Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société anonyme à responsabilité limité (SARL) Hair Bayen a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, ainsi que des amendes et pénalités afférentes.
Par un jugement n° 1923550 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la SARL Hair Bayen.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistrés les 22 décembre 2021 et 7 avril 2022, la SARL Hair Bayen, représentée par Me Obadia, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923550 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle est assujettie au titre des années 2012 et 2015, ainsi que des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée, auxquelles elle a été assujettie du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015 et des amendes et pénalités afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne l'a pas informée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaire, en violation des articles L. 59 et L. 10 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a également violé les articles L. 57 et L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait opposer les prétendues anomalies dans le fonctionnement du logiciel de recettes Marlix pour rejeter sa comptabilité ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'utilisation du logiciel Image.Exe qui supprimerait des fiches recettes ;
- la reconstitution de recettes ne pouvait pas se baser sur les taux d'espèces de septembre 2014 et août 2015 ;
- la méthode de reconstitution initialement suivie par l'administration est radicalement viciée ;
- les achats de textiles, de produits cosmétiques et les frais kilométriques ont bien été engagés dans l'intérêt de la société ;
- les dépenses de voyages et les achats de nourriture ont également été engagés dans l'intérêt de la société ;
- l'amende pour honoraires non déclarés n'est pas due, dès lors que cet oubli a été régularisé ;
- les pénalités pour manœuvre frauduleuses ne sont pas dues en l'absence de preuve de fraude ;
- l'imputation de charges non déductible ne constitue pas un manquement délibéré.
Par des mémoires enregistrés le 24 janvier et 21 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 22 décembre 2021, 7 avril, 14 juin et 5 juillet 2022, la SARL Hair Bayen, représentée par Me Obadia avocat, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1923550 en date du 19 octobre 2022 prononcé par le tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que :
- la requête tendant à l'annulation du jugement est assortie de moyens sérieux ;
- la société subie une importante baisse de chiffre d'affaires compte tenu de la crise sanitaire et l'exécution du jugement la soumet à des conséquences difficilement réparables.
Par des mémoires enregistrés les 20 janvier, 20 avril, 15 juin et 11 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations présentées par Me Gaspar, substituant Me Obadia, pour la
SARL Hair Bayen.
Une note en délibéré, enregistrée le 9 janvier 2023, a été présentée pour la SARL Hair Bayen par Me Obadia.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Hair Bayen, qui exploite un salon de coiffure, a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. En cours de contrôle, l'administration a estimé que la comptabilité recette de la société n'était pas probante et a adressé à la société des propositions de redressement à l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. La société Hair Bayen demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre ces impositions supplémentaires, ainsi que la décharge desdites impositions.
2. Les requêtes nos 21PA06566 et 21PA06567, présentées par la SARL Hair Bayen et dirigées contre le même jugement présentent entre elles un lien de connexité et elles doivent faire l'objet d'une même décision.
3. Le présent arrêt statuant sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1923550, en date du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
4. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SARL Hair Bayen ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché de dénaturation des faits ou d'erreur de droit pour en obtenir l'annulation.
Sur la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code ". Aux termes de l'article L. 10 de ce même livre : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 57, L. 59, R. 57-1 et R. 59-1 du livre des procédures fiscales qu'en cas de maintien du désaccord entre l'administration et le contribuable après la production par ce dernier d'observations dans le délai d'un mois suivant la proposition de rectification, le contribuable dispose d'un nouveau délai de trente jours pour demander que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par ailleurs, si, en vertu de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, l'administration soumet, d'office ou à la demande du contribuable, le litige à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsqu'un désaccord persiste, il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre du même livre, que l'administration aurait l'obligation d'informer le contribuable de la possibilité de saisir cette commission suite aux observations du contribuable en réponse à la proposition de rectification.
6. L'administration a omis de mentionner dans la réponse aux observations du contribuable que celui-ci avait la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires du litige portant sur le redressement en cours. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions citées de l'article L. 59 ne créent à la charge de l'administration aucune obligation d'informer le contribuable de la faculté dont il dispose de demander la saisine de la commission. Par ailleurs, même si la charte du contribuable vérifié mentionne que la possibilité de saisir la commission figurera sur la réponse aux observations du contribuable, si le litige ressortit à sa compétence, et bien que, en l'espèce, la réponse aux observations du contribuable, adressée au seul avocat de la société requérante, n'ait pas fait mention de la faculté de demander la saisine de la commission, il résulte de l'instruction que la SARL Hair Bayen, qui était accompagnée de conseils spécialisés en droit fiscal et ne pouvait ignorer la possibilité de demander la saisine de la commission, s'est vu reconnaître le droit de faire part de son désaccord sur les redressements notifiés, et, une fois ce désaccord exprimé, a été informée par l'administration de la persistance du désaccord. Enfin, la proposition de rectification précisait bien la nature de la procédure utilisée, et il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait opposée à une demande en vue de saisir la commission. Dès lors, si les dispositions de la Charte ont été méconnues, en ce qu'elles prévoient que l'administration mentionne la possibilité pour le contribuable, objet d'une procédure de redressement contradictoire, de demander à l'administration de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, ce manquement n'a pas revêtu, en l'espèce, le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la Charte. De même, aucune atteinte au principe de loyauté ou des droits de la défense ne résulte de l'irrégularité de procédure commise.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
8. La proposition de rectification mentionne que plusieurs redressements s'analysent comme des revenus distribués, au sens des articles L. 109 1° et 2°, ainsi que l'article 111 sans préciser la base légale applicable en l'espèce. Cette ambiguïté est toutefois sans influence sur la régularité des redressements dès lors que la société Hair Bayen n'a pas été imposée sur le fondement desdites dispositions. Le moyen soulevé doit dès lors être écarté comme étant inopérant.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". La garantie prévue par ces dispositions s'applique à tous renseignements et documents obtenus auprès de tiers dont l'administration se prévaut pour établir les impositions, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt. Cette garantie ne s'étend aux renseignements qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal que dans la mesure où ces renseignements, par la nature et la précision de leur contenu, ont servi à l'établissement des rectifications.
10. La SARL Hair Bayen estime que l'administration devait lui transmettre la copie de la notice du logiciel Marlix sur laquelle elle se serait appuyée pour remettre en cause la comptabilité et estimer que la société avait eu recours à des manœuvres frauduleuses. Il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas eu recours à cette notice, dont elle avait demandé une copie à la société et que la soustraction de recettes a été mise à jour à la suite de l'exploitation des équipements informatiques de la société. En outre, la SARL Hair Bayen n'a pas demandé à l'administration de lui communiquer des documents particuliers. Si l'administration a fait appel à son expérience de logiciels discret permettant de supprimer la trace de recettes, elle ne peut, ainsi être regardée comme ayant eu recours à des informations précises émanant de tiers, permettant d'établir le redressement, au sens donné à cette expression par l'article L. 76 précité.
Sur le bien-fondé des impositions :
11. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...)
IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ".
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors des opérations de visite domiciliaire dans les locaux de la société Hair Bayen, ainsi qu'au domicile de M. B..., son gérant et actionnaire majoritaire, le service a constaté que la société requérante avait utilisé pendant toute la période vérifiée un système de caisse piloté par le logiciel Marlix. Ce logiciel comporte une partie Caisse installée sur un ordinateur présent dans le salon de coiffure sur laquelle sont effectuées les opérations journalières et une partie Bureau qui permet de réaliser les opérations de gestion comptable ou statistique et peut être installée sur le même site que la partie Caisse mais également sur un site différent, par exemple sur le disque dur de l'ordinateur du dirigeant à son domicile. Dans le cadre de la procédure de visite et saisie visant d'autres sociétés utilisant le logiciel en cause, l'administration a constaté que la société Marlix avait développé une application dénommée Image.Exe non installée sur l'ordinateur, qui permet, après plusieurs manipulations, de modifier a posteriori des données de caisse afin de supprimer certaines ventes et donc d'éluder une partie des recettes et qui intervient en opérant des modifications sur le fichier Fiche.Fic, qui contient l'ensemble détaillé des " fiches ", qui correspondent à une vente à un client. Le service a constaté que le mécanisme de fraude permettait la création d'un fichier Fiche2.Fic identique au Fiche.Fic mais qui comporte un marqueur, le chiffre " 2 " dans le champ " Codannul " pour les enregistrements qui ont été supprimés et que les enregistrements sans le marqueur étaient repris dans un nouveau fichier Fiche.Fic.
13. L'exploitation des fichiers présents sur l'ordinateur du salon et sur celui de M. B... saisis lors des visites domiciliaires a permis de relever plusieurs indices permettant d'établir l'utilisation par la société requérante du fichier suppresseur qui pourrait être Image.Exe. Tout d'abord, l'exploitation de la fonction Prefetch du système d'exploitation Windows, qui consiste à répertorier les logiciels exécutés le plus souvent, sur le disque dur de l'ordinateur du salon sur lequel est installé le module bureau du logiciel Marlix et qui servait à l'établissement des états de recettes de la société jusqu'au mois de septembre 2014, a permis de montrer que l'exécutable Image.Exe avait été lancé à de multiples reprises et pour la dernière fois le 1er octobre 2014 à 20 h 47. En outre, le service a constaté la présence de fichiers Avant.Fic, qui constituent une sauvegarde du fichier Fiche.Fic créée par le logiciel Image.Exe avant la modification de ce fichier et contiennent donc des données non altérées. La comparaison des fichiers Avant.Fic et des fichiers Fiche.Fic pour les mois de septembre 2014, dernier mois transféré sur la partie bureau de l'ordinateur portable du salon, et août 2015, dernier mois transféré sur la partie Bureau au domicile de M. B..., a permis de constater, pour le premier mois, une suppression de 183 fiches, 585 lignes et 6 970,50 euros et, pour le second, une suppression de 135 fiches, 450 lignes et 5 498,40 euros. Par ailleurs, le service a constaté pour ces deux mois la présence d'un fichier Fiche2.Fic. Si celui du mois d'août 2015 était vide, celui de septembre 2014 présentait la mention code2 dans le champ " Codannul ", marqueur des enregistrements devant être supprimés définitivement, pour des fiches qui n'ont pas été retrouvées dans le fichier Fiche.Fic définitif. L'exploitation du fichier Enleve.Fic, qui enregistre le montant des recettes supprimées pour le mois de septembre 2014, celui d'août 2015 étant vide, a permis de retrouver le montant de 6 970,50 euros.
14. Par ailleurs, le service a noté des incohérences entre les données issues des fichiers Fiche.Fic et celles issues des fichiers Personne.Fic, qui retracent le chiffre d'affaires par employé et qui ne sont pas modifiés par l'application Image.Exe. Le comparatif des recettes dont font état les fichiers Personne.Fic pour les mois de septembre 2014 et août 2015 a permis de connaître le montant des recettes avant l'utilisation de l'application Image.Exe et le montant ainsi obtenu correspond à celui observé en comparant les fichiers Avant.Fic et Fiche.Fic. Le service a également relevé la présence d'un fichier Global.Fic daté du 1er octobre 2014 dans les fichiers de l'ordinateur du salon et du 2 septembre 2015 dans ceux de l'ordinateur de M. B..., fichier qui enregistre les paramètres de suppression retenus horodaté à la même minute que les fichiers Fiche.Fic et Fiche2.Fic. La présence de ce fichier permet de confirmer l'utilisation de l'application de suppression de type Image.Exe, même si ladite application n'a pas été retrouvée sur les ordinateurs et clefs USB exploitées.
15. En outre, le service a constaté, pour chaque année, l'existence de ruptures de séquence dans la numérotation des fiches, soit 1 408 clés manquantes pour 2012, sauf pour le mois de juin où aucune clé manquante n'a été constatée, 1 753 pour 2013, 1 984 pour 2014 et 1 292 pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. Il a constaté également un taux d'espèces particulièrement bas par rapport au mois de juin 2012, pour lequel ainsi qu'il a été dit, aucune clé manquante n'a été constatée, où ce taux était de 17,29 % et par rapport aux taux mentionnés dans les fichiers Avant.Fic pour les mois de septembre 2014 et août 2015 qui étaient respectivement de 19,08 % et 18,89 %, alors que pour l'année 2012, ce taux a été de 6,85 % en moyenne, qu'il a été de 6,2 % pour 2013, de 5,5 % pour 2014 et de 5,4 % pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. De même, la comparaison des recettes figurant dans le fichier Personne.Fic et le fichier Fiche.Fic a mis en lumière des écarts significatifs et récurrents de recettes, soit 69 308,45 euros pour 2013, 79 191,49 euros pour 2014 et 52 982,41 euros pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. De plus, ces nombreuses suppressions mises en évidence par le service, qui concernent exclusivement les recettes en espèces, et ne peuvent être regardées comme ayant un caractère aléatoire à défaut de validation par l'éditeur, ne peuvent pas sérieusement être imputées à un virus.
16. L'ensemble de ces éléments permet d'établir que la société Hair Bayen a utilisé, sur la période en litige, un logiciel frauduleux lui permettant de modifier a posteriori des données de caisse afin d'éluder une partie de ses recettes. La société indique qu'elle n'avait pas connaissance du fonctionnement du logiciel dès lors que la documentation technique ne lui avait pas été transmise ni par l'éditeur ni par l'administration fiscale et que cette dernière ne pouvait pas exploiter les données du logiciel correctement sans cette documentation. Toutefois, ainsi que le fait valoir l'administration il appartenait à la société de se rapprocher de son prestataire informatique pour l'obtenir. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que l'administration ne disposait pas de ladite documentation l'aurait empêchée, comme le soutient la requérante, d'exploiter utilement les données issues de ce logiciel saisies sur les ordinateurs présents au salon et chez M. B.... La société soutient, en outre, que le fichier Image.Exe dont les traces d'utilisation ont été trouvées sur l'ordinateur présent dans le salon, peut correspondre à un virus malveillant du même nom et que les traces en question peuvent matérialiser les tentatives d'éradication par le logiciel antivirus de ce virus. Cependant, elle ne produit aucune pièce probante à l'appui de ces affirmations. La société requérante fait également valoir que les traces de l'utilisation du logiciel n'ont pas été trouvées après le mois octobre 2014 par l'utilisation de la fonction Prefetch. Toutefois, les ruptures de séquences et les différences constatées en comparant les fichiers Personne.Fic et Fiche.Fic sur l'ensemble de la période vérifiée suffisent à mettre en lumière l'utilisation du logiciel frauduleux pendant toute la période. De même si la société Hair Bayen soutient que l'existence de ruptures de séquences s'explique par la mise en attente de factures, la mise en place de purges régulières des clients et des factures, l'existence de problèmes de logiciel, de problèmes système ou base de données, d'une part, elle ne produit aucune pièce pour l'établir et, d'autre part, compte tenu de leur caractère récurrent, les anomalies constatées ne sauraient être expliquées par ces seuls éléments. En outre, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative BOI-CF-IOR-60-40-20 prévoyant une tolérance en cas de rupture de numérotation, dès lors que cette doctrine concerne les fichiers d'écritures comptables et non, comme en l'espèce, des données de gestion commerciale. Par ailleurs, si la société Hair Bayen soutient que le taux moyen de paiement en espèces retenu est erroné, elle ne propose aucun autre taux. Elle n'apporte, au demeurant, aucune justification plausible sur le faible niveau des règlements en espèces constaté pour l'ensemble de la période contrôlée par rapport aux taux constatés pour le mois de juin 2012 et pour les mois de septembre 2014 et août 2015 avant retraitement. Enfin, la société ne fournit aucune explication pour justifier les différences constatées entre les résultats figurant dans les fichiers Avant.Fic et ceux figurant dans les fichiers Fiche.Fic ni sur celles constatées entre les fichiers Personne.Fic et Fiche.Fic et, plus globalement, pour démontrer l'absence d'utilisation du mécanisme d'effacement de recettes mis en lumière par le service vérificateur.
17. En deuxième lieu, la SARL Hair Bayen doit être regardée comme soutenant que la méthode de reconstitution de recettes est radicalement viciée ou excessivement sommaire, le vérificateur s'étant borné à extrapoler les données recueillies dans les conditions susmentionnées sur quatre mois au cours de quatre exercices. Il résulte, à cet égard, de l'instruction que pour reconstituer le montant des recettes éludées pour l'année 2012, le service a appliqué aux recettes des mois comportant des anomalies de séquence dans la numération des fiches le taux d'espèces relevé dans les périodes sans anomalies constatées soit un taux moyen de 18,96 %. Ainsi qu'il a été dit, si la société conteste ce taux, elle n'en propose aucun autre. Pour les années ultérieures, l'administration a procédé au rapprochement des données des fichiers Fiche.Fic et Personne.Fic pour retenir le montant des recettes éludées. Contrairement à ce que soutient la société, l'administration, qui a détaillé dans les propositions de rectification ou dans leurs annexes, pour chaque année et chaque mois, les minorations de recettes résultant des mêmes irrégularités constatées, ne s'est pas exclusivement fondée sur les mois de septembre 2014 et août 2015 pour reconstituer la comptabilité. La SARL Hair Bayen, qui se borne à soutenir que le taux de paiement en espèces est nécessairement plus faible au titre de périodes estivales marquées par la présence de nombreux touristes, n'apporte pas la preuve qui lui incombe du recours à une méthode radicalement viciée ou excessivement sommaire ni de l'exagération des redressements en cause.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...). ".
19. L'administration n'a pas admis la déduction de taxe et l'admission en charge de frais d'achat de tee-shirts, de sweats-shirts et serviettes engagées par la société au titre des exercices vérifiés. La société Hair Bayen soutient que ces dépenses, ont été engagées dans le cadre d'une politique commerciale agressive pour un public dit haut de gamme. Le coût de ces achats absorbe toutefois la quasi-totalité de la hausse de chiffre d'affaire réalisée. Ces produits achetés, qui sont réputés portés la marque Franck Provost ont toutefois été acquis auprès d'un fournisseur diffèrent de celui habilité par le franchiseur. De plus, ils ne sont pas retracés dans le stock de la société et l'achat de serviette n'est comptabilisé que pour l'année 2015. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société.
20. L'administration a également refusé d'admettre en déduction du résultat les indemnités kilométriq0es versées à son gérant M. B.... Si la société soutient que l'intéressé se déplace deux fois par semaine chez son franchiseur et chez son comptable, ainsi que dans ses trois salons de coiffure, elle ne démontre ni la réalité des déplacements effectués et des distances parcourues, ni que la totalité des déplacements indemnisés seraient engagés dans l'intérêt de la société requérante qui gère un seul des trois salons appartenant à M. B....
21. L'administration a également refusé la déduction de frais de déplacement de M. B..., parfois pour deux personnes, au Maroc (Casablanca) où réside sa belle-mère. Si la société requérante soutient qu'il suivrait des formations à la coiffure, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir l'intérêt de ces dépenses pour les besoins de son activité en produisant des attestations postérieures de plus de deux ans à l'année concernée. Elle ne justifie pas davantage la déduction de voyages aller-retour vers Tel Aviv, ni que les frais d'achat de nourriture réintégrés auraient été engagés dans son intérêt.
22. Enfin, la SARL Hair Bayen a inscrit en déduction de ses résultats des factures d'achats de produits cosmétiques israéliens. La circonstance que certaines factures soient rédigées en langue hébraïque et non en français ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant. Si la facture 01/40 du 25 janvier 2015, qui reprend celle du 13 février 2014, avec le même numéro et le même montant et une rectification manuscrite de la date, ne permet pas de justifier de l'intérêt de la société requérante à déduire la dépense correspondante, les autres factures, d'un montant de 4 706,30 euros, ne peuvent, pour le seul motif mentionné ci-dessus, faire l'objet d'une réintégration à son bénéfice taxable.
Sur l'amende de l'article 1736 du code général des impôts :
23. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa version applicable : " I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite ".
24. L'administration a constaté que la SARL Hair Bayen a comptabilisé 21 402 euros d'honoraires versés à son franchiseur mais n'a déposé aucune déclaration DAS 2 et à appliquer la pénalité de l'article 1736 précité du code général des impôts. La société Hair Bayen soutient avoir souscrit une déclaration rectificative en 2017 mais celle-ci n'est pas intervenue dans les délais prévus par ledit article. La circonstance que la société Franck Provost, bénéficiaire des honoraires ait déclaré les sommes perçues n'exonère pas la société Hair Bayen de son amende pour défaut de déclaration.
25. Sur le terrain de la doctrine, la société requérante se prévaut de la décision de rescrit n° 2012/6 RC du 14 février 2012, relative aux modalités d'application de l'amende prévue par l'article 1736 du code général des impôts, publiée le 6 décembre 2017 au paragraphe 20 de l'instruction BOI-CF-INF-10-40-30, l'administration précisait que " par mesure de tempérament, il est admis que l'entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. / L'entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites ". Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
26. La société Hair Bayen n'entre toutefois pas dans les prévisions de ce rescrit, l'attestation du bénéficiaire n'ayant été produite qu'en 2017, en dehors de la période permettant à l'administration de vérifier l'exactitude des justifications produits. Elle ne peut ainsi, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, elle ne peut utilement se prévaloir de ces énonciations, lesquelles portent sur la procédure d'établissement d'une disposition fiscale, eu égard aux dispositions du deuxième alinéa précité de l'article L. 80 A.
Sur les pénalités :
27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvre frauduleuse (...). ". La charge de la preuve du bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré ou pour manœuvre frauduleuses repose sur l'administration.
28. En premier lieu, en établissant qu'un logiciel frauduleux avait minoré les recettes en espèces encaissées par la SARL Hair Bayen au cours des périodes vérifiées, dans le but de minorer le chiffre d'affaires réalisé et le bénéfice taxable, dans les conditions décrites aux points 12 à 16 inclus du présent arrêt, l'administration apporte la preuve des manœuvres frauduleuses de la société requérante et a pu ainsi à bon droit infliger la pénalité de 80 % sur les impositions supplémentaires résultant de ce chef de redressement. Comme dit plus particulièrement au point 14, la circonstance que le logiciel Image.Exe n'aurait pas été trouvé sur les ordinateurs ou une clef USB est sans influence sur la régularité de cette pénalité.
29. L'administration apporte également la preuve du caractère délibéré de la minoration de recette et déduction de taxe en ce qui concerne les frais de déplacement et de nourriture du gérant, ainsi que les achats de textiles, dont la société requérante ne pouvait ignorer l'absence de caractère déductible.
30. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hair Bayen est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du 19 octobre 2021, seulement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à la décharge du redressement à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 4 706,30 euros en assiette, mentionné au point 22 du présent arrêt, et à demander la décharge de l'impôt sur les sociétés, et des pénalités correspondantes, afférents à ce redressement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SARL Hair Bayen présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA06567, ses conclusions présentées au titre des frais de cette instance devant être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA06567 de la SARL Hair Bayen tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1923550 en date du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21PA06567 est rejeté.
Article 3 : La SARL Hair Bayen est déchargée du supplément d'imposition et des pénalités correspondantes, afférents au redressement relatif à l'achat de produits cosmétiques, dans les conditions mentionnées aux points 22 et 30 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête 21PA06566 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Hair Bayen et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 janvier 2023.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 21PA06566, 21PA06567