Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2013569 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 mars et 4 avril 2022, M. C..., représenté par Me Lendrevie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2013569 du 15 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'un moyen d'ordre public lui a été envoyé la veille de l'audience, ne lui laissant pas un temps suffisant pour présenter ses observations ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle et professionnelle, ainsi donc que d'une erreur de fait ;
- il justifie de voir sa situation régularisée au titre de son insertion professionnelle, le préfet ayant commis une erreur manifeste d'appréciation ; les premiers juges ne pouvaient porter une appréciation sur cette dernière ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... ;
- les observations de Me Lendrevie pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né en février 1990, est entré en France en 2016 selon ses dernières déclarations. Le 6 novembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de salarié au titre d'une admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 4 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen ;
2. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 31 janvier 2021 par lequel le tribunal a informé les parties qu'il était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de la substitution à la base légale erronée de l'application de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celle du pouvoir de régularisation du préfet, n'a été communiqué à M. C... que la veille de l'audience publique qui s'est tenue le 1er février 2021. Par suite, en méconnaissance du principe du contradictoire de la procédure, le requérant n'a pas disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité des décisions attaquées :
- En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-2175 du 2 octobre 2020, publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le 5 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à certains collaborateurs de Mme G... A..., directrice des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, et notamment à Mme F... D..., attachée d'administration, chargée des refus de séjour et des interventions, pour signer l'ensemble des décisions de refus de séjour et d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. C... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Elle mentionne notamment la présence de ses parents et de ses frères en France et les bulletins de paie, contrat de travail avec demande d'autorisation de travail produits afférents à sa situation professionnelle. La circonstance que la date d'entrée en France indiquée soit erronée ou ne correspondrait pas à ses déclarations, ce qui n'est pas établi au dossier, ni celle que le préfet n'y fait pas référence à ses bulletins de paie de 2019 et 2020, à supposer que M. C... les ait communiqués aux services de la préfecture, n'est pas de nature à démontrer que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée ou présenterait un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... Ces moyens doivent donc être écartés.
6. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé. Toutefois, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, en usant à cette fin du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. D'une part, si M. C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, il ne justifie d'une expérience professionnelle que de manière interrompue depuis son entrée en France déclarée le 31 mars 2016, soit à compter du mois d'avril pour l'année 2016, de janvier à juillet pour l'année 2017, à compter du mois de mars pour l'année 2018, seulement en novembre et décembre pour l'année 2019, et l'année 2020 jusqu'à la date de la décision attaquée du 4 novembre 2020. La circonstance qu'il a conclu un contrat à durée indéterminée le 4 novembre 2019, en qualité de plombier, avec une société qui a rempli une demande d'autorisation de travail à cet effet, et pour laquelle il a travaillé jusqu'en 2020, compte tenu de son caractère récent et de son expérience antérieure limitée, pour le compte de diverses sociétés, ainsi que de la faible durée de son séjour en France, n'est pas de nature à démontrer que sa demande puisse être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel susceptible de justifier une régularisation au titre du travail. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle en ne faisant pas usage de son pourvoir de régularisation. En outre, si M. C... fait valoir qu'il remplit les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, en vue de la régularisation de sa situation au regard du droit au séjour, celle-ci est dépourvue de toute valeur réglementaire et il ne peut donc utilement s'en prévaloir.
8. D'autre part, M. C..., était âgé de 30 ans à la date de la décision attaquée, et il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans ces conditions, quand bien même il se prévaut de la présence régulière en France de ses parents et de sa fratrie, sa demande ne pouvait être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel susceptible de justifier une régularisation au titre de sa vie privée et familiale, le préfet, n'ayant pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation sur ce fondement.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
10. En l'espèce, pour les raisons exposées au point 8 et compte tenu de la faible durée du séjour de M. C..., le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit être écartée.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2013569 du 15 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Renaudin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01069 2