Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 924,53 euros et celle de 5 000 euros en réparation de la perte du bénéfice des aides sociales, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de l'illégalité fautive du refus opposé par le préfet du Val-de-Marne le 5 septembre 2017 à sa demande de renouvellement de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2002041/5 du 7 octobre 2021, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à lui verser a somme de 24 400,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019 augmentée de la capitalisation des intérêts.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2021 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 24 400,97 euros ;
2°) de faire droit à la demande présentée par M. A... devant ce tribunal à hauteur de 1 500 euros au titre du préjudice moral et de rejeter le surplus de cette demande.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser 5 000 euros au titre de l'aide au logement, 15 889,38 euros au titre de l'allocation adulte handicapé et 2 011,59 euros au titre de la majoration pour la vie autonome, dès lors que M. A... aurait pu faire valoir ses droits directement auprès des organismes de sécurité sociale, en l'absence de prescription opposable à la date de délivrance du récépissé le 12 avril 2019 en application de l'article L. 821-5 du code de la sécurité sociale ;
- l'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 1 500 euros est justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, M. A..., représenté par Me Morosoli, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 18 mars 2022.
Par une ordonnance du 25 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée le 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1942, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire pour raisons médicales valable du 8 avril 2014 au 7 avril 2015. Ce titre a été renouvelé jusqu'au 22 décembre 2016 puis sa validité a été prolongée par voie de récépissé jusqu'au 22 mars 2017. Par un arrêté du 5 septembre 2017, le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler le titre de séjour, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1708727 du 27 décembre 2018 devenu définitif, le Tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions. Le préfet du Val-de-Marne a alors délivré à l'intéressé un récépissé de demande de titre de séjour le 12 avril 2019, puis un titre de séjour valable jusqu'au 22 avril 2020. Par une réclamation préalable adressée le 23 décembre 2019 au préfet du Val-de-Marne, M. A... a sollicité, en vain, l'indemnisation des préjudices subis au cours de la période du 23 mars 2017 au 12 avril 2019. Le Tribunal administratif de Melun par un jugement du 7 octobre 2021, dont la préfète du Val-de-Marne relève appel, a fait droit à la demande d'indemnisation présentée par M. A... sur la période du 5 septembre 2017 au 12 avril 2019 à hauteur de 22 900,97 euros en réparation du préjudice économique et de 1 500 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de la faute commise par l'Etat qui a refusé de renouveler son titre de séjour, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 351-2-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : " L'aide personnalisée au logement est attribuée dans les conditions fixées par le présent titre aux personnes de nationalité française et aux personnes de nationalité étrangère dans les conditions prévues par les deux premiers alinéas de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. / Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation (...) ". Aux termes de l'article D. 512-1 du même code, auquel renvoie l'article R. 823-2 du code de la construction et de l'habitation : " L'étranger qui demande à bénéficier de prestations familiales justifie la régularité de son séjour par la production d'un des titres de séjour ou documents suivants en cours de validité : (...)2° Carte de séjour temporaire (...) 4° Récépissé de demande de renouvellement de l'un des titres ci-dessus (...) ". Aux termes de l'article L. 821-1-2 du même code : " Une majoration pour la vie autonome dont le montant est fixé par décret est versée aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés au titre de l'article L. 821-1 qui : / -disposent d'un logement indépendant pour lequel ils reçoivent une aide personnelle au logement (...) ". Aux termes de l'article de l'article L. 821-5 de ce code : " L'action de l'allocataire pour le paiement de l'allocation se prescrit par deux ans ".
3. En l'espèce, il est constant que l'illégalité fautive de l'arrêté du 5 septembre 2017 était de nature à engager la responsabilité de l'Etat entre le 5 septembre 2017 et le 11 avril 2019. L'administration ne conteste pas que M. A... a été indûment privé sur cette période de la somme totale de 22 900,97 euros correspondant à l'aide personnalisée au logement, à l'allocation aux adultes handicapés et à la majoration pour la vie autonome. Contrairement à ce que soutient le préfet, la délivrance d'un récépissé de titre de séjour le 12 avril 2019, qui n'avait pas pour effet de régulariser le séjour de M. A... à titre rétroactif, ne permettait pas à l'intéressé de réclamer rétroactivement le paiement de ces allocations auprès des organismes de sécurité sociale dès lors que, dépourvu de récépissé de demande de titre de séjour ou de carte de séjour temporaire valide sur la période en cause, il ne remplissait pas l'une des conditions prévues par l'article D 521-1 du code de sécurité sociale pour y prétendre. Par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a alloué la somme totale de 22 900,97 euros à M. A... en réparation de son préjudice économique.
4. En second lieu, le préfet du Val-de-Marne reconnaît dans ses écritures que la somme de 1 500 euros est de nature à indemniser M. A... de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a alloué à M. A... la somme de 24 400,97 euros augmentée des intérêts à compter du 23 novembre 2019, date de réception de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 décembre 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Morosoli la somme qu'il réclame sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Val-de-Marne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Me Morosoli au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Val-de-Marne, à M. C... A... et à Me Morosoli.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.
Le rapporteur,
Signé
E. B...Le président,
Signé
I. BROTONS
Le greffier,
Signé
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA06297