Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 du préfet de police en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter du jugement à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2112642 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2021, des pièces enregistrées le 7 juillet 2022 et le 9 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, M. A... C..., représenté par Me Victor, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2112642 du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 du préfet de police en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour salarié ou vie privée et familiale, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu par la " 8ème section, 1ère chambre " du tribunal administratif de Paris, qui n'a aucune existence légale faute d'avoir été créée par un arrêté du vice-président du Conseil d'État conformément aux dispositions de l'article R. 221-6 du code de justice administrative ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'avait qu'une faible ancienneté et une absence de qualification professionnelle faisant fi de presque trois années d'expérience ;
- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il a regardé le métier, par lui exercé, comme n'étant pas sous tension ;
- il est enfin entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence de vie familiale en France ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense enregistrés le 17 février 2022 et 9 novembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le rapporteur public a été, sur sa demande, dispensé de présenter des conclusions à l'audience sur la présente affaire.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me Hubert, substituant Me Victor, avocat du requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais né le 4 septembre 1988 et entré en France au mois de janvier 2017 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 25 mai 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Le tribunal administratif de Paris, saisi par M. C... aux fins d'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, a rejeté cette demande par un jugement du 12 novembre 2021 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 234-1 du code de justice administrative dispose : " L'affectation d'un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est prononcée par arrêté du vice-président du Conseil d'État. (...) Les affectations des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont effectuées en prenant notamment en compte les emplois vacants, l'intérêt du service au sein de la juridiction d'accueil et, le cas échéant, de la juridiction d'origine, ainsi que les intérêts familiaux et personnels dont les intéressés font état ". Aux termes de l'article R. 221-6 du code de justice administrative : " Le tribunal administratif de Paris comprend des chambres regroupées en sections dont les nombres respectifs sont fixés par arrêté du vice-président du Conseil d'État. Il est présidé par un président classé au 7e échelon de son grade. ". Les articles R. 222-3 et R. 222-8 du même code disposent respectivement que : " Le président prend les dispositions nécessaires au fonctionnement de la juridiction qu'il préside. Il assure la direction des services de cette juridiction et le maintien de sa discipline intérieure. " et que : " L'affectation des membres dans les chambres et la composition de chacune d'elles ainsi que la répartition des affaires entre ces chambres sont décidées par le président de la juridiction ".
3. La fixation, par l'arrêté du vice-président du Conseil d'État, du nombre de sections et de chambres que comprend le tribunal administratif de Paris ne fait pas obstacle à ce que, dans un but de bonne administration de la justice et notamment pour assurer le respect des délais de jugement fixés par le législateur en matière de contentieux des étrangers, le président de cette juridiction, dans l'exercice de son pouvoir d'organisation, prévoie une formation de jugement supplémentaire, en particulier si le nombre des magistrats titulaires du grade de président affectés dans cette juridiction est supérieur à celui nécessaire au fonctionnement des chambres dont le nombre a été fixé par le vice-président du Conseil d'État.
4. En l'espèce, si l'arrêté du 2 juillet 2021 pris par le vice-président du Conseil d'État en application des dispositions précitées de l'article R. 221-6 du code de justice administrative a fixé le nombre de chambres du tribunal administratif de Paris à dix-huit, regroupées en six sections, il est constant que le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale présidée par un magistrat titulaire du grade de président, affecté dans cette juridiction à compter du 1er septembre 2021 par un arrêté du 23 mars 2021 du vice-président du Conseil d'État, dont il résulte que le nombre des magistrats titulaires de ce grade était supérieur à celui nécessaire au bon fonctionnement des chambres dont le nombre a été fixé par la même autorité, et composée de magistrats eux aussi régulièrement nommés et affectés dans la même juridiction. Dans ces conditions, la circonstance que le jugement mentionne qu'il a été rendu par une huitième section, dont l'existence n'est pas prévue par l'arrêté du 2 juillet 2021, est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant à compter du 1er mai 2021 les mêmes dispositions que l'ancien article L. 313-14 du même code: " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. Si, comme l'ont relevé les premiers juges, M. C... justifie suffisamment résider habituellement en France depuis l'année 2017, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille. S'il est inséré professionnellement, occupant depuis le mois de novembre 2018 un emploi d'ouvrier d'exécution pour lequel il fournit des bulletins de salaire, assortis néanmoins d'une simple offre de contrat de travail sous conditions en date du 22 octobre 2018, et s'il produit une lettre et un formulaire " cerfa " de demande d'autorisation de travail établis par son employeur en vue de la conclusion d'un contrat d'une durée indéterminée, pour un métier dont il n'est pas davantage établi en appel que devant les premiers juges, en tout état de cause, qu'il serait en tension, cette insertion datait de deux ans et demi environ à la date de la décision attaquée. Ainsi, eu égard, d'une part, à la faible ancienneté dans son emploi et à son absence de qualifications professionnelles, et, d'autre part, à la situation personnelle de l'intéressé qui ne peut se prévaloir de liens d'une particulière intensité en France, le préfet de police a pu sans erreur manifeste d'appréciation estimer que sa situation ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour et refuser de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Si M. C... se prévaut de ce qu'il vit en France depuis l'année 2017 et s'y est rapidement intégré par le travail, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et n'établit l'existence d'aucun lien particulier qu'il y aurait noués. Par ailleurs, si l'une de ses tantes réside en France, il n'allègue pas ni établit être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. C... et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième et dernier lieu, et compte tenu notamment de ce qui a été indiqué aux point 7 et 9 sur la situation personnelle du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. C....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., qui, au demeurant, ne présente devant la Cour aucun moyen ou argument nouveau de nature à lui permettre de remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges sur la légalité de l'arrêté litigieux, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 25 mai 2021 du préfet de police en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de cet arrêté doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter du jugement à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le requérant, qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.
L'assesseur le plus ancien,
J.-F. GOBEILL
Le président-rapporteur
S. B...
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06541