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10/01/2023 | FRANCE | N°21PA00793

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 21PA00793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 12 mai 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre à ce préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui remettre, dans l'attente du résultat de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail au besoin sous astreinte.

Par un jugement n° 2004765 du 14 janvier 2021, le tribunal adm

inistratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 12 mai 2020, a enjoint au préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 12 mai 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre à ce préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui remettre, dans l'attente du résultat de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail au besoin sous astreinte.

Par un jugement n° 2004765 du 14 janvier 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 12 mai 2020, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. A..., sous réserve d'un changement de circonstance de fait ou de droit résultant de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, en lui remettant une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier ayant renoncé à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2021, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me Termeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004765 du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Melun

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, dès lors que M. A..., dont la demande d'asile a fait l'objet d'une procédure accélérée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dès lors qu'il est de nationalité sénégalaise et provient ainsi d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas le droit de se maintenir sur le territoire français à compter de la notification de la décision de l'office, conformément à l'article L. 743-2 (7°) dudit code ;

- les moyens présentés par l'intéressé devant les premiers juges doivent être écartés.

La requête a été communiquée à M. B... A..., qui n'a pas présenté d'observations en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 12 septembre 2022 à M. B... A..., en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, aux fins de production d'un mémoire récapitulant les moyens de première instance qu'il entend maintenir devant la Cour dans l'hypothèse où cette dernière se prononcerait par l'effet dévolutif de l'appel sur sa demande présentée devant le tribunal administratif. L'intéressé n'a pas déféré à cette mise en demeure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement en date du 14 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 12 mai 2020 obligeant M. B... A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé, sous réserve d'un changement de circonstance de fait ou de droit résultant de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, en lui remettant une autorisation provisoire de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 611-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

3. L'article L. 743-2 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 722-1 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le conseil d'administration fixe les orientations générales concernant l'activité de l'office et délibère sur les modalités de mise en œuvre des dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne. Le conseil d'administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, dans les conditions prévues à l'article 37 et à l'annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il examine régulièrement la situation dans les pays considérés comme des pays d'origine sûrs. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée sur la demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays mentionné sur la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'office et que le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office rejetant sa demande, même s'il a formé un recours contre cette décision devant la cour nationale du droit d'asile.

5. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 12 mai 2020 que pour retirer l'attestation constatant le dépôt de la demande d'asile de M. A... et pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2019, notifiée le 30 décembre 2019, rejetant la demande d'asile de M. A..., ressortissant sénégalais, et sur la circonstance que l'intéressé s'est " abstenu de contester cette décision de rejet devant la Cour nationale du droit d'asile, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Il ressort des pièces du dossier que la demande de l'intéressé a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée dès lors que, de nationalité sénégalaise, il est ressortissant d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens des dispositions du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le droit de M. A... de se maintenir sur le territoire français prenait fin à la date de notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2019 rejetant sa demande d'asile, soit le 30 décembre 2019, en application des dispositions de l'article L. 723-2 et du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3 du présent arrêt. Il s'ensuit que le préfet du Val-de-Marne pouvait pour le seul motif tiré du rejet de la demande d'asile de M. A... par cette décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides décider de retirer l'attestation constatant le dépôt de sa demande d'asile et prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté pour erreur de droit au motif que M. A... avait le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Melun et la Cour.

Sur la demande de première instance de M. A... :

7. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement (...) peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement (...) peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. ".

8. En application des dispositions précitées, le président de la formation de jugement a, le 12 septembre 2022, mis en demeure M. A... de produire un mémoire récapitulant les moyens de première instance qu'il entend maintenir devant la Cour dans l'hypothèse où cette dernière se prononcerait par l'effet dévolutif de l'appel sur sa demande présentée devant le tribunal administratif. L'intéressé n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, il doit être regardé comme s'étant désisté, devant la Cour, des moyens articulés au soutien des conclusions de sa demande devant le tribunal administratif, qui ne peuvent donc qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant les premiers juges.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004765 du 14 janvier 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.

L'assesseur le plus ancien,

J.-F. GOBEILL

Le président-rapporteur

S. C...

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00793
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-10;21pa00793 ?
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