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30/12/2022 | FRANCE | N°22PA02499

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2022, 22PA02499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mai 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et d'enjoindre au ministre de mettre fin à la mesure de privation de liberté dont il fait l'objet et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2210123 du 6 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cette décisi

on et a enjoint au ministre de l'intérieur d'admettre M. A... au séjour et de lui dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mai 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et d'enjoindre au ministre de mettre fin à la mesure de privation de liberté dont il fait l'objet et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2210123 du 6 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur d'admettre M. A... au séjour et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire sa demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2022, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Cano, demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé sa décision refusant à M. A... son admission sur le territoire français au titre de l'asile au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que la demande d'asile de l'intéressé était manifestement infondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,

- et les observations de Me El Haik pour le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant iranien né le 28 janvier 1995, est arrivé à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par un vol en provenance de Doha (Qatar) le 1er mai 2022 et a demandé, le même jour, le bénéfice de l'asile. Par une décision du 3 mai 2022, le ministre de l'intérieur a, au vu d'un avis du directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, refusé son entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers le Qatar ou, le cas échéant, vers tout pays où il sera légalement admissible. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. A..., annulé cette décision.

Sur le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. / L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées à l'article L. 531-15, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article. / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant à la frontière du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, sont sans pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou, du fait notamment de leur caractère inconsistant ou trop général, incohérent ou très peu plausible, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les craintes de persécutions ou d'atteintes graves alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la protection subsidiaire.

4. Pour annuler le refus d'entrée en France au titre de l'asile opposé à M. A..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur les déclarations de l'intéressé, lors de l'entretien dont il a bénéficié, le 3 mai 2022, avec un officier de protection de l'OFPRA, selon lesquelles, originaire de Tabriz, il s'est converti, en 2021, à la religion chrétienne. Il a alors été menacé. Craignant pour sa sécurité, il a quitté son pays un an après sa conversion. La magistrate désignée a également estimé que le récit livré par M. A... n'apparaissait pas comme manifestement dépourvu de toute crédibilité. Au regard de ces éléments, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a considéré que le ministre de l'intérieur, en regardant la demande d'asile de M. A... comme étant manifestement infondée et en refusant en conséquence son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, avait fait une inexacte application des dispositions précitées.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien du 3 mai 2022 que M. A... a tenu des propos particulièrement sommaires ou évasifs et très peu crédibles sur son environnement familial et sur les circonstances selon lesquelles il se serait converti, en 2021, au christianisme. De même, l'intéressé a fait montre d'une méconnaissance manifeste de cette religion, ignorant notamment les principales fêtes chrétiennes. En outre, il n'a livré que des indications élusives et convenues sur son cheminement personnel l'ayant conduit à sa conversion, sur cette conversion elle-même, lors d'un baptême par un pasteur qu'il n'aurait rencontré qu'une fois, et sur ses conditions de vie par la suite. Par ailleurs, il n'a livré aucun commencement d'explication sérieuse sur les menaces dont il aurait fait l'objet à la suite de cette conversion alléguée, sur leurs auteurs, sur leur fréquence ou encore sur leur teneur. Enfin, il n'a fourni aucune indication sur l'élément déclencheur, l'organisation et les modalités de son départ de son pays dans un tel contexte. Il suit de là que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur les éléments mentionnés au point 4 pour estimer qu'il avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... en première instance :

7. En premier lieu, si la confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, ce principe ne fait pas obstacle à ce que les agents habilités à mettre en œuvre le droit d'asile aient accès à ces informations. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie aurait porté atteinte à ce principe dès lors que ces éléments n'ont été connus, transmis et étudiés que par les agents des autorités habilitées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à traiter les demandes, à savoir les agents de police ainsi que les agents de l'OFPRA et du ministère de l'intérieur, tous astreints au secret professionnel. En conséquence, le moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en appréciant la crédibilité de la demande d'asile de M. A..., le ministre de l'intérieur aurait excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. A... n'a apporté, ainsi qu'il a été dit au point 5, aucun élément ou document de nature à établir la réalité, l'intensité et le caractère personnel des persécutions ou des atteintes graves dont il allègue avoir fait l'objet dans son pays d'origine, ou à justifier des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans ce pays. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers l'Iran, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

11. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 352-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le recours introduit devant le tribunal administratif contre un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile revêt un caractère suspensif jusqu'à ce que le tribunal ait statué. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... serait privé d'un recours effectif, au sens des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour faire examiner la légalité de la décision de réacheminement au regard des stipulations de l'article 3 de cette convention, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 3 mai 2022 refusant à M. A... son admission sur le territoire français au titre de l'asile.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210123 du 6 mai 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- M. d'Haëm, président assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

R. d'HAËMLa présidente,

M. B...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02499
Date de la décision : 30/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme SAINT-MACARY
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-30;22pa02499 ?
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