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10/01/2023 | FRANCE | N°21PA02959

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 21PA02959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son transfert du centre de détention de Joux-la-Ville au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes.

Par un jugement n° 1926993 du 23 avril 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, Mme B..., représentée par Me Ciaudo, demand

e à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926993 du 23 avril 2021 du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son transfert du centre de détention de Joux-la-Ville au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes.

Par un jugement n° 1926993 du 23 avril 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, Mme B..., représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926993 du 23 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné son transfert du centre de détention de Joux-la-Ville au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de la transférer vers le centre de détention de Joux-la-Ville dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir dans la mesure où son transfert la prive de toute possibilité de visite au parloir de sa famille ;

- le garde des sceaux, ministre de la justice n'était pas compétent pour décider de son transfert ; en tout état de cause, il n'est pas justifié de la délégation du signataire de la décision ;

- la décision est entachée de vice de procédure en l'absence de demande du directeur du centre de détention de Joux-la-Ville, conformément aux dispositions de l'article D. 82 du code de procédure pénale ;

- elle n'a pas été précédée des avis du juge d'application des peines et du procureur de la République prévus par les dispositions de l'article D. 82-1 du code de procédure pénale ; ce vice de procédure l'a privée d'une garantie ;

- la décision contestée, prise pour raisons médicales, méconnait les dispositions de l'article D. 360 du code de procédure pénale ;

- elle porte atteinte à son droit de mener une vie familiale normale et de recevoir des visites au parloir, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 74 du code de procédure pénale.

La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- l'ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire et le décret n° 2022-479 du 30 mars 2022 portant partie réglementaire du code pénitentiaire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., définitivement condamnée à trente années de réclusion criminelle a fait l'objet, se trouvant incarcérée depuis août 2017 au centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) d'un changement d'affectation pour le quartier " centre de détention " du centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes (Bouches-du-Rhône) décidé le 21 novembre 2018 par le garde des sceaux, ministre de la justice. Mme B... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande par un jugement du 23 avril 2021, dont elle relève appel devant la Cour.

2. Aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable au litige : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. (...) " et aux termes de l'article D. 70 du même code : " Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (...) / Les centres pénitentiaires regroupent des quartiers distincts pouvant appartenir aux différentes catégories d'établissements pénitentiaires. Ces quartiers sont respectivement dénommés, en fonction de la catégorie d'établissement correspondante, comme suit : " quartier maison centrale ", " quartier centre de détention " (...) ". Aux termes de l'article D. 82 du même code : " L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l'établissement dans lequel il exécute sa peine. / La décision de changement d'affectation appartient au ministre de la justice, dès lors qu'elle concerne : / 1° Un condamné dont il a décidé l'affectation dans les conditions du deuxième alinéa de l'article D. 80 et dont la durée de l'incarcération restant à subir est supérieure à trois ans, au jour où est formée la demande visée au premier alinéa ; (...) ".

3. Les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. Doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention.

4. Le centre de détention de Joux-la-Ville et le quartier " centre de détention " du centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes sont des établissements de même nature. Si Mme B... invoque son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en faisant valoir que ses filles, nées en 2015, vivent chez ses beaux-parents à Palleau en Saône-et-Loire, et ne pourront plus venir la voir aussi facilement, il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du document portant proposition d'affectation émanant du directeur du centre de détention de Joux-la-Ville, que ses filles ne sont venues la visiter dans cet établissement que deux fois seulement en 2018. Par ailleurs, aucun élément au dossier n'établit qu'elles ne pourraient se rendre au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, celui-ci ne se situant pas, contrairement à ce qu'affirme la requérante à une distance telle de leur lieu de résidence qu'elle présenterait le caractère d'un obstacle insurmontable à toute possibilité de visite et alors que ce centre dispose d'unités de vie familiale. Par suite, l'affectation de la requérante au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes n'est pas, par elle-même et en l'absence de circonstances particulières, de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale tel qu'il est garanti par les stipulations du premier paragraphe de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont, au demeurant, le second paragraphe stipule que les ingérences d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit sont notamment possibles lorsqu'elles sont nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

5. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, après avoir jugé que ses droits fondamentaux ne sont pas méconnus, a écarté comme irrecevables, car dirigées contre un acte administratif insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête d'appel doivent donc être rejetées, en ce comprises, par voie de conséquences, celles à fin d'injonction sous astreinte qu'elle a présentées et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice et 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Renaudin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA02959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02959
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-10;21pa02959 ?
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