06533
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SELARL G et G AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;21pa06533 ?
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