Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.
Par une ordonnance n° 2009806 du 21 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Pierot, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2009806 du 21 décembre 2020 ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut, et sous les mêmes conditions d'astreinte, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- c'est à tort que sa demande a été rejetée comme étant manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, l'ordonnance attaquée étant ainsi entachée d'une erreur de droit ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une autorité dont la compétence n'est pas établie ;
- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 121-1 du même code ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
- elle a été signée par une autorité incompétente.
Par ordonnance du 30 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2022.
Un mémoire en défense, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 8 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née le 25 mars 1998, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 30 juillet 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée. Mme C... relève régulièrement appel de l'ordonnance du 21 décembre 2020 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. (...) .". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée : " I.- Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prolongation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif. / II. - Par dérogation au I : 1° Le point de départ du délai des demandes et recours suivants est reporté au 24 mai 2020 : a) Recours prévus à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception de ceux prévus au premier alinéa du III de cet article ; (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. D'autre part, l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré " et, en vertu du premier alinéa de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
4. Pour rejeter comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, la demande de Mme C..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a relevé, d'une part, qu'elle avait obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, demandé dans le délai imparti, par une décision du 17 février 2020 désignant son avocat, d'autre part, que le délai de recours de trente jours dont elle disposait pour contester l'arrêté du préfet de police qui portait régulièrement la mention des voies et délais, prorogé par l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020, recommençait à courir le 24 mai 2020 en application des dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, pour en déduire qu'à la date d'introduction de sa requête, enregistrée le 7 juillet 2020, ce délai avait expiré. Il résulte des dispositions dérogatoires du II de l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée, que le point de départ du délai de recours de trente jours courant contre l'arrêté du 30 juillet 2019 aurait été reporté au 24 mai 2020 s'il avait expiré avant cette date et non contrairement à ce que soutient Mme C..., à la date du 11 juillet 2020. Toutefois, en application des dispositions citées au point 3 du présent arrêt, le délai qui lui était imparti pour présenter sa demande contentieuse était interrompu jusqu'à la date de notification de la décision d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 17 février 2020, seule susceptible de faire courir à nouveau le délai de recours contentieux dont elle disposait pour contester l'arrêté du préfet de police. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette décision ait été notifiée à Mme C.... Par suite, en l'absence d'une telle notification, sa requête n'était pas tardive lorsqu'elle a saisi le tribunal administratif de Paris le 7 juillet 2020.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté. Aucune des parties n'ayant conclu au fond devant elle, la Cour ne peut évoquer la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris. Ainsi, il y a lieu de renvoyer Mme C... devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il y soit à nouveau statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Pierot, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2009806 du 21 décembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pierot une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02141