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20/01/2023 | FRANCE | N°21PA05931

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 20 janvier 2023, 21PA05931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 septembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois, dont deux avec sursis.

Par jugement n°2000656 du 21 septembre 2021 le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novem

bre 2021 et 6 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Nougaro, demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 septembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois, dont deux avec sursis.

Par jugement n°2000656 du 21 septembre 2021 le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novembre 2021 et 6 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Nougaro, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°2000656 du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 21 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 22 septembre 2020 du ministre de l'intérieur, prononçant son exclusion temporaire de fonction pour une durée de quatre mois, dont deux avec sursis.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 350 000 francs des collectivités du Pacifique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal s'étant appuyé sur un mémoire produit postérieurement à la clôture qui n'a pas été communiqué aux parties ;

- la décision du ministre repose sur des faits inexacts ;

- la sanction est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. C....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la fonction publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., brigadier-chef de la police nationale, affecté à la direction de la sécurité publique de Papeete, a fait l'objet de la sanction de suspension de fonction d'une durée de quatre mois, dont deux avec sursis, à la suite du décès le 19 février 2019 d'une personne placée en cellule de dégrisement pour ivresse publique, survenu dans sa cellule, alors que M. C... dirigeait la brigade en fonction au commissariat. M. C... demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quatre mois, dont deux avec sursis, ainsi que l 'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ".

3. Le mémoire en défense, produit devant le Tribunal par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, a été enregistré après la clôture de l'instruction et n'a ainsi pas été examiné par la formation de jugement. Si M. C... soutient que le tribunal s'est appuyé sur ce mémoire pour mentionner : " Il ressort en outre des pièces du dossier que le requérant, en charge d'encadrement, ne maîtrisait pas les procédures applicables aux situations de rétention de personnes au sein des locaux de police ", cet élément figure dans les visas de la décision ministérielle attaquée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Tribunal se serait appuyé sur des éléments qui n'auraient figuré que dans ce mémoire en défense ou dont le requérant n'aurait pas eu connaissance antérieurement. Dans ces conditions, le moyen tenant à la régularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la décision ministérielle attaquée :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...). L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Aux termes de l'article R. 434-10 du code de sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement. / Il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu'il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter ". En vertu de l'article R. 434-17 du même code : " Toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers ou des gendarmes (...). Le policier ou le gendarme ayant la garde d'une personne appréhendée est attentif à son état physique et psychologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne ". L'article R. 423-27 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ".

5. La décision de suspension de fonctions infligée à M. C..., brigadier-chef, qui encadrait la brigade de service le 19 février 2019 à partir de 13 h 00 est motivée, d'une part, par son absence de mesure particulière de surveillance d'une personne retenue au commissariat pour cause d'ivresse publique manifeste, qui a mis fin à ses jours en cellule, durant le service de l'intéressé. Si M. C... soutient que, contrairement au témoignage de fonctionnaires de police, démentis par d'autres témoignages, il n'avait pas été informé de la tentative du retenu de se suicider, qui se serait déroulée dans la matinée, et que cette tentative n'avait pas été mentionnée dans le registre des personnes en situation d'ivresse publique manifeste, il ressort des pièces du dossier qu'il a personnellement rendu visite à la personne retenue dans sa cellule au début de sa prise de fonctions, et a pu constater à cette occasion que ses vêtements étaient au sol dans le couloir, devant la cellule, et qu'il portait seulement un sous-vêtement. Il a également pu discuter avec le retenu. Par la suite, lors d'un retour de patrouille autour de 15 h 00, il a visionné la cellule, les images de la caméra de surveillance montrant que le retenu était allongé immobile au sol. S'il ressort des pièces du dossier que la surveillance de cette cellule par camera était de mauvaise qualité, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait donné des instructions aux agents placés sous son autorité, présents au poste, de se rendre régulièrement auprès du retenu ou de visionner la cellule, ou ait envisagé de le placer dans une cellule plus aisée à surveiller. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au retour de la deuxième patrouille, vers 16 h 00, une visite ou une surveillance du retenu ait été organisée, alors que l'intéressé, tombé à terre à 13 h 38, a été retrouvé sans vie peu après 17 h 00 et que son décès a été constaté.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... a ainsi commis une série de fautes en ne donnant pas de consigne particulière de surveillance de la personne retenue, alors que, selon les notes de service qu'il ne pouvait ignorer, une tournée de surveillance doit, en principe être organisée toutes les quinze minutes et plus souvent, si nécessaire. Il doit ainsi être regardé comme ayant manqué, en sa qualité de chef de brigade, aux obligations de déontologie et de discernement professionnels résultant des dispositions légales précitées. C'est donc sans erreur d'appréciation que le ministre a estimé que M. C... avait commis des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. M. C..., qui, aux termes de la décision attaquée a conservé la confiance de sa hiérarchie, fait valoir que la négligence dans la surveillance de la personne retenue est imputable au mauvais passage de consignes d'une brigade à l'autre, et aux fautes commises par la brigade précédente qui n'a pas soumis le retenu à une visite médicale et n'a pas consigné des faits pouvant être regardés comme une tentative de suicide. Toutefois, eu égard à la gravité des manquements

sus-analysés, reprochés à M. C..., qui n'ont permis de prévenir la survenance d'un événement ayant entraîné le décès d'une personne retenue dans les locaux de la police, la sanction de quatre mois de suspension dont deux avec sursis, n'est ni disproportionnée ni entachée d'erreur d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande contre l'arrêté du 22 septembre 2020. Ses conclusions aux fins d'annulation ainsi que celles relatives à l'attribution des frais exposés à l'occasion de l'instance doivent, par suite, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2023.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA05931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05931
Date de la décision : 20/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : NOUGARO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-20;21pa05931 ?
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