Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun 1°) " de reconnaître la responsabilité de la commune de Vitry-sur-Seine de nature à engager la responsabilité de l'Etat " ; 2°) de condamner l'Etat au paiement de dommages et intérêts pour les montants de 67 712 euros au titre de la réparation de son préjudice lié au trouble de jouissance, 25 562 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1809851 du 11 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2021, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 11 avril 2022, M. A..., représenté par Me Jovy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner la commune de Vitry-sur-Seine à lui verser la somme de 67 712 euros au titre de la réparation de son préjudice lié au trouble de jouissance, la somme de 25 562 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vitry-sur-Seine la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune de Vitry-sur-Seine a commis une faute en ne prenant pas des mesures appropriées, s'agissant de la police administrative municipale, pour faire cesser les nuisances sonores qu'il subissait ;
- la commune a également commis une faute en ne respectant pas les dispositions du code de l'urbanisme lui faisant obligation de dresser procès-verbal des infractions constatées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre 2021 et 5 mai 2022, la commune de Vitry-sur-Seine, représentée par Me Lubac, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car elle se borne à une reprise pure et simple de l'argumentation de première instance ;
- les moyens soulevés par M. A... sont infondés.
Par une ordonnance du 19 juillet 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2022 à 12 heures.
Par une décision du 28 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code général des collectivités territoriales ;
-le code de la santé publique ;
-le code de l'urbanisme ;
-le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blanquinque pour la commune de Vitry-sur-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... réside dans un immeuble situé 170 rue Gabriel Péri à Vitry-sur-Seine
(Val-de-Marne). Au rez-de-chaussée du même immeuble, est installé un établissement de restauration rapide qui a obtenu de la copropriété, en avril 2002, l'autorisation d'installer une conduite de cheminée extérieure fixée contre le mur intérieur de l'immeuble pour permettre l'aération de la cuisine du restaurant. Cette autorisation a été annulée par l'assemblée générale des copropriétaires en juin 2002 au motif des nuisances générées par les clients du restaurant. Après une expertise, le tribunal de grande instance de Créteil, le 23 octobre 2007, a annulé la décision de l'assemblée générale des copropriétaires de juin 2002 pour abus de majorité. En 2009, M. A... s'est plaint auprès de l'exploitant du restaurant, du syndic et de la mairie des nuisances sonores générées par l'extracteur d'air dont le moteur était posé sur la toiture de l'immeuble au droit de son logement. En juin 2010, une mesure acoustique a révélé une infraction à la réglementation en vigueur. Le gérant du commerce a été mis en demeure de changer le moteur de l'extracteur, ce qui est fait en septembre 2010. En octobre 2011, M. A... saisit à nouveau la commune de Vitry-sur-Seine de la gêne occasionnée par les vibrations causées par le moteur de l'extracteur d'air. La commune lui a proposé de procéder à une mesure de bruit en juillet 2012, à la suite de l'entretien du moteur. Cette mesure est effectuée en décembre 2013 à la suite d'une nouvelle saisine de M. A... et elle a mis en évidence une atteinte à la tranquillité publique engendrée par le dispositif installé en toiture. Un délai de trois mois a été donné à l'exploitant pour prendre les mesures nécessaires. En mars 2014, M. A... a saisi à nouveau la commune sur la longueur du délai octroyé, sur la régularité de l'enseigne de l'établissement et sur la régularité de la cheminée d'extraction eu regard du droit de l'urbanisme. Une nouvelle mesure a été effectuée en juin 2014 qui a constaté une nouvelle infraction et le procès-verbal a été transmis au procureur de la République. En septembre 2014, M. A... se plaint à nouveau du bruit qui augmentait. En novembre de la même année, la commune de Vitry-sur-Seine a mis en demeure le gestionnaire de l'établissement et le propriétaire du local de régulariser leur installation au regard du code de l'urbanisme, ce qui a été fait en juin 2015. La cour d'appel de Paris, le 13 mai 2015, a désigné un expert afin de rechercher si le moteur équipant le conduit d'aération d'air vicié du commerce était conforme aux règles de l'art et s'il provoquait des nuisances sonores diurnes et nocturnes. L'expert a rendu son rapport en mars 2016 et, le 26 avril 2017, la cour d'appel de Paris a reconnu le trouble anormal de voisinage résultant de nuisances sonores et condamné sous astreinte le propriétaire du local et l'exploitant à exécuter les travaux préconisés par l'expert pour sinon supprimer du moins réduire le bruit provoqué par l'extracteur d'air et a mis à leur charge une somme de 2 000 euros à verser à
M. A... en réparation de son préjudice moral, en rejetant ses demandes tendant à la réparation de son trouble de jouissance. Les travaux ont été réalisés en mai 2017. Une requête préalable indemnitaire a été formée par M. A... auprès de la commune de Vitry-sur-Seine le
22 juillet 2018. M. A... a demandé au Tribunal administratif de Melun " de reconnaître la responsabilité de la commune de Vitry-sur-Seine de nature à engager la responsabilité de l'Etat " et de condamner l'Etat au paiement de dommages et intérêts pour les montants de
67 712 euros au titre de la réparation de son préjudice lié au trouble de jouissance, 25 562 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en jugeant, d'une part, que la responsabilité de l'État ne pouvait être mise en jeu dans la mesure où les pouvoirs de police en cause relevaient de la police municipale et non d'une police de l'État, d'autre part, que, à supposer que M. A... recherche la responsabilité de la commune de Vitry-sur-Seine, celle-ci n'avait commis aucune faute. M. A... relève appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage. (...) ". Et aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (...) ". Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. (...). Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public (...) ".
4. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'à la suite de la plainte de Monsieur A... à la fin de l'année 2009 la commune de Vitry-sur-Seine a diligenté une mesure acoustique le
18 juin 2010, ce qui a conduit à un changement du moteur de l'extracteur d'air effectué en septembre 2010. D'autre part, en octobre 2011, M. A... saisit à nouveau la commune de
Vitry-sur-Seine de la gêne occasionnée par les vibrations causées par le moteur de l'extracteur d'air. Toutefois, M. A... n'a pas donné suite à plusieurs demandes de la commune de réaliser de nouvelles mesures sonores durant l'année 2012. Cette mesure est effectuée en décembre 2013 à la suite d'une nouvelle saisine de M. A... et elle a mis en évidence une atteinte à la tranquillité publique engendrée par le dispositif installé en toiture. Un délai de trois mois a été donné à l'exploitant pour prendre les mesures nécessaires. En mars 2014, M. A... a saisi à nouveau la commune sur la longueur du délai octroyé, sur la régularité de l'enseigne de l'établissement et sur la régularité de la cheminée d'extraction au regard du droit de l'urbanisme. Une nouvelle mesure a été effectuée en juin 2014 qui a constaté l'infraction et le procès-verbal a été transmis au procureur de la République. En septembre 2014, M. A... se plaint à nouveau du bruit qui augmentait. En novembre de la même année, la commune de Vitry-sur-Seine a mis en demeure le gestionnaire de l'établissement et le propriétaire du local de régulariser leur installation au regard du code de l'urbanisme, ce qui a été fait en juin 2015. Parallèlement la commune a contacté à de nombreuses reprises M. A... à compter de décembre 2014 pour réaliser de nouvelles mesures sonores mais celui-ci n'y a pas donné suite. Enfin, comme il a été dit au point 1, le litige a été clos par la réalisation des travaux ordonnés par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 avril 2017. Il résulte donc de l'instruction que la commune de Vitry-sur-Seine a pris avec diligence toutes les mesures appropriées pour remédier aux nuisances sonores subies par M. A..., certains délais s'expliquant uniquement par la passivité de ce dernier qui n'a pas donné suite à certaines demandes de la commune. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la commune de Vitry-sur-Seine a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Dès lors, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
6. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Vitry-sur-Seine.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Vitry-sur-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Vitry-sur-Seine .
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au préfet du Val de Marne en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04068