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17/01/2023 | FRANCE | N°22PA04706

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 17 janvier 2023, 22PA04706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2210186 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de M

ontreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la

Seine-Saint-Denis de réexam...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2210186 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la

Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme E... dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 3 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2022, Mme E..., représentée par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de soixante-dix euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle a méconnu son droit d'être entendue, principe général du droit de l'Union européenne ;

- elle méconnait l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait le 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale pour être fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale pour être fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 33 de la Convention de Genève ;

- elle méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- et les observations de Me Langlois pour Mme E....

Une note en délibéré présentée pour Me Langlois a été enregistrée le 9 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante congolaise née le 10 septembre 1999 à Kinshasa (République Démocratique du Congo RDC), entrée en France le 27 octobre 2020 selon ses déclarations, a demandé le statut de réfugiée qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 septembre 2021, et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 février 2022. Par un arrêté du 30 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite à l'issue de ce délai. Par un jugement du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme E... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel de ce jugement.

Sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis :

2. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a estimé que Mme E... résidait en France depuis près de deux ans avec son fils, scolarisé en petite section de maternelle en 2021-2022, et reconnu en avril 2022 par son père, M. D..., réfugié, qui, s'il ne réside pas au foyer de Mme E..., participe à l'entretien et à l'éducation de son enfant, et le voit régulièrement. Il a également relevé que Mme E... était prise en charge médicalement pour un état de stress post-traumatique. Il a estimé que, dans ces conditions, la reconstitution de la cellule familiale en RDC était impossible, et que l'arrêté en litige avait porté une atteinte excessive au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale.

3. S'il est constant que M. D... a, le 6 avril 2022, reconnu le jeune H..., fils de A... E..., né le 18 avril 2019 en Grèce, et a mentionné son existence ainsi que celle de Mme E... qu'il a présentée comme sa concubine dans une fiche familiale de référence qu'il a adressée à l'OFPRA le 19 octobre 2021, après s'être vu reconnaitre le statut de réfugié par l'OFPRA le 22 septembre 2021, et si Mme E... a soutenu dans ses écritures avoir, en octobre 2021, " retrouvé en France le père de son fils, Monsieur D..., ressortissant congolais, qu'elle avait perdu de vue depuis la Grèce ", le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir à bon droit que Mme E... et M. D... avaient, le 8 et le 13 septembre 2021, au cours de leurs entretiens respectifs à l'OFPRA, tous deux déclaré être célibataires. L'attestation de M. D... datée du 3 septembre 2022, produite en première instance, selon laquelle ils se seraient retrouvés " par hasard au Château Rouge ", ne permet d'ailleurs pas de confirmer la date de cet évènement. De plus, l'acte de naissance du jeune H... ne mentionne pas le nom de son père. Enfin, les tickets de caisse des dépenses censées avoir été exposées par M. D... dans l'intérêt de cet enfant, qui ne mentionnent aucun nom, et la fiche de renseignement relative à ses activités périscolaires et extrascolaires pour l'année scolaire 2022-2023, postérieure à l'arrêté attaqué, sur laquelle M. D... apparaît en qualité de responsable légal avec Mme E..., sont insuffisantes pour établir qu'il participerait à l'entretien et l'éducation de ce même enfant, alors qu'il est constant que M. D... ne réside pas avec lui et avec Mme E.... Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler son arrêté du

30 mai 2022.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens soulevés par Mme E... :

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour de Mme E... au titre de l'asile et la décision portant obligation de quitter le territoire :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-0841 du 1er avril 2022, régulièrement publié au bulletin des informations administratives du département de la Seine-Saint-Denis du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. C... G..., signataire de l'arrêté en litige, pour signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, celles fixant le délai de départ et celles fixant le pays de destination, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est ni allégué ni établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées à la date à laquelle l'arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. "

7. L'arrêté en litige comporte l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il n'a pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressée dont l'administration a connaissance, mais seulement ceux sur lesquels elle entend fonder sa décision. Ainsi, il est suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux n'aurait pas donné lieu à un examen complet de la situation de Mme E..., ou que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait cru en situation de compétence liée pour l'édicter.

9. En quatrième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de

l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre, à son égard, une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il revient à l'intéressée, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

10. Il est constant que Mme E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. Dès lors, elle ne pouvait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tendait à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de rejet elle pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une décision fixant le pays de destination. Ainsi, il lui appartenait, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux de nature à justifier son admission au séjour, y compris sur un autre fondement. Le droit pour Mme E... d'être entendue, ainsi satisfait, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressée à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français prise en conséquence du refus d'admission au séjour au titre de l'asile. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision.

Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. "

12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient Mme E..., un demandeur d'asile ayant exercé un recours contre la décision de rejet de sa demande de protection internationale par l'OFPRA a le droit de se maintenir sur le territoire français, non jusqu'à la notification de la décision de la CNDA, mais jusqu'à la date de lecture en audience publique de cette dernière décision. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que la décision par laquelle la CNDA a rejeté le recours formé par Mme E... à l'encontre de la décision de l'OFPRA du 30 septembre 2021, a été lue en audience publique le 22 février 2022. Le moyen tiré d'une violation des dispositions citées ci-dessus ne peut donc qu'être écarté.

Mme E... ne saurait utilement contester les conditions de la consultation de la base de données TELEMOFPRA, relative à l'état des procédures de demande d'asile, par les agents de la préfecture de la Seine-Saint-Denis.

13. En sixième lieu, Mme E... qui n'a pas sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé, et n'établit, ni même n'allègue avoir informé le préfet du syndrome de stress post-traumatique dont elle soutient être atteinte, ne peut utilement soutenir qu'il se serait irrégulièrement abstenu de saisir le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En tout état de cause, elle n'établit pas, en produisant un certificat médical du 18 janvier 2022 faisant état d'un psychotraumatisme en lien avec les évènements qu'elle aurait subis en RDC, et cinq ordonnances médicales que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle n'est donc pas fondée à invoquer les dispositions du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En septième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. " Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".

15. Il ressort de ces dispositions que la circonstance que l'administration aurait manqué à son obligation d'inviter l'intéressé à présenter une demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile est sans incidence sur la légalité des mesures attaquées, dès lors que la méconnaissance de cette obligation n'a d'autre effet que de rendre inopposable aux demandeurs d'asile, non régulièrement informés, le délai pour demander un titre de séjour sur un autre fondement. Or il n'est ni établi ni même allégué, que Mme E... aurait déposé une demande de titre de séjour sur un fondement autre que son admission au séjour au titre de l'asile après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de délivrance des titres de séjour, ni que le préfet lui aurait opposé le caractère tardif de cette demande. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration ne lui aurait pas délivré l'information prévue par les dispositions de l'article L. 431-2 pour l'inviter, le cas échéant, à présenter dans le délai fixé par le texte, une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

16. En huitième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

17. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'a soutenu Mme E... en première instance, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son fils. D'autre part, la décision en litige n'a pas pour effet de séparer Mme E... de son fils. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'arrêté méconnaîtrait les stipulations précitées et serait, pour ce motif, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

18. En dernier lieu, Mme E... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

19. En premier lieu, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

20. En deuxième lieu, cette décision énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

21. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'intéressée ne justifiant d'aucun motif exceptionnel devant conduire à lui accorder un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours.

22. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 17 que cette décision ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

23. En premier lieu, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

24. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ". En vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

25. Si Mme E... se prévaut d'un risque de mauvais traitement en cas de retour en RDC en raison des violences qu'elle y aurait subies, elle n'établit pas le bienfondé de ses craintes à la date de l'arrêté attaqué. Sa demande tendant à se voir reconnaitre le statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée. Elle n'est, dès lors, par fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions précitées.

26. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 17 que les moyens tirés devant le tribunal administratif de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 30 mai 2022, et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme E... en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions de Mme E... présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative:

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2210186 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 3 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, Mme B... E... et à Me Langlois.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023.

Le rapporteur,

J-C. F...

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04706
Date de la décision : 17/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-17;22pa04706 ?
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