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16/12/2022 | FRANCE | N°22PA01380

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 22PA01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2127099/6-2 du 22 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions du préfet de police, lui a enjoint de réexaminer la situati

on administrative de

M. A... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2127099/6-2 du 22 février 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions du préfet de police, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de

M. A... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 février 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de ce qu'il aurait dû transmettre la demande d'autorisation de travail au préfet de Paris, préfet d'Ile de France afin de faire instruire cette demande par ses services ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Thomas Loncle, demande à la Cour :

1°) de rejeter de la requête du préfet de police ;

2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " ou subsidiairement une carte de séjour " salarié " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive en application des dispositions de l'article R. 776-9 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée le 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique ;

- les observations de Me Loncle, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant malien né le 27 juin 1998, s'est vu délivrer un titre de séjour étudiant valable du 27 juin 2017 au 26 juin 2018, puis des récépissés de renouvellement de ce titre valables jusqu'au 23 décembre 2021. Il a sollicité, le 5 mai 2021, le renouvellement de son titre de séjour temporaire avec changement de statut en vue de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un jugement du 22 février 2022, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné, a enjoint audit préfet de réexaminer la situation administrative de M. A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non recevoir opposée par M. A... :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application (...) / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le jugement du 22 février 2022 du Tribunal administratif de Paris a été notifié au préfet de police par un courrier mis à sa disposition dans l'application Télérecours le 23 février 2022 et que celui-ci en a pris connaissance le 24 février 2022. Ainsi, le délai de recours, qui est un délai franc, n'était pas échu le 24 mars suivant, date d'enregistrement de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A..., tirée de la tardiveté de la requête, doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article R. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code. ". Aux termes du paragraphe 2.1.3. de l'annexe visée à cet article : " Lorsque vous souhaitez exercer un premier emploi sous contrat à durée déterminée (changement de statut) : / -copie de l'autorisation de travail dématérialisée délivrée au nouvel employeur. ". Aux termes du II. de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. ". L'article R. 5221-15 du même code dispose que : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. ".

5. Il ressort de la feuille de salle que si M. A..., reçu par la préfecture de police en vue d'examiner sa demande de changement de statut le 5 mai 2021, a déclaré qu'une demande d'autorisation de travail avait été faite en mars 2021 auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, désormais dénommée direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, il ne produit aucun document permettant d'attester du dépôt de cette demande. Si l'intéressé, auquel la préfecture de police a demandé la production de l'autorisation de travail dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, a produit les pièces justificatives de la demande d'autorisation de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur de M. A..., dont le siège se situe à Drancy dans le département de la Seine-Saint-Denis, aurait transmis cette demande par le moyen d'un téléservice au préfet de la Seine-Saint-Denis, ainsi que le prévoient les dispositions en vigueur de l'article R. 5221-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé ses décisions du 10 novembre 2021 au motif qu'il ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter la demande de titre de séjour " salarié " de l'intéressé au seul motif que ce dernier ne produisait pas un contrat de travail visé par les autorités compétentes.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats de scolarité produits pour les années 2014 à 2018, que M. A... est entré en France alors qu'il était âgé de seize ans et qu'il y réside habituellement depuis cette date. Il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle, mention " réalisation en chaudronnerie industrielle " le 5 juillet 2018. Il a ensuite été employé en qualité de manœuvre de décembre 2018 à juin 2020 dans une entreprise de bâtiment par trois contrats à durée déterminée successifs puis, depuis février 2021 en qualité d'étancheur par un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, il résulte de la note sociale établie le 21 décembre 2021 par l'association " Urgence Jeunes ", qui le suit depuis 2014, qu'il a quitté son pays d'origine alors qu'il était âgé de 14 ans et qu'il fait montre d'une bonne insertion dans la société française. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de l'âge auquel M. A... est entré en France, de sa durée de présence, de son intégration, et alors même qu'il est célibataire, sans charge de famille et que ses parents et sa fratrie résident au Mali, l'intéressé est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de police a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de 1ère instance, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions du 10 novembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt implique, eu égard à ses motifs, qu'il soit délivré à M. A..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu de réformer l'article 2 du jugement attaqué et d'enjoindre au préfet de police de procéder à cette délivrance dans un délai dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'article 2 du jugement n° 2127099/6-2 du 22 février 2022 du Tribunal administratif de Paris est reformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

E. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01380
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LONCLE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;22pa01380 ?
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