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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA06652

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA06652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal été assujetti, respectivement au titre des années 2006 à 2012 et au titre des années 2006 à 2015.

Par un jugement n° 2005321/1-1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoi

res enregistrés les 28 décembre 2021, 17 mai 2022 et 4 juillet 2022, M. C..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal été assujetti, respectivement au titre des années 2006 à 2012 et au titre des années 2006 à 2015.

Par un jugement n° 2005321/1-1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2021, 17 mai 2022 et 4 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Jean-Pierre Le Sergent, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'établit pas, par la seule production d'une fiche de synthèse BUP qu'elle a confectionnée elle-même, la détention d'avoirs à l'étranger ;

- aucune preuve n'est fournie de la détention d'avoirs à compter de 2007 ;

- des pénalités pour manœuvres frauduleuses ne peuvent être appliquées sur la base de simples hypothèses relatives à la détention des comptes et la disposition de revenus dont il n'est pas établi qu'ils ont été perçus et qu'ils ont échappé à l'impôt ;

- les documents demandés en cours de procédure d'imposition n'ayant été produits qu'après la mise en recouvrement, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, ainsi que l'a reconnu le Tribunal judiciaire de Paris le 18 novembre 2021.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 mars et 20 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après que le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, à une perquisition au domicile d'un ancien employé de banque HSBC, la saisie d'un ordinateur dont le disque dur contenait des données sur les clients de la filiale suisse de la banque HSBC a été effectuée. L'exploitation des fichiers ainsi obtenus laissait présumer que M. C... était titulaire d'avoirs sur des comptes bancaires ouverts auprès de la banque HSBC en Suisse, non déclarés auprès de l'administration fiscale française. Dès lors, l'administration fiscale a déposé plainte pour fraude fiscale à l'encontre du requérant, le 10 décembre 2012, sur la base de ces informations. Conformément aux dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a autorisé, le 18 mars 2016, la consultation des pièces du dossier relatives à M. E... C.... Le service vérificateur a ensuite exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, conformément aux dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, afin de consulter, le 10 juin 2016, les différents éléments recueillis par les agents des services de police dans le cadre de l'enquête judiciaire concernant M. C.... L'exploitation des fichiers ainsi obtenus laissait présumer que M. C... était titulaire d'avoirs sur les quatre comptes bancaires n° CH 22 0868 9050 9113 6633 3, CH 35 0868 9050 9113 4970 6, CH44 0868 9050 9113 6632 5 et CH 94 0868 9050 9113 6668 6 ouverts auprès de la banque HSBC en Suisse sous le profil 42054 JOK. M. et Mme E... C... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces s'agissant de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2006 à 2015 et des déclarations qu'ils avaient souscrites, les opérations de contrôle faisant apparaître que M. C... était détenteur de plusieurs comptes non déclarés, ouverts à l'étranger, et qu'il n'avait pas déclaré ces comptes ni les revenus y afférents, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts. Une demande de justification, portant sur ces avoirs ou revenus d'avoirs au titre des années 2006 à 2015 a alors été adressée à M. et Mme C..., en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales le 22 août 2016. Dans leur réponse du 25 octobre 2016, ils ont sollicité la communication des documents sur lesquels l'administration se fondait pour établir la détention des comptes en litige, estimant que les éléments indiqués dans la demande étaient " pour le moins aléatoires ", et précisé que, dans l'attente de ces documents, ils considéraient la demande comme sans objet. Une mise en demeure d'avoir à compléter cette réponse leur a alors été adressée le 3 novembre 2016 et joints à ce courrier figuraient le document de synthèse individuel (dit " code BUP ") retraçant toutes les informations identifiées dans les fichiers de la banque HSBC Private Bank en Suisse les concernant ainsi que les deux procès-verbaux de gendarmerie du 2 septembre 2009 et du 12 janvier 2010. En réponse, par lettre du 12 décembre 2016, M. et Mme C... n'ont fourni aucun élément sur l'origine et le caractère non imposable de ces avoirs et revenus d'avoirs. Dès lors, le service vérificateur a appliqué la procédure de taxation d'office en vertu des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales du fait de l'absence de réponse suffisante aux demandes d'éclaircissements et de justifications. Le service vérificateur a mis en œuvre l'article 151 du code général des impôts pour évaluer les revenus des avoirs détenus à l'étranger, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2006 à 2015, et en a informé M. et Mme C... par une proposition de rectification du 20 décembre 2016. Les rectifications ont été maintenues par lettre du 2 août 2017 à la suite des observations présentées par les contribuables le 26 janvier 2017. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2006 à 2012, et de contributions sociales, au titre des années 2006 à 2015, ont été assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'intégralité de ces impositions en droits et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

4. M. C... fait valoir qu'il a demandé, par trois courriers en date des 25 octobre 2016, 12 décembre 2016 et 20 janvier 2017, la communication de documents et que ces documents ne lui ont été communiqués que le 2 mai 2019, après la mise en recouvrement le 30 novembre 2017 des impositions litigieuses. Les courriers du 25 octobre et du 12 décembre 2016 ont été envoyés avant la notification, le 23 décembre 2016, de la proposition de rectification du 20 décembre 2016, soit à des dates où les documents obtenus de tiers sur lesquels l'administration a fondé les rectifications ne pouvaient être identifiés. Le courrier du 20 janvier 2017, pour sa part, ne contient aucune demande formelle de communication de documents. Par suite, et en l'absence de demande régulièrement présentée à cet effet, M. C... ne saurait valablement soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions précitées en ne communiquant pas certains documents avant la mise en recouvrement des impositions. L'appréciation juridique portée par le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 18 novembre 2021, qui au demeurant n'est pas définitif, n'est pas opposable au juge de l'impôt.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. (...) " et aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ". En outre, aux termes de l'article L. 193 dudit livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal du 30 septembre 2013, que l'enquête judiciaire, au vu de plusieurs éléments d'identification concordants, tels que l'état-civil, la profession et l'adresse de M. C..., qui figuraient sur la fiche de synthèse " BUP " établie sur la base des fichiers HSBC, lesquels font le lien entre M. E... C... né le 11 janvier 1965 à Casablanca (Maroc) et le profil client " 42054 JOK ", ouvert le 21/11/2003, a révélé que M. C... est le titulaire des droits inscrits sur quatre comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque " HSBC Private Bank ". En outre, le procès-verbal du 9 décembre 2014 relatant la 3ème audition de M. C..., établi par M. A..., inspecteur des finances publiques à la BNRDF, précise que l'initiale du prénom des trois premiers enfants des requérants, à savoir G... né en 2000, B... née en 1999 et D... né en 2002 forment l'acronyme " JOK " qui correspond au profil client indiqué sur la fiche de synthèse. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, M. C... doit être regardé comme ayant eu la disposition de ces quatre comptes sous le profil client " 42054 JOK ". Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le caractère probant des informations recueillies lors de la perquisition mentionnée au point 1., dont sont issus les éléments qui précèdent, et dont la validité a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2013. De même, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'administration fiscale serait intervenue dans la confection des instruments de preuve en extrayant, dans le cadre de fiches de synthèse individuelles, les informations figurant dans le fichier d'origine qui concernait de nombreuses autres personnes. En outre, et malgré l'importance des sommes en jeu, le requérant ne s'est pas rapproché de la banque HSBC pour établir le caractère erroné desdits éléments. L'administration fiscale disposait ainsi d'éléments suffisants permettant de présumer que M. C... disposait d'avoirs et de revenus d'avoirs à l'étranger. L'administration était par suite fondée à lui adresser une demande d'éclaircissements et de justifications en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et de tirer les conséquences d'une réponse insuffisante en mettant en œuvre la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que les éléments opposés à M. C... n'établissent formellement la disposition d'avoirs à l'étranger par l'intéressé qu'au titre des années 2005 et 2006 ne fait pas obstacle, en l'absence de tout élément permettant de considérer que ces avoirs auraient disparu ou que M. C... n'en aurait plus disposé, à ce que l'administration fiscale interroge le contribuable au titre des années ultérieures, à ce qu'en l'absence de réponse satisfaisante, elle lui applique la procédure de taxation d'office au titre desdites années et à ce qu'elle calcule sa base d'imposition en faisant usage des dispositions de l'article 151 du code général des impôts et en évaluant les revenus imposables générés par ces avoirs au cours des années d'imposition en litige.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c) 80 % en cas de manœuvres frauduleuses " ;

8. Contrairement à ce qui est soutenu, et compte tenu de l'ensemble des éléments précédemment évoqués, l'administration établit que M. C... avait la disposition, par l'intermédiaire d'un profil client, de plusieurs comptes ouverts auprès de la banque HSBC de Genève en Suisse et les avait dissimulés aux services fiscaux. L'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence de manœuvres frauduleuses. M. C... n'est dès lors pas fondé à demander la décharge des pénalités dont ont été assortis les rehaussements d'impôt sur le revenu mis à la charge de son foyer en soutenant que le service vérificateur serait tenu d'apporter la preuve que les sommes mentionnées sur ces comptes seraient imposables et auraient indûment échappé à l'impôt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux, chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. F...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA06652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06652
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP LE SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa06652 ?
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