Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'arrêté du même jour par lequel il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois.
Par un jugement n° 2100319 du 24 février 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés du 6 janvier 2021 du préfet de police.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, M. B..., représenté par Me Visscher, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100319 du 24 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 janvier 2021 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à venir et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour, sous astreinte de 15 euros par jour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a méconnu l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet de police a méconnu l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet de police a méconnu le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a méconnu le principe de proportionnalité ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 28 avril 2021.
Par ordonnance du 12 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au
15 novembre 2021 à 12h.
Un mémoire a été enregistré le 9 janvier 2023 pour M. B... après la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, née le 8 novembre 2000 à Koumassi-Abidjan (Côte d'Ivoire) et entré en France le 14 avril 2014 selon ses déclarations, a sollicité le 19 juin 2019 son admission au séjour au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, il a été invité le 2 octobre 2020 à compléter son dossier mais cette demande est restée sans réponse. Sa demande a été classée sans suite pour incomplétude du dossier. Interpellé le 5 janvier 2021, M. B... a fait l'objet le 6 janvier 2021 d'un arrêté du préfet de police qui l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. M. B... relève appel du jugement du 24 février 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens développés en première instance tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai a été prise par une autorité incompétente et est insuffisamment motivée. Cependant, il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du
droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un
étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à
l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas
membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se
trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur
le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) /
4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou
pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre (...) ".
4. M. B... ne justifie ni être entré régulièrement en France, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et la demande de titre de séjour qu'il avait déposée le 19 juin 2019 a été classée sans suite le 26 octobre 2020. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de police a méconnu les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. Le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige dispose : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à
l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France,
sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de
garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents
d'identité ou de voyage en cours de validité (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et
permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est rendu coupable de vol en réunion.
Il s'est en outre maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre
de séjour et ne justifie ni de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ni d'une
résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces
circonstances, le préfet de police a pu, sur ces motifs, regarder comme établi, au regard du 1° et du
b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du
droit d'asile, le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prise à son
encontre et lui refuser un délai de départ volontaire. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public et de la violation du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans enfant et ne justifie par d'attaches personnelles ou familiales sur le territoire français. Ses parents et sa fratrie vivent en Côte d'Ivoire. En France, M. B... n'a développé aucun projet professionnel et est connu des services de police pour des faits d'outrage et de tentative de vol en réunion. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme justifiant d'une intégration dans la société française. Par suite, et eu égard au motif qui la fonde, la décision contestée n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par le préfet de police et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. Pour les mêmes motifs la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Enfin, dès lors que M. B... n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui lui a été opposée est illégale, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français ne peuvent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français comme le soutient le requérant.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. La décision en litige a été prise par une autorité compétente ainsi qu'il a été dit au point 2.
12. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dispose que : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées (...) ".
13. Pour soutenir que le préfet de police a méconnu ces dispositions en prenant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, M. B... fait valoir que son jeune âge lors de son arrivée, l'ancienneté de sa résidence en France, sa scolarité et sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et son parcours en France constituent des circonstances humanitaires qui s'opposent à ce qu'il puisse être interdit de retour sur le territoire français. Eu égard aux circonstances invoquées au point 8 et dont il résulte que M. B... ne saurait se prévaloir d'attaches privées d'une intensité particulière en France alors qu'il s'y est maintenu irrégulièrement après sa majorité, la seule circonstance qu'il soit arrivé sur le territoire français en tant que mineur isolé et qu'il ait pu alors bénéficier de la protection du service de l'aide sociale à l'enfance et du droit de séjourner en France jusqu'à sa majorité prévus par la loi, alors qu'il n'a ensuite développé aucun projet professionnel et a été connu des services de police pour des faits d'outrage et de tentative de vol en réunion, ne peut être considérée comme constitutive de circonstances humanitaires susceptibles de justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas, en prenant sa décision, commis d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En dernier lieu, compte tenu des éléments exposés au point 8 du présent arrêt, le requérant n'est fondé à se prévaloir ni de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni du principe de proportionnalité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.
Le rapporteur,
F. HO SI A...
Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02924