Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Generali IARD a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 043 220,53 euros au titre des préjudices subis par son assurée, l'EURL Fourcroy, du fait d'actes de vandalisme perpétrés à la suite d'une manifestation dite de " gilets jaunes ".
Par une ordonnance n° 2018310 du 24 août 2021, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 octobre 2021 et 12 octobre 2022, la société Generali IARD, représentée par la SELAS Comolet-Zanati, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Etat a rejeté sa demande d'indemnisation ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 043 220,53 euros ou, à défaut, une somme de 290 549,87 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'Etat est responsable sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;
- elle n'a pas pris acte de l'extinction de ses prétentions pour les dommages causés du fait du rassemblement en date du 1er décembre 2018, dès lors que l'accord transactionnel conclu le 17 novembre 2020 a été remis en cause par le préfet et que son indemnisation partielle n'a pas éteint son recours dans son intégralité ;
- l'accord transactionnel est affecté d'une erreur de la part du préfet de police qui a évalué son préjudice en en déduisant le montant de la caution versée par l'ancien locataire du bien de l'EURL Fourcroy, alors que cette caution a été restituée ;
- elle ne demande pas à être indemnisée de la restitution de la caution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il n'y a pas lieu à statuer à hauteur de 787 253,36 euros ;
- les conclusions de la requérante tendant à l'indemnisation du montant de la caution doivent être rejetées dès lors que cette caution n'avait pas vocation à rester dans le patrimoine de son assurée et que cette dernière a en outre vraisemblablement perçu une caution de ses nouveaux locataires.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la transaction du 17 novembre 2020 est entachée d'un vice de consentement.
Le préfet de police a présenté des observations sur ce moyen le 18 novembre 2022.
Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
31 octobre 2022.
Un mémoire présenté par le préfet de police a été enregistré le 7 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Malaize, représentant la société Generali IARD.
Considérant ce qui suit :
1. La société Generali IARD est l'assureur de l'EURL Fourcroy, dont le bien immobilier a été vandalisé le 1er décembre 2018 à la suite d'une manifestation dite des
" gilets jaunes ". Outre le préjudice lié aux dégradations matérielles de son bien,
l'EURL Fourcroy a subi une perte de loyer, son locataire ayant dû quitter les locaux, devenus inutilisables, le temps des travaux, avant de décider de résilier son bail, ainsi que des frais de gardiennage. La société Generali IARD, subrogée dans les droits de l'EURL Fourcroy, a formé auprès de l'Etat une demande afin d'être indemnisée à hauteur de 1 043 220,53 euros sur le fondement de l'article 211-10 du code de la sécurité intérieure, et a saisi le tribunal administratif à cette fin après le rejet implicite de sa demande. Le préfet de police ayant produit, au cours de la première instance, une transaction du 17 novembre 2020 stipulant que la société Generali IARD acceptait la somme de 787 253,36 euros et prenait acte de l'extinction de ses prétentions, le tribunal a prononcé, par une ordonnance, un non-lieu à statuer, dont la société Generali IARD relève appel.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Selon les stipulations de la transaction du 17 novembre 2020, la société
Generali IARD déclare accepter la somme de 787 253,36 euros pour le règlement total et définitif des préjudices matériels et économiques subis par son sociétaire lors de la manifestation du 1er décembre 2018, à l'exclusion du préjudice constitué par la restitution du dépôt de garantie.
3. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la première instance, une somme de 787 253,36 euros a été versée par le préfet de police à la société Generali IARD. La requérante ayant ainsi été indemnisée de cette part du préjudice dont elle demandait réparation, ses conclusions étaient, dans cette mesure, devenues sans objet.
4. En revanche, il résulte des termes de la transaction, éclairés par les autres éléments de l'instruction et, en particulier, les échanges de courriels entre la société et les services de la préfecture de police datés du même jour, que la question de la caution a été expressément exclue du champ de la transaction. Dans ces conditions, la demande indemnitaire de la société
Generali IARD n'était pas, sur ce point, devenue sans objet. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la demande était devenue sans objet en tant qu'elle portait sur le dépôt de garantie. L'ordonnance en date du 24 août 2021 doit, dès lors, être partiellement annulée pour ce motif.
5. Il y a lieu d'évoquer les conclusions aux fins de condamnation présentée en première instance en tant qu'elles portent sur la caution.
Sur les conclusions indemnitaires de la société Generali IARD :
6. Il résulte de la comptabilité de l'ancien locataire de l'EURL Fourcroy, figurant à l'annexe 3 du rapport de l'expert auquel a eu recours le préfet de police, que le dépôt de garantie de 290 549,87 euros ne lui avait pas été restitué au 29 octobre 2019. Malgré la demande qui lui en a été faite par la Cour, la société Generali IARD n'a pas apporté la preuve que l'EURL Fourcroy avait, postérieurement à cette date, restitué cette caution. Dans ces conditions, et compte tenu des arguments qu'elle invoque, sa demande présentée à ce titre doit être rejetée.
Sur les frais du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés par la société Generali IARD et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2018310 du 24 août 2021 du tribunal administratif de Paris est annulée en tant qu'elle a prononcé un non-lieu à statuer sur les prétentions de la société Generali IARD excédant la somme de 787 253,36 euros et portant sur la caution.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de la société Generali devant le tribunal administratif de Paris et de sa requête devant la Cour est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Generali IARD et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
Mme Briançon, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
La rapporteure,
M. B...
La présidente,
M. A...
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05501