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10/01/2023 | FRANCE | N°22PA02660

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 22PA02660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104562 du 13 mai 2022 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Luthi, demand

e à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104562 du 13 mai 2022 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Luthi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre à sa demande d'expertise ;

- la preuve du défaut de filiation n'a pas été rapportée ;

- elle contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils ;

- le père de son enfant entretient une relation avec ce dernier.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. C... a prononcé son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise (République du Congo) née en 1990, et entrée en France en septembre 2017 selon ses déclarations, a sollicité le 31 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 9 mars 2021 le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 13 mai 2022, dont Mme B... fait appel, ce tribunal a rejeté sa requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date du dépôt de la demande de titre de séjour de Mme B... : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il dispose d'éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour refuser à Mme B... un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que la reconnaissance de paternité de son enfant, né le 20 mai 2018 en France, par un ressortissant français, et faite par anticipation le 3 mai 2018, avait pour seul but de permettre à cette dernière d'obtenir un droit au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a retenu qu'il existait un faisceau d'indices en ce sens tenant, au fait que ce dernier apparaissait dans le fichier national des étrangers pour trois autres dossiers de demandes de titre de séjour présentées par des ressortissantes étrangères en situation irrégulière en tant que mères d'enfants français, qu'il était marié et avait des enfants de cette union, qu'il n'avait pas de vie commune avec Mme B..., et qu'il n'était pas établi qu'il participait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en cause, ce dernier ayant déclaré, lors de sa convocation devant les services préfectoraux, verser à cette dernière 100 euros de pension alimentaire sans étayer ses allégations. Toutefois, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme B.... Par conséquent, et bien que la décision contestée mentionne que le substitut du Procureur de la République a été saisi, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne verse pas d'autres éléments au dossier, ne peut être regardé comme apportant la preuve de la fraude ayant motivé la décision contestée. Dès lors, et alors qu'il n'est pas contesté que Mme B... remplit les autres conditions nécessaires à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu ces dispositions.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 13 mai 2022 et la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mars 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressée, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

Le président-rapporteur,

J. C... L'assesseur le plus ancien,

J-F. GOBEILL

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02660
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LUTHI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-10;22pa02660 ?
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