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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA05679

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA05679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, ainsi que la décision du même jour lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2117468/3-2 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de

Paris, après avoir admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, ainsi que la décision du même jour lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2117468/3-2 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les décisions du préfet de police et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 novembre 2021 et le 7 décembre 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.

La requête du préfet de police a été communiquée à la dernière adresse connue de

M. D..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 7 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée le 22 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant ivoirien né le 1er mars 2002, arrivé en France en 2017 à l'âge de 15 ans, a été reconnu mineur isolé en danger par le Tribunal des enfants de B... et placé à l'aide sociale à l'enfance à compter du 6 novembre 2018. Le 2 mars 2020, à sa majorité, M. D... a bénéficié d'une mesure de protection en tant que " jeune-majeur ". Par un arrêté du 12 août 2021, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné. Par un arrêté du même jour, il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de vingt-quatre mois. Le préfet de police demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2117468/3-2 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. Il est constant que M. D... est entré irrégulièrement sur le territoire et ne disposait pas de titre de séjour.

4. Pour annuler les décisions contestées, le Tribunal administratif de Paris a relevé que

M. D..., reconnu mineur isolé par l'autorité judiciaire, avait fait l'objet d'une protection en qualité de jeune majeur, depuis le 28 septembre 2020, suivait une formation en apprentissage pour devenir menuisier, dans le cadre duquel il avait conclu un contrat d'apprentissage avec la mairie de Thorigny-sur-Marne et la fédération régionale des compagnons de Paris et d'Ile-de-France, qu'il produisait plusieurs attestations, notamment celle d'une assistance sociale d'une association qui l'héberge, faisant état de ses bonnes relations avec ses collègues de travail, ses pairs et les équipes éducatives qui le suivent, que le préfet de police versait au débat un procès-verbal d'interpellation qui ne se rapportait pas aux faits rapportés dans les décisions attaquées du 12 août 2021 relatifs à un vol en réunion dans un véhicule de transport collectif et enfin, que le bulletin n°1 du casier judiciaire produit par l'intéressé ne faisait état d'aucune condamnation.

5. Toutefois, il ressort des procès-verbaux d'interpellation et d'audition du 11 août 2021, pour la première fois produits en appel, que M. D... a été interpellé dans les transports en commun alors qu'il se livrait à un vol sur un voyageur en compagnie de deux comparses. La copie du fichier automatique des empreintes digitales et le procès-verbal d'audition du 29 juillet 2020, mettent en évidence que l'intéressé avait précédemment été impliqué le 30 août 2019, le 12 octobre 2019 et le 29 juillet 2020 respectivement dans des affaires de recel de biens provenant d'un vol, de vol aggravé par deux circonstances sans violence et de vol en réunion avec violence. Ces circonstances répétées, alors même qu'il n'aurait pas été condamné, qu'il a fait l'objet de mesures de protection judiciaire à compter de 2019 et qu'il disposait d'un contrat d'apprentissage, ne permettent pas de justifier d'une insertion satisfaisante dans la société française. Il est par ailleurs constant que M. D... est célibataire, sans charges de famille et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation et il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a retenu le motif rappelé au point 4. pour annuler les arrêtés du 12 août 2021.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

7. Les décisions attaquées ont été signées par Mme E..., attaché d'administration de l'Etat, qui disposait d'une délégation de signature consentie à cet effet par l'arrêté du préfet de police de Paris n° 2021-00377 du 30 avril 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, les arrêtés attaqués visent les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1, des articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-6 à L. 612-11 de ce code, et précise les motifs pour lesquels le préfet a obligé M. D... à quitter le territoire français sans délai ainsi que les raisons qui l'ont conduit à prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans à son encontre. Ainsi, les arrêtés attaqués contiennent l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des arrêtés attaqués que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'intéressé.

10. En dernier lieu, si le préfet a mentionné à tort que M. D... ne justifiait pas d'un document d'identité en cours de validité alors qu'il a produit en première instance la copie d'un passeport valable du 17 mars 2020 au 16 mars 2025, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris les mêmes décisions s'il n'avait retenu que les autres motifs qui les justifiaient légalement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché les décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne l'autre moyen relatif à l'obligation de quitter le territoire :

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour les motifs énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

14. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet de police a décidé de son éloignement du territoire français serait, en elle-même, constitutive d'un traitement inhumain et dégradant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du

12 août 2021. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2117468/3-2 du 8 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

E. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05679
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa05679 ?
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