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20/01/2023 | FRANCE | N°21PA06565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 20 janvier 2023, 21PA06565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société anonyme à responsabilité limité (SARL) Carla a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, et des amendes et pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1924560 du 19 octobre 2021, le tribu

nal administratif de Paris a rejeté les demandes de la SARL Carla.

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société anonyme à responsabilité limité (SARL) Carla a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, et des amendes et pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1924560 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la SARL Carla.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistrés les 21 décembre 2021 et 10 mai 2022 sous le numéro 21PA06564, la SARL Carla, représentée par Me Obadia, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924560 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle est assujettie au titre des années 2012 et 2015, ainsi que des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, et des amendes et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration ne l'a pas informée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaire, en violation des articles L. 59 et L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a également violé les articles L. 57, L. 76 B et L. 48 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait opposer les prétendues anomalies dans le fonctionnement du logiciel de recettes Marlix pour rejeter sa comptabilité ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'utilisation du logiciel Image.Exe qui supprimerait des fiches recettes ;

- la reconstitution de recettes ne pouvait pas se fonder sur les taux de paiement en espèces de septembre 2014 et août 2015 ;

- la méthode de reconstitution initialement suivie par l'administration est excessivement sommaire ;

- les achats de textiles et les frais kilométriques réintégrés ont bien été engagés dans l'intérêt de la société ;

- les dépenses de voyages et les achats de nourriture ont également été engagés en relation avec son activité ;

- l'amende pour honoraires non déclarés n'est pas due, dès lors que cet oubli a été régularisé ; elle peut bénéficier des énonciations de la doctrine BOI-CF-INF-10-40-30 n° 20 du 4 mars 2015 ;

- les pénalités pour manœuvre frauduleuses ne sont pas dues en l'absence de preuve de fraude ;

- l'imputation de charges non déductible ne constitue pas un manquement délibéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 janvier et 16 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 22 décembre 2021,

10 mai, 14 juin et 1er juillet 2022 sous le numéro 21PA06565, la SARL Carla, représentée par Me Obadia, avocat, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1924560 en date du 19 octobre 2021 prononcé par le tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que :

- la requête tendant à l'annulation du jugement est assortie de moyens sérieux ;

- elle a subi une importante baisse de chiffre d'affaires compte tenu de la crise sanitaire et l'exécution du jugement la soumet à des conséquences difficilement réparables.

Par des mémoires, enregistrés les 20 janvier, 16 mai et 15 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations présentées par Me Gaspar, substituant Me Obadia, pour la SARL Carla.

Une note en délibéré, enregistrée le 9 janvier 2023, a été présentée pour la SARL Carla par Me Obadia.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Carla, qui exploite un salon de coiffure, a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015 faisant suite à une procédure de visite et de saisie. En cours de contrôle, conduit selon la procédure de redressement contradictoire, l'administration a estimé que la comptabilité recette de la société n'était pas probante et a adressé à la société des propositions de redressement à l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. La SARL Carla demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre les impositions supplémentaires, amende et pénalités issues de ces redressements, ainsi que la décharge desdites impositions, amende et pénalités.

2. Les requêtes nos 21PA06564 et 21PA06565 présentées par la SARL Carla sont dirigées contre le même jugement, présentent un lien de connexité entre elles et ont fait l'objet d'une même instruction. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

3. Le présent arrêt statuant sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1924560, en date du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

4. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SARL Carla ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché de dénaturation des faits ou d'erreurs de droit pour en obtenir l'annulation.

Sur la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code ". Aux termes de l'article L. 10 de ce même livre : " (...) A... l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 57, L. 59, R. 57-1 et R. 59-1 du livre des procédures fiscales qu'en cas de maintien du désaccord entre l'administration et le contribuable après la production par ce dernier d'observations dans le délai d'un mois suivant la proposition de rectification, le contribuable dispose d'un nouveau délai de trente jours pour demander que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par ailleurs, si, en vertu de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, l'administration soumet, d'office ou à la demande du contribuable, le litige à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsqu'un désaccord persiste, il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre du même livre, que l'administration aurait l'obligation d'informer le contribuable de la possibilité de saisir cette commission suite aux observations du contribuable en réponse à la proposition de rectification.

6. L'administration a omis de mentionner dans la réponse aux observations du contribuable que celui-ci avait la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et du chiffre d'affaires du litige portant sur le redressement en cours. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions citées de l'article L. 59 ne créent à la charge de l'administration aucune obligation d'informer le contribuable de la faculté dont il dispose de demander la saisine de la commission. Par ailleurs, même si la charte du contribuable vérifié mentionne que la possibilité de saisir la commission figurera sur la réponse aux observations du contribuable, si le litige ressortit à sa compétence, et bien que, en l'espèce, la réponse aux observations du contribuable, adressée au seul avocat de la société requérante, n'ait pas fait mention de la faculté de demander la saisine de la commission, il résulte de l'instruction que la SARL Carla, qui était accompagnée de conseils spécialisés en droit fiscal et ne pouvait ignorer la possibilité de demander la saisine de la commission, s'est vu reconnaître le droit de faire part de son désaccord sur les redressements notifiés, et, une fois ce désaccord exprimé, a été informée par l'administration de la persistance du désaccord. Enfin, la proposition de rectification précisait bien la nature de la procédure utilisée, et il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait opposée à une demande en vue de saisir la commission. Dès lors, si les dispositions de la Charte ont été méconnues, en ce qu'elles prévoient que l'administration mentionne la possibilité pour le contribuable, objet d'une procédure de redressement contradictoire, de demander à l'administration de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, ce manquement n'a pas revêtu, en l'espèce, le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la Charte. De même, aucune atteinte au principe de loyauté ou des droits de la défense ne résulte de l'irrégularité de procédure commise.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

8. La proposition de rectification mentionne que plusieurs redressements s'analysent comme des revenus distribués, au sens des articles L. 109 1° et 2°, ainsi que l'article 111 sans préciser la base légale applicable en l'espèce. Cette ambiguïté est toutefois sans influence sur la régularité des redressements dès lors que la SARL Carla n'a pas été imposée sur le fondement desdites dispositions. Le moyen soulevé doit dès lors être écarté comme étant inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, A... la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". La garantie prévue par ces dispositions s'applique à tous renseignements et documents obtenus auprès de tiers dont l'administration se prévaut pour établir les impositions, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt. Cette garantie ne s'étend aux renseignements qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal que dans la mesure où ces renseignements, par la nature et la précision de leur contenu, ont servi à l'établissement des rectifications.

10. La SARL Carla estime que l'administration devait lui transmettre la copie de la notice du logiciel Marlix sur laquelle elle se serait appuyée pour remettre en cause la comptabilité et estimer que la société avait eu recours à des manœuvres frauduleuses. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration n'a pas eu recours à cette notice, dont elle avait d'ailleurs demandé une copie à la société, et que la soustraction de recettes a été mise à jour à la suite de l'exploitation des équipements informatiques de la société ayant fait apparaître l'utilisation d'une autre application, certes émanant du même éditeur, connectée au logiciel de caisse Marlix. En outre, la SARL Carla, qui a soutenu que l'administration n'établissait pas qu'elle avait utilisé le logiciel Marlix, n'a pas demandé à l'administration de lui communiquer des documents particuliers. En tout état de cause, si l'administration a fait appel à son expérience de logiciels discrets permettant de supprimer la trace de recettes, elle ne peut, ainsi, être regardée comme ayant eu recours à des informations précises émanant de tiers, permettant d'établir le redressement, au sens donné à cette expression par l'article L. 76 B précité.

11. En dernier lieu, comme l'ont retenu les premiers juges, dont il convient sur ce point d'adopter les motifs figurant au point 8 du jugement attaqué, le moyen tenant à la violation des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, lequel ne porte que sur l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2012, ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

12. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ".

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors des opérations de visite domiciliaire dans les locaux de la SARL Carla, ainsi qu'au domicile de M. C..., son gérant et actionnaire majoritaire et dans les locaux de la SARL Hair Bayen[CS1], dont M. C... est également gérant et sur l'ordinateur de laquelle la comptabilité du salon Carla était gérée jusqu'en septembre 2014, le service a constaté que la société requérante avait utilisé pendant toute la période vérifiée, soit du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, un système de caisse piloté par le logiciel Marlix. Ce logiciel comporte une partie Caisse installée sur un ordinateur présent dans le salon de coiffure sur laquelle sont effectuées les opérations journalières et une partie Bureau qui permet de réaliser les opérations de gestion comptable ou statistique et peut être installée sur le même site que la partie Caisse mais également sur un site différent, par exemple sur le disque dur de l'ordinateur du dirigeant à son domicile par port USB. Dans le cadre de la procédure de visite et saisie visant d'autres sociétés utilisant le logiciel en cause, l'administration a constaté que la société Marlix avait développé une application dénommée Image.Exe non installée sur l'ordinateur, qui permet, après plusieurs manipulations, de modifier a posteriori des données de caisse afin de supprimer certaines ventes et donc d'éluder une partie des recettes. Cette application intervient en opérant des modifications sur le fichier Fiche.Fic, dont une copie est conservée sous le nom A....Fic, qui contient l'ensemble détaillé des " fiches ", qui correspondent à une vente à un client. Un fichier Fiche2.Fic identique au fichier Fiche.Fic mais comportant un marqueur, le chiffre " 2 ", dans le champ " Codannul " pour les enregistrements qui ont été supprimés, permet d'établir un nouveau fichier Fiche.Fic comprenant les enregistrements sans le marqueur en cause.

14. L'exploitation des fichiers présents sur l'ordinateur du salon, ainsi que sur celui retrouvé au salon Hair Bayen, sur lequel le salon Carla était géré jusqu'en septembre 2014[CS2], et sur celui de M. C... saisi lors des visites domiciliaires, a permis de relever plusieurs indices permettant d'établir l'utilisation du fichier suppresseur qui pourrait être Image.Exe, édité par l'éditeur du logiciel Marlix. Tout d'abord, l'exploitation de la fonction Prefetch du système d'exploitation Windows, qui consiste à répertorier les logiciels exécutés le plus souvent, sur le disque dur de l'ordinateur du salon Hair Bayen, a permis de montrer que l'exécutable Image.Exe avait été lancé à de multiples reprises et pour la dernière fois le 1er octobre 2014 à 20h47. En outre, le service a constaté la présence de fichiers A....Fic. La comparaison des fichiers A....Fic et des fichiers Fiche.Fic pour les mois de septembre 2014, dernier mois transféré sur la partie bureau de l'ordinateur portable du salon Hair Bayen, et août 2015, dernier mois transféré sur la partie Bureau au domicile de M. C..., a permis de constater, pour le premier mois, une suppression de 154 fiches, 527 lignes et 6 734,80 euros et pour le second, de 149 fiches, 486 lignes et 5 500 euros, correspondant aux règlements en espèces. Par ailleurs, le service a constaté, pour le mois de septembre 2014, la présence d'un fichier Fiche2. Fic qui présentait la mention code 2 dans le champ " Codeannul ", marqueur des enregistrements devant être supprimés définitivement, pour des fiches qui n'ont pas été retrouvées dans le fichier Fiche.Fic définitif. L'exploitation du fichier Enleve.Fic, qui enregistre le montant des recettes supprimées pour le mois de septembre 2014, a permis de retrouver le montant de 6 734,80 euros.

15. Par ailleurs, le service a noté des incohérences entre les données issues des fichiers Fiche.Fic et celles issues des fichiers Personne.Fic, qui retracent le chiffre d'affaires par employé et qui ne sont pas modifiées par l'application Image. Le comparatif des recettes dont font état les fichiers Personne.Fic pour le mois d'août 2015 a permis de connaître le montant des recettes A... l'utilisation de l'application Image et le montant ainsi obtenu correspond à celui observé en comparant les fichiers A....Fic et Fiche.Fic. Le service a également relevé la présence dans les données saisies d'un fichier Global.Fic daté du 1er octobre 2014 dans l'ordinateur du salon Hair Bayen et du 2 septembre 2015 dans celui présent chez M. C..., fichier qui enregistre les paramètres de suppression retenus horodaté à la même minute que les fichiers Fiche.Fic et Fiche2.Fic. La présence de ce fichier permet de confirmer l'utilisation d'une application de suppression de recettes qui semble être l'application Image.Exe, même si ladite application n'a pas été retrouvée sur les ordinateurs et clefs USB exploités.

16. En outre[CS3], le service a constaté, pour chaque année, l'existence de ruptures de séquence dans la numérotation des fiches, soit 1 690 clés manquantes pour 2012 sauf pour le mois de juin où aucune clé manquante n'a été constatée, 1 820 pour 2013, 2 077 pour 2014 et 1 321 pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. Il a constaté également un taux d'espèces particulièrement bas par rapport au mois de juin 2012, pour lequel ainsi qu'il a été dit, aucune clé manquante n'a été constatée, où ce taux était de 19,49 % et par rapport aux taux mentionnés dans les fichiers A....Fic pour les mois de septembre 2014 et août 2015 où ce taux était respectivement de 19,08 % et 18,89 %, alors que pour l'année 2012, le taux moyen a été de 6,61 %, qu'il a été de 6,1 % pour 2013, de 5,4 %, pour 2014, et de 5,4 % pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. De même, la comparaison des recettes figurant dans le fichier Personne.Fic et le fichier Fiche.Fic a mis en lumière des écarts significatifs et récurrents de recettes, soit 73 041,80 euros pour 2013, 85 134,80 euros pour 2014 et 52 900 euros pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015. De plus, ces nombreuses suppressions mises en évidence par le service, qui concernent exclusivement les recettes en espèces, et ne peuvent être regardées comme ayant un caractère aléatoire à défaut de validation par l'éditeur, ne peuvent pas sérieusement être imputé à un virus.

17. Enfin, si[CS4] les informations de l'application de gestion de caisse ne sont pas reliées électroniquement à la comptabilité, les données qui en sont issues alimentent la comptabilité de la société à partir de fiches recettes dites " résumé caisse " imprimées en format pdf et transmises au comptable de la société. Ainsi l'administration était fondée à estimer, compte tenu des nombreuses suppressions de recettes espèces résultant des manipulations sus-analysées sur les données de gestion comptable de la société et portant sur un chiffre d'affaires moyen compris entre 13 et 14 %, que la comptabilité de la société, qui, eu égard aux caractéristiques mentionnées, constituait un système de comptabilité informatisé dont le contrôle relevait des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, si elle était régulière en la forme, était néanmoins dépourvue de valeur probante.

18. En deuxième lieu, la SARL Carla[CS5] doit être regardée comme soutenant que la méthode de reconstitution de recettes est radicalement viciée ou excessivement sommaire, le vérificateur s'étant borné à extrapoler les données recueillies dans les conditions susmentionnées sur quatre mois au cours de quatre exercices. Il résulte, à cet égard, de l'instruction que pour reconstituer le montant des recettes éludées pour l'année 2012, le service a appliqué aux recettes des mois comportant des anomalies de séquence dans la numération des fiches le taux d'espèces relevé dans les périodes sans anomalies constatées soit un taux moyen de 18,94 %. Ainsi qu'il a été dit, si la société conteste ce taux, elle n'en propose aucun autre. Pour les années ultérieures, l'administration a procédé au rapprochement des données des fichiers Fiche.Fic et Personne.Fic pour retenir le montant des recettes éludées. Contrairement à ce que soutient la société, l'administration, qui a détaillé dans les propositions de rectification ou dans leurs annexes, pour chaque année et chaque mois, les minorations de recettes résultant des mêmes irrégularités constatées, ne s'est pas exclusivement fondée sur les mois de septembre 2014 et août 2015 pour reconstituer la comptabilité. La SARL Carla, qui se borne à soutenir que le taux de paiement en espèces est nécessairement plus faible au titre de périodes estivales marquées par la présence de nombreux touristes, n'apporte pas la preuve qui lui incombe du recours à une méthode radicalement viciée ou excessivement sommaire ni de l'exagération des redressements en cause.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...). ".

20. De première part, au titre des exercices 2013 à 2015, l'administration n'a pas admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et l'admission en charges de frais d'achat de

tee-shirts, sweat-shirts et serviettes, en grandes quantités (plusieurs milliers), engagées par la société requérante au titre des exercices vérifiés. La SARL Carla soutient que ces dépenses ont été engagées dans le cadre d'une politique commerciale agressive pour un public dit haut de gamme. Toutefois, alors qu'aucun document interne ne permet d'étayer ces affirmations, le coût de ces achats absorbe largement l'accroissement du bénéfice taxable de la société au cours des années en litige. En outre, ces produits, qui sont réputés portés la marque du franchiseur Franck Provost, ont toutefois été acquis auprès d'un fournisseur différent de celui habilité par le franchiseur. De plus, ces achats, comptabilisés dans un poste " annonces et insertions ", n'ont pas été retracés dans le stock de la société et l'achat de serviettes n'a été comptabilisé que pour l'année 2015. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant les éléments de preuve lui incombant que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société ou pour les besoins de son activité.

21. De deuxième part, au titre des mêmes exercices, l'administration a également refusé d'admettre en déduction du résultat les indemnités kilométriques versées à son gérant M. C..., dont aucun élément de la comptabilité ou élément de recoupement, tel que des factures d'entretien ou des factures d'indemnités, ne permettait de reconstituer le montant. Si la SARL Carla soutient que l'intéressé se déplace deux fois par semaine chez son franchiseur et chez son comptable, ainsi que dans ses trois salons de coiffure, situés à Paris ou en proche banlieue, elle ne justifie ainsi ni de la réalité des déplacements effectués et des distances parcourues, ni de ce que la totalité des déplacements indemnisés seraient engagés dans l'intérêt de la société requérante qui, au demeurant, gère un seul des salons appartenant à M. C....

22. De dernière part[CS6], au titre des mêmes exercices, l'administration a refusé la déduction de frais de déplacement de M. C..., parfois pour deux personnes, au Maroc (Casablanca) où réside sa belle-mère. Si la société requérante soutient qu'il suivrait des formations à la coiffure, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir l'intérêt de ces dépenses pour les besoins de son activité en produisant des attestations postérieures de plus de deux ans à l'année concernée. Elle ne justifie pas davantage que les frais d'achat de nourriture, alors même qu'ils correspondraient seulement à des montants minimes, auraient été engagés dans l'intérêt de la société ou pour assurer les besoins de son personnel.

Sur l'amende de l'article 1736 du code général des impôts :

23. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa version applicable : " I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, A... la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite ".

24. L'administration a constaté que la SARL Carla[CS7] a comptabilisé 23 434 euros d'honoraires versés à son franchiseur mais que la déclaration correspondante mentionnait seulement la somme de 2 990 euros et a appliqué en conséquence la pénalité de l'article 1736 précité du code général des impôts. Si la SARL Carla soutient avoir souscrit une déclaration rectificative en 2017, celle-ci n'est pas intervenue dans les délais de régularisation prévus par ledit article. La circonstance que la société Franck Provost, bénéficiaire des honoraires, a déclaré régulièrement les sommes perçues n'exonère pas la SARL Carla de son obligation de déclaration.

25. Sur le terrain de la doctrine, la société requérante se prévaut de la décision de rescrit n° 2012/6 RC du 14 février 2012, relative aux modalités d'application de l'amende prévue par l'article 1736 du code général des impôts, reprise le 6 décembre 2017 au paragraphe 20 de l'instruction BOI-CF-INF-10-40-30, qui précise que " Par mesure de tempérament, il est admis que l'entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. / L'entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites ". Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

26. La SARL Carla n'entre toutefois pas dans les prévisions de ce rescrit, l'attestation du bénéficiaire n'ayant été produite qu'en 2017, en dehors de la période permettant à l'administration de vérifier l'exactitude des justifications produits. Elle ne peut ainsi, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, elle ne peut utilement se prévaloir de ces énonciations, lesquelles portent sur la procédure d'établissement d'une disposition fiscale, eu égard aux dispositions du deuxième alinéa précité de l'article L. 80 A.

Sur les pénalités :

27. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvre frauduleuse (...). ". La charge de la preuve du bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré ou pour manœuvre frauduleuses repose sur l'administration.

28. En premier lieu, en établissant qu'un logiciel frauduleux avait minoré les recettes en espèces encaissées par la SARL Carla au cours des périodes vérifiées, dans le but de minorer le chiffre d'affaires réalisé et le bénéfice taxable, dans les conditions décrites aux points 13 à 16 inclus[CS8] du présent arrêt, l'administration apporte la preuve des manœuvres frauduleuses de la société requérante et a pu ainsi à bon droit infliger la pénalité de 80 % sur les impositions supplémentaires résultant de ce chef de redressement. Comme dit plus particulièrement au point 15[CS9], la circonstance que le logiciel Image.Exe n'aurait pas été trouvé sur les ordinateurs ou une clef USB est sans influence sur la régularité de cette pénalité.

29. En deuxième lieu, l'administration apporte également la preuve du caractère délibéré de la minoration de recette et déduction de taxe en ce qui concerne les frais de déplacement et de nourriture du gérant, ainsi que les achats de textiles, dont la SARL Carla, eu égard à leur caractère répété, à l'absence de pièce comptable ou document de recoupement justificatif, et, s'agissant des achats de textile, à leur mode de comptabilisation, ne pouvait ignorer l'absence de caractère déductible.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Carla[CS10] n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, ainsi que des amendes et pénalités correspondantes. Ses conclusions aux fins de décharge doivent, par suite, être rejetées. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA06565 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution dudit jugement. Les conclusions de la SARL Carla sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des présentes instances, doivent également être rejetées.

D E C I D E[CS11] :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA06565 de la SARL Carla tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1924560 en date du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21PA06565 est rejeté.

Article 3 : La requête n° 21PA06564 de la SARL Carla est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Carla et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 janvier 2023.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[CS1]Greffe : pour le projet SARL Hair Bayen, mettre le point 12 du projet Bayen.

[CS2]Greffe : pour Hair Bayen, prendre les points 13 et 14 du projet Bayen.

[CS3]Greffe : pour Bayen, mettre les points 15 à 17 du projet Bayen.

Pour les deux projets, mettre les noms de fichiers en minuscules (majuscules pour les premières lettres).

[CS4]Greffe : ne pas reprendre pour Bayen.

[CS5]Greffe : reprendre pour Hair Bayen en mettant 18,96 % au lieu de 18,94 % (ligne 8).

[CS6]Pour Hair Bayen, mettre les points 22 et 23 du projet Bayen.

[CS7]Pour Bayen : mettre : " a comptabilisé 21 402 euros d'honoraires versés à son franchiseur mais n'a déposé aucune déclaration DAS 2, et a appliqué en conséquence (suite inchangée).

[CS8]Pour Bayen : 12 à 17.

[CS9]Pour Bayen : 14.

[CS10]Bayen : point 31.

[CS11]Pour Hair Bayen, mettre le dispositif de cet arrêt.

2

Nos 21PA06564, 21PA06565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06565
Date de la décision : 20/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET OBADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-20;21pa06565 ?
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