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01/02/2023 | FRANCE | N°22PA05213

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 01 février 2023, 22PA05213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 18 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a retiré son habilitation secret-défense ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre avant-dire droit à l'autorité administrative de communiquer l'ensemble des éléments et documents à l'origine de ce retrait d'habilitation et, en particulier, le rapport d'enquête de sécurité, le cas échéant après saisine de la commission du secret de la défense nationale

aux fins de déclassification, d'autre part, à titre accessoire, d'enjoindre à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 18 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a retiré son habilitation secret-défense ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre avant-dire droit à l'autorité administrative de communiquer l'ensemble des éléments et documents à l'origine de ce retrait d'habilitation et, en particulier, le rapport d'enquête de sécurité, le cas échéant après saisine de la commission du secret de la défense nationale aux fins de déclassification, d'autre part, à titre accessoire, d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer cette habilitation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2118324 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé la décision du 18 juin 2021 du ministre de l'intérieur, lui a enjoint de délivrer à M. B... une habilitation secret-défense dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des

outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Il soutient que :

- les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'il invoque à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2022, dont il a fait appel, sont sérieux et de nature à justifier, outre son annulation, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du 18 juin 2021 était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que, pour retirer à M. B... son habilitation secret-défense, il s'est fondé sur un certain nombre d'éléments confidentiels dont une partie est révélée par la note des services de renseignement produite en première instance faisant état des relations directes, non fortuites et régulières de l'intéressé avec des membres de services de renseignement étrangers depuis plusieurs années et de ce qu'il a fait preuve de dissimulation en niant toute attache avec des structures susceptibles d'abriter l'activité de services de renseignement étrangers et a également occulté les liens qui le relient aux membres de ces services, en n'apportant aucun élément justifiant l'existence de ces contacts ; ces informations, qui témoignent d'un manque de loyauté de l'intéressé envers sa hiérarchie, qui impliquent nécessairement une perte de confiance de celle-ci à son endroit, dans un domaine particulièrement sensible, qui sont également de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service central du renseignement territorial (SCRT) et qui constituent un signe de vulnérabilité rédhibitoire, sont de nature à justifier le retrait d'habilitation contesté ; en outre, une note des services de renseignement du 13 octobre 2022 complète et précise, dans la limite de ce que permettent les contraintes opérationnelles pesant sur ces services, les éléments contenus dans la précédente note du 29 septembre 2021 produite devant le tribunal administratif ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par M. B..., il s'en réfère à ses écritures de première instance ;

- au surplus, l'injonction prononcée par le tribunal administratif le contraint à délivrer à M. B... une habilitation secret-défense alors que rien ne permet de présumer que l'intéressé a toujours besoin d'une telle habilitation pour exercer son activité professionnelle et que le niveau d'habilitation " très secret ", comme le niveau " secret-défense " qu'il remplace, permet à la personne habilitée de connaître d'informations et de supports dont la divulgation ou auxquels l'accès peut avoir des conséquences exceptionnellement graves pour la défense et la sécurité nationale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Maumont, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'apparaissent pas sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de ses conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

- en estimant qu'il n'avait le choix qu'entre l'habilitation ou le refus d'habilitation, le ministre a commis une erreur de droit ;

- le ministre ne démontre pas l'existence d'un risque à exécuter le jugement attaqué.

Vu :

- la requête n° 2205083 du ministre de l'intérieur et des outre-mer tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maumont, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 22 mai 1983, brigadier de police et affecté au service central du renseignement territorial, a été habilité à connaître d'informations classifiées au titre du secret de la défense nationale, au niveau " secret-défense ", par décision du 7 janvier 2011, renouvelée le 16 février 2015 jusqu'au 30 janvier 2022. Par une décision du 18 juin 2021, le ministre de l'intérieur lui a retiré cette habilitation. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du 18 juin 2021 et lui a enjoint de délivrer à

M. B... une habilitation secret-défense dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

3. Le moyen invoqué par le ministre de l'intérieur et des outre-mer et tiré de ce que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du 18 juin 2021 retirant à M. B... son habilitation secret-défense était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de la décision juridictionnelle attaquée. Par ailleurs, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la décision en litige et tirés du défaut de motivation, d'un vice de procédure, faute de communication de l'avis de sécurité comportant les motifs de la décision, de l'erreur de droit, l'autorité ministérielle n'ayant pas envisagé une procédure de mise en garde ou de mise en éveil, de l'erreur de fait et du détournement de pouvoir, n'apparaissent pas, en revanche, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer l'annulation prononcée par les premiers juges. Il en résulte qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'intérieur et des outre-mer tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête n° 2205083 présentée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre le jugement n° 2118324 du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris, il sera sursis à l'exécution des articles 1er à 3 de ce jugement.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- M. d'Haëm, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2023.

Le rapporteur,

R. d'HAËMLa présidente,

M. A...

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05213 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05213
Date de la décision : 01/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-01;22pa05213 ?
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